C’est une journée d’août particulièrement suffocante à Tannourine el-Tahta, dans le nord du Liban. Dans l’Oliveraie, un secteur d’escalade situé dans le village de montagne, le soleil brûle la roche, la sueur coule sur le front des quelque 100 grimpeurs.
Amateurs ou athlètes de longue date, ces grimpeurs se sont réunis pour le SpaceFest 2023, le festival d’été organisé par le club libanais d’escalade ClimberSpace.« Lorsque j’ai commencé à grimper, en 2012, la communauté était très petite, explique Georges Issa, cofondateur de ClimberSpace et organisateur du festival. Cette activité va certainement se développer de plus en plus. »
ClimberSpace a été créée par trois frères libanais – Georges, Jad et Élias Issa. La plupart des participants à la SpaceFest de cette année sont libanais, mais certains viennent de Jordanie, d’Égypte, de France, de Norvège, des États-Unis et du Mexique. Les organisateurs affirment que le nombre de participants a également doublé par rapport à l’année dernière, confirmant la popularité croissante de ce sport au Liban.
« Lorsque je suis arrivée ici et que nous nous sommes enfoncés dans les collines, j’ai vu Tannourine entourée de ces énormes rochers et je senti que nous étions au paradis », raconte Mayela Ruvalcaba, qui a fait le voyage depuis Guadalajara, au Mexique, uniquement pour faire de l’escalade au Liban. Pratiquant l’escalade depuis 22 ans, elle prévoyait initialement des vacances d’escalade en Europe, avant de changer d’avis après avoir rencontré Élias sur Instagram.
Une relation symbiotique
Lorsque les frères Issa ont fondé ClimberSpace en 2020, leur objectif initial était précis et limité : ressemeler des chaussures d’escalade. Les frères étaient frustrés de devoir envoyer leurs chaussures spécialisées en Europe quand elles avaient besoin d’être réparées, ce qui leur coûtait très cher. Ils ont donc construit leur propre machine de ressemelage et, depuis la maison de leurs parents, ont pu proposer aux grimpeurs libanais une option locale – et plus abordable – pour la réparation de leurs chaussures. « C’est à partir de là que les choses ont pris de l’ampleur, explique Georges. Nous voulions faire quelque chose pour promouvoir la population, l’escalade et la culture locales. »
Rapidement, ClimberSpace a développé ses propres produits, lancé la seule académie d’escalade du Liban destinée aux enfants et, bien sûr, est devenue le cœur organisateur du SpaceFest. « Nous croyons au pouvoir transformateur de l’escalade, explique Georges. Cette activité nous a changés à bien des égards et nous voulons partager cette expérience. »
Cette année, le programme de la Spacefest, dédié aux grimpeurs et aux non-grimpeurs, comprenait deux nuits de camping à Tannourine, une randonnée guidée dans la réserve des Cèdres toute proche, des cours de voile à Batroun et, bien sûr, beaucoup d’escalade. Plus de 200 billets ont été vendus pour l’événement. Avec un défi pour les organisateurs du festival : environ la moitié des participants étaient des débutants. « Cette communauté a besoin de se développer pour devenir durable, explique Georges. C’est ainsi que nous aidons la communauté locale à se développer. »
Une « Mecque » pour les grimpeurs
Tannourine el-Tahta occupe une place particulière dans le cœur des grimpeurs libanais. La région compte aujourd’hui plus de 140 voies de niveaux différents, auxquelles s’ajoutent 60 autres voies dans les secteurs voisins de Tannourine el-Fawqa et Beit Chlela. « La scène de l’escalade au Liban n’en est qu’à ses débuts », déclare Sami Sbaiti, qui la pratique depuis quatre ans et possède lui-même une maison à Tannourine. « La grande majorité des Libanais ont encore des idées fausses dès que l’on aborde ce sujet, poursuit-il. L’organisation d’un tel événement, auquel peuvent participer aussi bien les débutants que les pros, est un grand pas en avant dans le développement de ce sport au Liban.
De nombreuses personnes la perçoivent encore comme un sport dangereux. C’est pourquoi ClimberSpace met l’accent sur la sécurité, afin d’améliorer l’accessibilité à ce sport, ainsi que sur le dialogue avec la municipalité de Tannourine qui favorise les initiatives existantes en matière d’escalade. Pour répondre aux besoins de cette communauté en croissance, cette dernière a mis en place un projet d’aménagement du territoire. Georges espère qu’au fur et à mesure que la communauté des grimpeurs se développera, elle sera en mesure de rendre de plus en plus de services aux communautés hôtes. En plus d’apporter de l’argent à une économie locale autrement stagnante, une communauté d’alpinistes responsabilisée peut contribuer au nettoyage et à l’entretien des montagnes, ou protéger la région d’un développement excessif. « Les personnes qui aiment la nature sont naturellement pacifiques, et nous avons besoin de cela », déclare Georges en souriant.
*Cet article est paru en anglais dans L’Orient Today du 26 août