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Moyen-Orient - ÉCLAIRAGE

Entre Riyad et Israël, une normalisation avant la fin de l’année ?

L’administration démocrate multiplie ses efforts en vue d’accélérer les pourparlers sur le dossier, malgré les nombreux obstacles qui se dressent.

Entre Riyad et Israël, une normalisation avant la fin de l’année ?

Le président américain, Joe Biden, aux côtés du prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane, au sommet sur la sécurité et le développement à Djeddah, le 16 juillet 2022. Photo d’archives AFP

Il a suffi d’un article pour laisser penser qu’un accord de normalisation israélo-saoudien était sur le point d’être conclu. Depuis les révélations apportées jeudi dernier par l’éditorialiste du New York Times Thomas Friedman, certains observateurs ont prédit une redéfinition du paysage stratégique régional, rivalisant avec les accords de Camp David, dont le traité de paix israélo-égyptien de 1979. Selon l’article ayant fait couler beaucoup d’encre, intitulé « Joe Biden envisage un accord majeur pour le Moyen-Orient », le président démocrate aurait confié au journaliste qu’il réfléchissait à la possibilité de conclure un pacte de sécurité mutuelle entre les États-Unis et l’Arabie saoudite (sous la forme d’un « allié majeur non membre de l’OTAN » ou sous une autre forme), qui impliquerait la normalisation des relations entre Riyad et Israël. Et ce, « à condition que ce dernier fasse des concessions aux Palestiniens afin de préserver la possibilité d’une solution à deux États ».

Si l’administration Biden cherche depuis des mois à arracher un accord historique entre les deux puissances, avant la fin de l’année – un succès pour le locataire de la Maison-Blanche, avant que son agenda ne soit dicté par la campagne électorale américaine –, ces révélations ont confirmé l’avancée des pourparlers exploratoires menés par Washington sur le dossier. Elles sont intervenues au moment où le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan, et le plus haut responsable chargé de la politique au Moyen-Orient, Brett McGurk, se sont rendus en Arabie saoudite pour s’entretenir avec le prince héritier Mohammad ben Salmane et d’autres hauts responsables saoudiens. « Le président n’a toujours pas décidé s’il allait de l’avant, mais il a donné le feu vert à son équipe pour sonder le prince héritier (...) afin de voir si un accord est possible et à quel prix », rapporte encore Thomas Friedman.

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De quoi apporter du crédit à l’hypothèse d’une normalisation dans les mois qui viennent, alors que les récents propos de Faiçal J. Abbas, rédacteur en chef du média basé à Riyad Arab News, réputé proche du pouvoir saoudien, vont dans ce sens. « Bien entendu, il n’y a pas eu de confirmation officielle de la part du royaume. Cependant, il suffit de spéculer, de contextualiser et de prendre en considération les développements récents pour arriver à la conclusion qu’il est très probable qu’un tel accord soit possible », a-t-il écrit samedi. Il y encore quelques années, l’idée qu’un tel accord soit signé avant la mort du roi Salmane, qui s’accroche à la cause palestinienne, semblait impossible. Mais les développements en cours confirment une nouvelle fois la place de MBS comme seul maître à bord. Et si ce dernier – que le président Biden a contribué à mettre au ban de la communauté internationale à son arrivée au pouvoir en 2021, marquant un contraste avec son prédécesseur Donald Trump – ne souhaitait pas offrir ce cadeau au président démocrate, le prince héritier a en tête que l’administration actuelle à Washington pourrait être réélue pour un nouveau mandat.

Signe que la dynamique s’accélère, deux fonctionnaires américains cités par Axios ont en outre révélé lundi que le directeur du Mossad, le renseignement israélien, s’était de son côté secrètement rendu à Washington il y a près de deux semaines afin d’échanger avec de hauts responsables de la Maison-Blanche et de la CIA. Au cœur de la rencontre : les efforts de l’administration Biden pour parvenir à un tel deal, mais aussi l’inquiétude du gouvernement israélien quant à d’éventuels accords bilatéraux américano-saoudiens portant sur le programme nucléaire civil du royaume – comprenant l’enrichissement d’uranium – et sur des ventes d’armes sophistiquées américaines à Riyad, ont précisé les sources.

