Le gouverneur par intérim de la Banque du Liban (BDL), Wassim Mansouri, a publié dans un communiqué jeudi le détail des réserves de devises détenues par l’institution au moment de sa prise de fonction le 31 juillet dernier ainsi que les engagements immédiats dus à cette même date.
L’ancien premier vice-gouverneur a récemment remplacé d’office le gouverneur Riad Salamé, faute de successeur dûment nommé par l’exécutif dans un pays en crise depuis 4 ans, sans président de la République depuis novembre dernier et qui est dirigé par un gouvernement démissionnaire depuis les législatives de mai 2022.
Parmi les principaux enseignements à retenir des chiffres publiés, figure notamment le fait que la classe dirigeante libanaise a dilapidé 90 % des 1,135 milliard de dollars issus des droits de tirage spéciaux (DTS) débloqués par le Fonds monétaire international en septembre 2021, soit au moment de la formation du gouvernement de Nagib Mikati. C’est la première fois que la BDL communique officiellement cette donnée.
Instrument financier utilisé entre l’organisation international et ses membres, les DTS n’ont aucun lien avec l’aide financière que le FMI envisage de débloquer en faveur du Liban dans le cadre d’un programme d’assistance engageant le pays à lancer d’importantes réformes de fond.
Le gouverneur par intérim n’a pas fourni de détails sur la façon dont les DTS ont été dépensés. À noter que les 125 millions de dollars de DTS restants sont inscrits dans la colonne des engagements des réserves de devises de la BDL. Cette dernière considère en effet qu’ils n’entrent pas dans la catégorie des montants qu’elle peut librement utiliser pour financer ses interventions sur le marché et qu’ils ne peuvent être déboursés qu’à la demande expresse de l’État.
Réserves de devises
Dans son communiqué, le gouverneur par intérim de la BDL a également donné une image détaillée de ce que l’institution possède encore comme réserves de devises et ce dont elle devait s’acquitter. Il s’agit davantage d’une position de compte que d’un bilan financier, dans la mesure où il n’inclut pas les autres éléments de l’actif et du passif de la BDL, dont les dizaines de milliards de dollars de certificats de dépôt et de dépôts réclamés par les banques du pays, entre autres.
Du côté des réserves, la BDL disposait ainsi au 31 juillet dernier d’un total de 8,573 milliards de dollars qui se décomposent en :
• 1,53 milliard de dollars de liquidités disponibles (cash on hand) ;
• 3,114 milliards de dollars sur des comptes courants ;
• 3,711 milliards de dépôts à terme ;
• Et 218 millions équivalents à la valeur mobilière de titres financiers internationaux (les placements faits par la BDL sur des obligations et titres étrangers).
À noter que le total relevé au 31 juillet diffère de celui de 9,04 milliards de dollars communiqué début août par l’institution, qui traduisait une baisse de plus de 600 millions de dollars en deux semaines. La BDL n’a pas expliqué les raisons de cette différence dans son communiqué, se contentant d’indiquer que les nouveaux chiffres avaient été vérifié par ses services ainsi que les autres directions concernées.
Valeur réelle des eurobonds
À ce montant s’ajoute celui du portefeuille d’eurobonds (obligations d’État libanaises en dollars), soit « 5,212 milliards de dollars » qui ne valent plus que « 386 millions » à leur valeur de marché réelle, selon les calculs de la BDL.
Le Liban a fait défaut sur le remboursement de ces titres en mars 2020 et n’a toujours pas sérieusement négocié avec ses créanciers pour restructurer sa dette, ce qui a fait chuter la valeur de ces mêmes titres sur le marché secondaire, où ils se négocient actuellement entre 7,5 et 8 cents de dollar, selon le département de recherche de Bank Audi que nous avons contacté. « Les cours, qui évoluaient entre 6 et 7 cents, se sont légèrement appréciés ces deux dernières semaines », a remarqué le directeur du département, Marwan Barakat. Selon nos calculs, la BDL s’est, elle, basée sur des eurobonds atteignant 7,5 % de leur valeur nominale pour obtenir la valeur de marché indiquée.
Engagements en dollars
Le communiqué signé par Wassim Mansouri précise en outre que le montant des engagements en cours de la BDL au 31 juillet dernier totalisait 1,27 milliard de dollars, dont :
• Les 125 millions de dollars de DTS ;
• 275 millions de dollars provisionnant des comptes en dollars « frais » ouverts au bénéfice du secteur public ;
• 8 millions provisionnant des comptes en dollars « frais » ouverts au bénéfice du « secteur bancaire » et qui servent à la compensation des transaction bancaires en cours en devises ;
• 96 millions provisionnant des lettres de crédit assumées par la BDL ;
• 660 millions liés à des prêts à long terme et assortis d’intérêts contractés auprès de « parties arabes » ;
• Et enfin 106 millions de dollars provisionnant des dépôts effectués par des entités « arabes », institutions et États notamment. Sur les réseaux sociaux, certains comptes ont mis en avant le fait que ce montant avait beaucoup diminué, traduisant le désengagement des pays arabes au Liban.
Réserves d’or
La différence entre les actifs et les engagements en cours totalisent 7,3 milliards de dollars de réserves utilisables. Le gouverneur par intérim a en outre réitéré l’engagement de l’institution à ne pas dépenser les réserves disponibles pour autre chose que pour honorer les engagements listés et pour rembourser les dépôts bloqués par les restrictions bancaires illégales en place depuis fin 2019, via le mécanisme de la circulaire n° 158 de la BDL.
Institué le 8 juin 2021, ce mécanisme permet chaque mois à des bénéficiaires sélectionnés, selon des modalités précises, de retirer de 300 ou à 400 dollars « frais » de ces comptes dont l’accès a été restreint.
La BDL n’a enfin pas communiqué le montant exact des réserves d’or à cette date (18 milliards selon le dernier bilan de la BDL relayé par le Lebanon This Week de Byblos Bank).
Le Liban possède le deuxième plus grand stock des pays arabes, soit 286 tonnes, équivalant à 9,22 millions d’onces troy (1 once = 31,1 grammes), dont environ 40 % sont stockées aux États-Unis. En novembre dernier, Riad Salamé avait annoncé que l’audit des réserves d’or du pays avait été effectué « avec succès » par une société internationale choisie et mandatée par un consultant délégué, sans autre précision.
Les mafieux du pouvoir ne perdent pas leur temps. Aussitot entres dans les caisses de l'etat, les sous sont lessives vers l'etranger sur les comptes personnels de ces messieurs. Vite fait, bien fait.
10 h 05, le 18 août 2023