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Culture - PHOTO

Aux Rencontres d’Arles, la gréco-libanaise Randa Mirza remporte le 1er prix

Lors du Photo Folio Review, la photographe gréco-libanaise Randa Mirza a obtenu le premier prix avec sa série « Beirutopia », saisissant par l’image le silence de la violence urbaine à Beyrouth.

Aux Rencontres d’Arles, la gréco-libanaise Randa Mirza remporte le 1er prix

De la série « The Sniper ». Photo Randa Mirza

Randa Mirza est familière des récompenses attribuées dans le cadre des Rencontres d’Arles. En effet, après le prix No-Limit en 2006, elle a reçu celui de la Maison-Blanche en 2013. Aujourd'hui, elle est couronnée du premier prix du Photo Folio Review pour sa série « Beirutopia ».

Selon la photographe, l’élément essentiel qui a lancé sa carrière artistique est l’exposition sur la mythologie arabe, intitulée « el-Zohra », présentée en 2016 à la galerie Tanit. « Cette série a eu un écho important, elle a ensuite été reprise au musée Sursock, au Mucem, et aujourd’hui, elle est proposée au 32 bis de Tunis », confie la lauréate, qui a fait des études de publicité à l’ALBA. « À cette époque, il y avait peu de possibilités pour faire des études artistiques, si ce n’est le cursus des arts plastiques classiques : les études d’art contemporain n’étaient pas encore très répandues. Il me semblait que le domaine de la publicité était ce qui se rapprochait le plus de mon aspiration créative et j’ai pu suivre des cours de photographie », poursuit l’artiste qui vit entre Marseille et Beyrouth depuis dix ans.

Le principe du Photo Folio Review permet à différents artistes de proposer une synthèse de leur travail pendant une semaine. « Nous sommes sélectionnés au départ sur des dossiers que nous devons longuement préparer en amont. Ensuite, une centaine d’experts sont réunis pour rencontrer les candidats, et ce sont ces derniers qui décident des personnes à qui ils soumettent leurs portfolios parmi les membres du jury. Ces entretiens avec des experts internationaux (galeristes, commissaires d’exposition, éditeurs…) durent une vingtaine de minutes : c’est rapide et très stressant… Ensuite, ils se réunissent pour voter ; je suis très heureuse d’avoir été récompensée, car cela signifie que mon travail sera exposé à Arles en juillet 2024 », se réjouit la photographe qui prépare en parallèle une première monographie sur « Beirutopia ». Le livre sera publié aux éditions Le Bec en l’air. « Je souhaite accompagner les 150 photos choisies de textes déjà écrits ou que je vais rédiger afin de varier les sensibilités », prévoit Randa Mirza.

« Beirut Is Back, and It's Beautiful », un cliché tiré du portfolio des années 2000 à 2010 de l'artiste. Photo Randa Mirza

Une vision « stéréoscopique » de la violence à Beyrouth

L’opus présenté au Photo Folio Review et le prochain livre à paraître s’intitulent « Beirutopia », titre d’une des séries éponymes de l’artiste. « Cette série a beaucoup circulé et je travaille dessus depuis 10 ans. Ce portfolio est comme un essai visuel des différentes recherches que j’ai menées entre 2000 et 2022 autour de la ville de Beyrouth. Je me suis intéressée à la transformation de la ville et à la violence inhérente à son histoire. La dimension autobiographique y est forte, puisque je vivais dans la ville tout en la photographiant », explique l’artiste qui a nommé « Les Francs-Tireurs » sa première série. « Pour la réaliser, je suis montée au sommet des immeubles détruits par la guerre et j’ai photographié les passants à travers les structures métalliques de la ville, dans un jeu macabre d’échange de rôles avec les francs-tireurs. C’est une série constituée de diapositives en noir et blanc : pour chacune d’elles, le medium est différent », précise Mirza. La seconde série commence en 2005, une année charnière au Liban. « Il y a eu l’assassinat de Hariri et le départ des Syriens en 3 jours : je me suis intéressée aux immeubles vidés de leurs habitants que l’on détruisait dans une optique de reconstruction. J’ai photographié les villas, les chalets désertés, comme s’il s’agissait de chambres abandonnées de la mémoire, cette fois, c’est de la photographie argentique. Une première partie est photographiée en grand angle, la seconde se présente sous forme de fragments : l’ensemble s’intitule “Abandonned Rooms” », enchaîne celle dont le travail rappelle les sentiments mitigés de nombreux Libanais au moment de la restauration du centre-ville.

« Real Property », une image signée Randa Mirza. Photo DR

« La série “Beirutopia” s’étale sur 10 ans : elle commence avec les projets de reconstruction de Beyrouth, incarnés par d’immenses panneaux publicitaires autour des sites de chantier, qui promettent une ville idyllique. Sur ces photos numériques, il y a toujours un élément qui rappelle la réalité dans cet élan de projection, pour rappeler qu’elles cachent la violence de la destruction. L’idée est de se demander de quelle utopie il s’agit : ces projets ne sont pas pensés pour être habités par la population locale. Ils sont fondés sur le luxe, dans une optique néolibérale de spéculation et de blanchiment d’argent », martèle la photographe, dont la suite du travail intègre le soulèvement de 2019 et la pandémie de Covid . « Alors que les photos de projets immobiliers sont verticales, la suite est horizontale. Les rues y sont vides : les projets sont terminés mais déserts, c’est l’angoisse. Et sur la route côtière qui longe le pays du nord vers le sud, les grands panneaux publicitaires sont vides. J’en ai fait des vidéos de plans fixes », décrit l’artiste dont la dernière série concerne les explosions de Beyrouth. « “View From Home” est réalisée en collaboration avec la photographe Lara Tabet, le pseudonyme de notre duo est Jeanne et Moreau. Notre appartement donne sur le port, on a donc élaboré un collage entre des photos antérieures et postérieures à l’explosion : on a l’impression d’avoir des vues stéréoscopiques (c’est-à-dire qui sont prises avec un appareil qui photographie avec un petit décalage temporel). Nos collages expriment cet écart chronologique, tout en insistant sur la dimension cyclique de la violence », déplore Mirza, qui réfute avec véhémence l’idée d’une dimension mythologique ou poétique d’une malédiction de Beyrouth. « Le problème est politique, et cette histoire de Phénix ne fait qu’approfondir une dépression chronique : si la violence continue, c’est que le système de gouvernance n’a pas changé », martèle la jeune femme qui admet avoir encore « beaucoup à dire » sur la ville. Et on ne saurait la plaindre : son approche est fascinante dans son habileté à traquer une violence à la fois sourde et criante dans le silence et le vide des espaces.

Randa Mirza est familière des récompenses attribuées dans le cadre des Rencontres d’Arles. En effet, après le prix No-Limit en 2006, elle a reçu celui de la Maison-Blanche en 2013. Aujourd'hui, elle est couronnée du premier prix du Photo Folio Review pour sa série « Beirutopia ». Selon la photographe, l’élément essentiel qui a lancé sa carrière artistique est...
commentaires (1)

Félicitations à la photographe pour le premier prix pour avoir ""(tenté) de saisir par l’image le silence de la violence urbaine à Beyrouth"". Au Liban, la violence urbaine est silencieuse !

Nabil

12 h 44, le 26 juillet 2023

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Commentaires (1)

  • Félicitations à la photographe pour le premier prix pour avoir ""(tenté) de saisir par l’image le silence de la violence urbaine à Beyrouth"". Au Liban, la violence urbaine est silencieuse !

    Nabil

    12 h 44, le 26 juillet 2023

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