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Nos Lecteurs ont la Parole

Vie et mort du Liban

La canalisation progressive de la majorité des crises graves vers le noyau confessionnel est monnaie courante au Liban. Indépendamment de sa nature économique, judiciaire ou politique, n’importe quelle crise s’oriente vers ce noyau dur, attirée par la force d’attraction confessionnelle. Par conséquent, les vraies raisons des crises sont occultées, la justice est paralysée, les Libanais sont divisés et la vie sociétale complexe de par sa nature se trouve simplifiée. Ce schéma réductionniste et falsificateur met en évidence aussi un dilemme pragmatique qui caractérise la façon dont les autorités et les politiciens locaux font face aux crises. Au lieu de s’efforcer de démontrer objectivement les causes réelles des crises et de proposer des solutions efficaces, ces responsables se plongent volontiers dans le jeu des échappatoires confessionnelles.

De ce dilemme, qui soulève des interrogations sur la puissance de la confession et sur le comportement des responsables écartant tout dépassement du fait confessionnel, découle une question légitime d’une grande gravité concernant la place de la foi dans la vie politique. En fait, la puissance de cette attraction est due à l’enracinement du sentiment confessionnel d’une manière qui le transforme en un modèle conceptuel sur lequel se fonde la construction intellectuelle des confessions. Cela ouvre la voie au réductionnisme, à la simplification et à la distorsion des raisons des crises souvent très complexes. Quant aux pratiques politiques, elles contribuent à alimenter ce sentiment confessionnel à travers les discours des politiciens et instances religieuses, mais aussi indirectement par le biais des institutions confessionnelles qui couvrent presque tous les domaines de la société.

Eu égard à cette situation, la construction d’un État démocratique et fort formant un noyau national alternatif au noyau confessionnel semble définitivement bloquée. Le Liban est condamné à rester un État fragile ! Toute solution d’une crise recherchée dans ce cadre ne produira que des crises plus graves. Par exemple, les questions controversées à la veille de la guerre de 1975, telles que la présence militaire palestinienne, la justice sociale, la décentralisation administrative et d’autres encore – qui ne sont pas à la base des questions confessionnelles –

ont pris une direction qui les a réduites au confessionnalisme, de sorte que la guerre est apparue comme une lutte entre chrétiens et musulmans. Par conséquent, l’accord de Taëf a été formulé à la lumière de la compréhension confessionnelle du pays et de ses problèmes. Mais voilà que cet accord ouvre la voie à d’autres crises. Le réductionnisme confessionnel de la vacance présidentielle actuelle suit le même schéma ; elle n’aboutira du coup qu’à une solution renforçant le confessionnalisme ou à une confrontation plus grave de couleur confessionnelle.

Retournons à la question légitime de la place de la foi dans la vie politique. Nous l’abordons sous l’angle chrétien, et précisément catholique. Quelle place la foi occupe-t-elle dans les pratiques de ces politiciens ? Une distinction s’impose immédiatement entre le rôle de la foi et du fait confessionnel. Car, bien que le facteur religieux réside à l’origine de la confession, le développement historique de cette dernière, en particulier sous le système ottoman de millet, et les arrangements confessionnels dans le Mont-Liban et puis dans l’État du Liban, en a fait une quasi-nation qui jouit de sa culture, de son histoire, de ses institutions et de ses relations extérieures, et utilise ses rituels et symboles religieux comme moyens de renforcer sa propre identité, perdant ainsi la foi dans sa dimension globale. Il faut donc faire la distinction entre la confession et les exigences de la foi telles qu’elles sont exprimées par la doctrine et nourries par la théologie.

La révélation historique acquiert une place centrale dans la foi chrétienne. Ce que l’on entend par là, c’est que Dieu marche avec son peuple et, au cours de ce chemin, Il révèle ses desseins à l’égard de l’homme et de l’histoire humaine. Par conséquent, la théologie chrétienne, bien qu’elle reconnaisse que la révélation divine a atteint son achèvement en la personne de Jésus-Christ, ne connaît pas la stagnation ou la suffisance ; elle est plutôt dans un mouvement de développement constant en ce qui concerne la réalisation du sens de cette révélation dans l’histoire humaine toujours en mutation. Il est évident que ce dynamisme théologique est ce qui a conduit l’Église catholique à adopter des enseignements très avancés sur les vérités détenues par les autres religions, la liberté de conscience, les droits de l’homme et la démocratie. Il est remarquable que ces enseignements n’aient pas été produits par la théologie catholique elle-même, mais plutôt adoptés et développés par elle. Et cela révèle le dynamisme de cette théologie, à savoir la non-distinction entre le Christ et le bien de tout homme ou tout ce qui peut servir et construire l’homme. Par conséquent, la destination de la foi est toujours le plus grand bien ou la meilleure vie pour chaque être humain.

Cependant, la situation confessionnelle va dans le sens inverse. Elle produit une mentalité de conformité dont les circonstances de l’origine restent floues, et dont l’histoire est pleine de préjugés et d’hostilité. C’est une condition qui captive l’homme, lui impose son ami et son ennemi, détermine son bien et fait de la société des sociétés parallèles et empêche l’établissement d’un État moderne digne de l’homme. C’est donc l’antithèse des exigences de la foi. Celle-ci, dans le cadre de la révélation historique, rejette la stagnation identitaire et fait de l’existence elle-même un atelier permanent orienté vers le bien de l’homme. Une lueur d’espoir demeure pourtant grâce à ceux qui travaillent pour une vie meilleure pour les Libanais et les institutions éducatives. Parmi les initiatives qui renforcent l’espoir, figure celle de l’Université Saint-Joseph qui a lancé une académie de formation à la citoyenneté afin de créer des générations qui croient à la dignité de l’homme et à un Liban démocrate et prospère.


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La canalisation progressive de la majorité des crises graves vers le noyau confessionnel est monnaie courante au Liban. Indépendamment de sa nature économique, judiciaire ou politique, n’importe quelle crise s’oriente vers ce noyau dur, attirée par la force d’attraction confessionnelle. Par conséquent, les vraies raisons des crises sont occultées, la justice est paralysée, les...

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