Concessions palestiniennes

Mais si ces pourparlers semblent avancer à grands pas, ils restent ponctués par de nombreuses complications. « Beaucoup d’obstacles se dressent sur la voie d’un pacte de sécurité mutuelle, d’une assistance au programme nucléaire civil et d’autres accords d’armement si telle est la demande saoudienne, en plus d’un État palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale », observe Bader al-Saïf, professeur à l’Université du Koweït. Car ces derniers jours, l’optimisme prudent entourant la conclusion d’un accord de normalisation s’est notamment heurté à la réalité du contexte israélien, qui rend les exigences saoudiennes peu réalistes. « L’Arabie saoudite ne se départira pas de son initiative de paix arabe de 2002, qui met l’accent sur la Palestine, même si elle inclut des demandes saoudiennes spécifiques », poursuit Bader al-Saïf en référence au plan du prince héritier saoudien de l’époque Abdallah, alors appuyé par les pays de la Ligue arabe, qui prévoit d’améliorer les relations avec l’État hébreu en échange du retrait total d’Israël des territoires occupés.

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Or, côté israélien, la perspective d’accepter la moindre concession palestinienne est écartée par les membres d’extrême droite et ultraorthodoxes juifs composant la coalition au pouvoir. Si le conseiller à la sécurité nationale du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a souligné lundi que l’accord de son pays n’était pas nécessaire à la mise en place par Riyad d’un programme nucléaire civil, il a déclaré que la route vers la normalisation était « encore longue ». Le jour même, Itamar Ben Gvir, ministre de la Sécurité nationale, a déclaré à la radio de l’armée : « Si cet accord inclut des concessions à l’Autorité (palestinienne), la cession de territoires, l’armement de l’Autorité ou l’octroi de pouvoirs aux terroristes, alors je m’y opposerai certainement. » Une opposition qui place le chef de l’exécutif, soucieux de maintenir sa coalition au pouvoir à l’heure où une partie de la population manifeste sans relâche contre sa réforme judiciaire, face à un dilemme.

État paria

Car aux yeux de Benjamin Netanyahu, normaliser les relations avec l’Arabie saoudite, gardienne des deux villes saintes de l’islam, La Mecque et Médine, signerait une victoire diplomatique de taille. « Cela pourrait permettre aux autres pays arabes et musulmans de normaliser plus facilement leurs relations avec Israël, souligne Bilal Y. Saab, directeur du programme de défense et de sécurité au Middle East Institute (MEI). D’autre part, la normalisation avec Israël compliquera considérablement les relations du royaume avec l’Iran. » Des liens en apparence pacifiés après que Riyad a signé en mars dernier un accord de détente avec Téhéran rétablissant leurs relations officielles, et qui aurait pressé l’administration Biden d’intensifier ses efforts sur le dossier israélo-saoudien.

Mais en Israël comme à Washington, les défis persistent. Démocrates comme républicains se montrent réticents à offrir des garanties sécuritaires à Riyad, notamment depuis l’assassinat en 2018 du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat de son pays à Istanbul, acte où la responsabilité de MBS a été pointée du doigt. En outre, l’Arabie saoudite semble de moins en moins considérée comme un allié crédible, alors que le royaume a dernièrement réduit à plusieurs reprises la production de pétrole qu’il exporte quotidiennement, malgré les avertissements des États-Unis, et accroît sa coopération avec Pékin, qui a médié au printemps l’accord de détente entre Riyad et Téhéran. « Washington souhaite que l’Arabie saoudite limite drastiquement sa coopération avec la Chine en matière de défense et s’implique davantage dans la question palestinienne, fait valoir Bilal Y. Saab. Rien n’est à exclure, mais il est difficile de croire que Washington accordera une force de dissuasion officielle à Riyad avant Taipei ou Kiev. » Peu importe la faisabilité de ces conditions, force est de constater que le royaume est parvenu, au travers des pourparlers exploratoires en cours, à augmenter sa marge de manœuvre vis-à-vis de son partenaire américain. « Que l’accord aboutisse ou non, sous quelque forme que ce soit, les Saoudiens ont réussi à retourner l’administration américaine qui, après avoir qualifié le royaume d’État paria, le courtise désormais sans relâche », résume Bader al-Saïf.

