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Nos Lecteurs ont la Parole

Je résiste, donc j’existe...

Au XVIIe siècle, René Descartes a un jour écrit : « Je pense, donc je suis... » À cette époque, la pensée était opprimée et de nombreux penseurs comme lui ont conçu des idées qui ont risqué de disparaître, car elles n’ont pas été gravées dans la mémoire collective de l’humanité. Ainsi, René Descartes déclara que « penser » était son propre moyen de résister à cette oppression. Cette pensée est incluse dans son livre essentiel Discours de la méthode qui a été interdit par l’église dix ans après sa mort !

Que de Libanais comme Descartes ont pratiqué la réflexion pour lutter contre l’injustice, l’occupation et l’oppression !

Mais si René Descartes vivait de nos jours à travers la crise multiforme au Liban, il annoncerait une nouvelle version à son dicton : « Je résiste, donc j’existe... »

Si, pour Descartes, « penser » est une forme de résistance, il est nécessaire, de façon « méthodique », de réfléchir à l’acte de résister. Ainsi, il faut réfléchir à quoi, à qui, pourquoi, pour qui, quand et surtout, comment résister ?

Résister à quoi ? À la misère ? Au désespoir ? À la pauvreté ? À la décadence ? À la faiblesse ? À la frustration ? À la vulnérabilité ? À la précarité ? Bien sûr, mais la résistance des Libanais ne se limite pas à cela. Ils luttent aussi contre l’appropriation des ressources, la corruption, le recul, le confessionnalisme, la pollution, la déculturation et l’ignorance. Il est toujours essentiel de résister à une occupation, mais il ne faut en aucun cas laisser cette résistance se transformer en une occupation en soi, surtout en étant constamment et exclusivement préoccupé par l’acte de résistance. Mais certains, enivrés par des victoires du passé, prétendent résister à une occupation qui n’existe plus ou à une invasion potentielle, ignorant que l’occupation la plus préoccupante est celle qui hante les esprits.

Résister à qui ? Aux ennemis qui se trouvent devant ou derrière les frontières ? Aux adolescents en nous déguisés en adultes ? Aux ignorants parmi nos intellectuels ? Aux méfiants parmi nos personnes de confiance ? Aux soumis parmi nos dirigeants ? Aux menteurs parmi nos prédicateurs ? Aux rigides parmi nos créateurs de solutions ? Aux voleurs qui gardent le Trésor public ? En réalité, il faut avant tout résister à nous-mêmes bien avant de résister à toute autre personne. Mais certains, aveuglés par leurs illusions, s’imaginent résister à un ennemi malveillant, bien qu’il soit bien réel, sans réaliser que leur véritable ennemi se trouve parfois ailleurs, voire en eux-mêmes lorsqu’ils se projettent sur l’axe du temps...

Pourquoi résister ? Est-ce pour retrouver la fierté ? Est-ce pour nous vanter devant le monde entier de notre capacité à tenir tête ? Est-ce pour montrer aux générations futures que le changement a commencé dans notre mentalité immuable ? Est-ce pour prouver aux générations futures que, même à l’ère de la mondialisation, nous parvenons à rester inchangés ? Il est certainement nécessaire de résister, d’une part, à l’immuabilité morbide et, d’autre part, à un changement excessif. Mais certains, ancrés dans le passé et effrayés par l’avenir, croient qu’ils résistent dans une guerre pour leur survie, alors qu’en réalité, ils ne font que chercher à s’enraciner dans le sol du moment présent !

Pour qui devrait-on résister ? Pour les plus démunis parmi nous ? Pour les plus opprimés parmi nous ? Pour l’enfant qui apprend ? Pour l’enseignant qui transmet la différence entre le bien et le mal ? Pour ceux qui sont morts et ceux qui mourront en résistant ? Pour ceux qui pensent que pour résister, il ne faut que du sang ? Pour ceux qui résistent avec le marteau, la plume, la hache, la faucheuse, le scalpel et la pelle ? Cependant, certains résistants enthousiastes s’engagent dans une doctrine d’outre-mer dictée par un souverain du monde des non-vivants, s’acharnant à l’appliquer dans le monde des vivants...

Quand devons-nous résister ? Lorsque nous sommes véritablement attaqués en permanence ? Lorsque nous devons nous reposer, alors que certains résistent même par leur repos ? Devons-nous résister à chaque acte ou devons-nous unir nos énergies et planifier un début pour notre résistance ? La résistance ne devrait-elle pas être un acte permanent, organisé pendant les moments de repos, mais nécessitant un déclencheur et une fin, une forme de limitation ou de finalité ? Cependant, certains insatisfaits éternels nous présentent des scénarios de résistance fictive dans l’avenir, simplement pour justifier leur repos dans le moment présent !

Comment résister ? Par la foi ? Par la prospérité ? Par la parole ? Par la force physique ? Par l’effet de masse ? Par les médias et les réseaux sociaux ? Par la contestation et la protestation ? Par l’acceptation et le pardon ? Par le refus et la rancune ? La résistance commence par la capacité à résister à nos propres tentations qui nous empêchent de triompher... Mais certains, enfermés dans l’idée de la mort pour la vie, collectionnent les moyens de destruction, prêchant la résistance contre un tueur de vies !

Si nous existons au sein de cette mosaïque de résistances, cela implique que notre existence n’est pas réellement tangible et que toutes ces formes de résistance n’ont pas une véritable existence. N’est-ce pas que plusieurs résistances qui s’établissent au même moment et au même endroit finissent par s’annuler ? Ne devrions-nous pas plutôt réfléchir à une résistance unique, authentique et organisée, afin d’assurer notre existence ? N’est-ce pas là le message que Descartes a tenté de nous transmettre il y a déjà quelques siècles ?

Chef du service de psychiatrie à l’Hôtel-Dieu de France

Professeur associé à la faculté de médecine de l’Université Saint-Joseph

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Au XVIIe siècle, René Descartes a un jour écrit : « Je pense, donc je suis... » À cette époque, la pensée était opprimée et de nombreux penseurs comme lui ont conçu des idées qui ont risqué de disparaître, car elles n’ont pas été gravées dans la mémoire collective de l’humanité. Ainsi, René Descartes déclara que « penser » était son propre...
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C’est facile de parler mais dure d’accepter

Eleni Caridopoulou

18 h 40, le 28 juillet 2023

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Commentaires (1)

  • C’est facile de parler mais dure d’accepter

    Eleni Caridopoulou

    18 h 40, le 28 juillet 2023

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