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Culture - Exposition

Les photos du Studio Rex révèlent un autre visage de l’immigration en France

L’exposition « Ne m’oublie pas » présente des portraits issus des archives du studio photo Studio Rex, lors du festival de photographie Rencontres d’Arles, à Arles, dans le sud-est de la France, le 28 août 2023. Christophe Simon/AFP

Une grille en fer forgé, un bouquet de fleurs artificielles et le regard fixant l’objectif : 40 ans durant, le Studio photographique Rex, à Marseille, a vu défiler hommes et femmes immigrés en quête d’une vie meilleure, qu’une exposition sort de l’oubli à Arles (sud de la France).

Présentée jusqu’au 24 septembre par les Rencontres de la photographie, « Ne m’oublie pas » rassemble plus de 2 000 clichés d’anonymes réalisés dans ce studio familial fondé en 1933 par Assadour Keussayan, d’origine arménienne, au cœur du quartier populaire de Belsunce.

 « La particularité du Studio Rex, c’est qu’il a documenté pendant une quarantaine d’années toute l’immigration subsaharienne, maghrébine et comorienne » transitant par le plus grand port français de la Méditerranée, explique Jean-Marie Donat, curateur de l’exposition dont la majeure partie des photos, prises entre 1966 et 1985, sont issues de la collection privée.

Quarante ans durant, le Studio photographique Rex, à Marseille, a vu défiler hommes et femmes immigrés en quête d’une vie meilleure. Christophe Simon/AFP

Profitant de sa position stratégique entre les gares ferroviaire et maritime de Marseille, puis, dans les années 1950, de sa proximité avec une antenne du ministère du Travail, le Studio Rex documente « un moment-clé de l’histoire de France qui voit l’immigration d’origine coloniale s’intensifier pendant les Trente Glorieuses (la période de forte croissance de l’après-guerre NDLR) et la guerre d’Algérie », relève sur son site le Musée de l’histoire de l’immigration, à Paris, qui possède également une partie du fonds du Studio Rex.

Si la majeure partie de cette archive a été perdue – Assadour Keussayan et son fils Grégoire, venu le rejoindre au studio à partir de 1966, détruisant leurs stocks tous les dix ans environ –, certaines boîtes de films négatifs ont pu être sauvées.

À Arles, sur neuf caissons rétroéclairés sont exposés quelque 80 négatifs de ces photos d’identité à vocation administrative, pour les permis de travail ou de séjour, sur plus de 14 000 collectées par Jean-Marie Donat.


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C’est aussi « l’histoire du contrôle et de la régulation des étrangers en France que révèlent en filigrane ces photographies » pour Émilie Gandon, conservatrice du patrimoine au Musée national de l’histoire de l’immigration.

« Sur les 80 portraits, il doit y avoir à peu près 77 hommes, dont 70 avec des moustaches. Ils sont tous habillés plus ou moins pareil, à la mode des années 1970 : veste à grand col, à carreaux, grande cravate, vraiment très bien habillés, bien coiffés », note Jean-Marie Donat.

Photos traversant la Méditerranée 

Costumes ou vêtements traditionnels du pays d’origine, les habits d’apparat se retrouvent également sur les tirages des photos studio où posent des hommes mais également des femmes, parfois avec leurs enfants.

Pourtant, si mise en scène il y a, dans ces photos destinées à être envoyées dans le pays d’origine pour donner des nouvelles et témoigner de sa nouvelle situation prospère, elle est surtout à l’initiative des sujets eux-mêmes, comme le raconte Grégoire Keussayan, décédé en avril 2023, dans le catalogue de l’exposition : « Les recommandations, c’était eux qui les faisaient ! »

Une vue de l’exposition « Ne m’oublie pas » lors du festival de photographie Rencontres d’Arles, à Arles. Christophe Simon/AFP

« Les gens venus travailler en France posaient avec les éléments matériels de leur réussite, soit un manteau en fourrure, soit des billets de banque qui sortent de leurs poches de costume », mais aussi un poste de radio ou une valise, pour signifier le retour prochain, explique Martine Derain, artiste et éditrice qui a contribué à ce que les archives municipales de Marseille acquièrent une partie des négatifs.

Tout comme Samia Chabani, du centre de ressources sur l’histoire et les mémoires des migrations à Marseille, Ancrages, qui aimerait que ces photos puissent être exposées dans le quartier marseillais de Belsunce où elles ont été faites, Mme Derain insiste sur l’importance que ce fonds soit accessible à tous.

Ces photos ont une dimension « sociologique », estime-t-elle. « Grégoire n’avait pas d’intention artistique, il n’y avait pas de projection de sa part. Ce sont les personnes qui amenaient les objets qu’elles avaient envie de montrer et se mettaient leurs beaux costumes. »

Pour Jean-Marie Donat, « la chose la plus intéressante de cette archive, ce sont paradoxalement les photos qui n’ont pas été prises au studio, celles dites “de portefeuille” ». Soit ces photos de leurs proches que les hommes avaient en arrivant et qu’ils apportaient au Studio Rex pour les faire reproduire, agrandir ou pour réaliser des photomontages car elles s’étaient abîmées dans les voyages.

Toutes ces photos sont vraiment « liées au voyage et à l’attente, ajoute-t-il. La photo de portefeuille traverse la Méditerranée de l’Algérie à Marseille, la photo de studio traverse la Méditerranée dans l’autre sens, la photo administrative reste en France », tout comme celle de photomontage « que l’homme garde dans sa chambre en souvenir de sa famille ».


Une grille en fer forgé, un bouquet de fleurs artificielles et le regard fixant l’objectif : 40 ans durant, le Studio photographique Rex, à Marseille, a vu défiler hommes et femmes immigrés en quête d’une vie meilleure, qu’une exposition sort de l’oubli à Arles (sud de la France).

Présentée jusqu’au 24 septembre par les Rencontres de la...

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