Il a suffi d’un article pour laisser penser qu’un accord de normalisation israélo-saoudien était sur le point d’être conclu. Depuis les révélations apportées jeudi dernier par l’éditorialiste du New York Times Thomas Friedman, certains observateurs ont prédit une redéfinition du paysage stratégique régional, rivalisant avec les accords de Camp David, dont le traité de...

commentaires (3)

Surtout de ne pas oublier qu’Israël de Netanyahu a toujours voulu le beurre, l’argent du beurre, et le grignotage de la Cisjordanie en terrorisant les palestiniens et de les traiter de terroristes. Blindés, missiles, hélicoptères, avions, sous marins, bombes nucléaires contre des frondes et Pierres aux touts débuts des intifidas avant que les palestiniens ne reçoivent des drones archaïques et des missiles artisanaux. Non Ben Salman, ne tombez pas dans les innombrables pièges des sionistes, reconnaissance d’abord de deux états aux frontières de 1967 par Israël et tendez la main aux juifs et non aux sionistes.

Mohamed Melhem

01 h 16, le 02 août 2023

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Commentaires (3)

  • Surtout de ne pas oublier qu’Israël de Netanyahu a toujours voulu le beurre, l’argent du beurre, et le grignotage de la Cisjordanie en terrorisant les palestiniens et de les traiter de terroristes. Blindés, missiles, hélicoptères, avions, sous marins, bombes nucléaires contre des frondes et Pierres aux touts débuts des intifidas avant que les palestiniens ne reçoivent des drones archaïques et des missiles artisanaux. Non Ben Salman, ne tombez pas dans les innombrables pièges des sionistes, reconnaissance d’abord de deux états aux frontières de 1967 par Israël et tendez la main aux juifs et non aux sionistes.

    Mohamed Melhem

    01 h 16, le 02 août 2023

  • On se demande bien quel serait l'intérêt des US dans un tel scénario. En agissant selon le principe "divide & rule", ils préservent leur rôle de mentor en chef (pour ne pas employer un terme qui me vaudrait la censure implacable de l'OLJ) et de vendeur d'armes irremplaçable. On peut même s'interroger sur une normalisation avec l'Iran, qui joue un rôle bien utile de "grand méchant loup" envers ces deux clients VIP des US...

    IBN KHALDOUN

    21 h 14, le 01 août 2023

  • Ce n’est pas demain la veille. Y a trop d’extrémistes au pouvoir ou qui ont le pouvoir de perturber : En Israël, les extrémistes sont au pouvoir justement. En face l’iran qui a ses exigences. La Russie surtout et la chine ne voudront pas laisser les USA triompher diplomatiquement et auront sûrement des désidératas que ce soit en Ukraine ou à Taiwan. Y a un peu trop d’obstacles… A moins de trouver des solutions et apporter des réponses à toutes ces exigences et conditions .. ce qui est, en tout cas actuellement, fortement improbable. A l’époque c’était une crise régionale… La crise du « middle east ». « au proche orient «  ou du « moyen orient » aujourd’hui avec l’Ukraine et des puissances comme la chine et la Russie qui ont sorti leurs griffes… La donne a changé et c’est désormais mondialisé. Ca dépasse israel, palestiniens et arabes… plus complexe .

    LE FRANCOPHONE

    20 h 28, le 01 août 2023

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