Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Histoires de thérapies

La guerre de juillet 2006 et les insoutenables souffrances humaines (3/3)

Le moment est sacré, intime, personnel. Un face-à-face entre le psychanalyste et son patient, qui se fait dans la colère, les larmes, les fous rires et les silences. Dans cette rubrique bimensuelle, le Dr Chawki Azouri partage des histoires et des cas qu’il a vécus tout au long de sa carrière, avec des interlocuteurs qui resteront anonymes, sur un chemin emprunté à deux pour arriver à y voir clair.

La guerre de juillet 2006 et les insoutenables souffrances humaines (3/3)

Illustration Noémie HONEIN

Durant cet été pénible, la demande de l’Unicef était de faire une évaluation pour les habitants du Sud et de la banlieue sud afin d’agir de façon préventive en cas de nouvelles catastrophes, naturelles ou guerrières. La guerre étant finie, je pouvais organiser sans grands risques des déplacements pour réaliser cette étude. Accompagné d’un médecin de famille du ministère des Affaires sociales, nous avons décidé de le faire chaque semaine. Dans la banlieue sud de Beyrouth, aux trois quarts détruite par les bombardements israéliens, les immeubles étaient par terre et les habitants cherchaient à repérer leurs appartements. Pour ses habitants, ce fut un traumatisme supplémentaire que de ne pas retrouver les traces des lieux qu’ils avaient habités. Ainsi, le plus souvent, ce qu’ils recherchaient, ce n’étaient pas les objets de valeur, mais des photos. Leur désarroi était total.

Nous n’avions aucune parole qui pouvait les réconforter. Il fallait s’assurer de la fin des bombardements pour pouvoir reconstruire à nouveau. Mais reconstruire comment ? Qui allait pouvoir reconstruire un nombre incalculable d’immeubles détruits entièrement ? Les habitants se sont organisés avec beaucoup de courage avant de se mettre au travail. Il fallait d’abord déblayer, repérer les lieux et reprendre les constructions.

Sur le plan médico-psychologique, on avançait péniblement. Comme ce qui était recommandé aux personnes traumatisées était d’oublier, ils avaient du mal à parler des pertes subies et des souffrances qu’elles occasionnaient. Avec leurs voisins, ils étaient parfois comme dans une rivalité. À celui ou celle qui avait le plus perdu.

Après la banlieue sud, nous nous sommes dirigés vers le sud du Liban. Les souffrances étaient moindres, les maisons n’étaient pas aussi détruites et les gens y habitaient encore, malgré tout. Dans certaines villes, le mouvement social qui dépendait du ministère des Affaires sociales avait réussi à porter du secours en s’organisant. La guerre avait provoqué des destructions terribles et les souffrances des Libanais étaient incommensurables. Mais l’esprit de lutte et leur courage n’ont jamais failli, nous nous en rendions compte au fur et à mesure de notre périple. Il a suffi que la confiance s’établisse entre nous, pour que les confidences coulent sans s’arrêter.

Ainsi, au-delà de toute appartenance politique, les Libanais du Sud se sont plaints du Hezbollah qui cachait ses missiles entre les maisons. Évidemment, ils étaient en danger car les bombardements israéliens ne faisaient pas la différence et n’hésitaient pas à cibler les civils et leurs habitations. Tous espéraient la fin de la guerre, mais n’osaient pas le dire ouvertement. Ils nous ont confié cela avec l’espoir que nous en parlerions auprès des instances responsables. La situation des habitants du Sud ne ressemblait à aucune autre.

Si par exemple, dans les années 60 et 70, les guérilléros en Amérique du Sud avaient la sympathie des villageois, ce n’était pas le cas au Liban. Les villages du Liban-Sud servaient de terrain pour attaquer Israël, autrefois par les Palestiniens chassés de Jordanie par le roi Hussein et, maintenant par le Hezbollah. Ceux qui attaquaient Israël ne le faisaient pas pour la défense des villageois de la région, mais pour des raisons politiques qui souvent n’étaient même pas dans l’intérêt du Liban. Ce contexte politique rendait notre mission très difficile et, avec beaucoup d’amertume, nous étions contraints de l’accepter.

Durant cet été pénible, la demande de l’Unicef était de faire une évaluation pour les habitants du Sud et de la banlieue sud afin d’agir de façon préventive en cas de nouvelles catastrophes, naturelles ou guerrières. La guerre étant finie, je pouvais organiser sans grands risques des déplacements pour réaliser cette étude. Accompagné d’un médecin de famille du ministère des...

commentaires (2)

On nous a dit que nous avons gagné la guerre de 2006. Le jour où elle a commencé, celui qui gouverne le Liban a annoncé à la télévision qu’il n’y aura plus jamais des prisonniers libanais chez les sionistes et que les deux israéliens pris en aoutage retourneront en Israël contre un échange de tous les prisonniers Libanais détenus en Israël. Après la destruction presque totale du Liban et 3 années de negotiations, 5 libanais sont retournés au Liban: le Kintar et 4 prisonniers de guerre pris par les israéliens durant la guerre de 2006. Donc devinez combien de prisonniers les sionistes avaient quand nous avons déclenché la guerre contre eux pour libérer tous nos prisonniers!

Algebrix

14 h 42, le 28 juillet 2023

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • On nous a dit que nous avons gagné la guerre de 2006. Le jour où elle a commencé, celui qui gouverne le Liban a annoncé à la télévision qu’il n’y aura plus jamais des prisonniers libanais chez les sionistes et que les deux israéliens pris en aoutage retourneront en Israël contre un échange de tous les prisonniers Libanais détenus en Israël. Après la destruction presque totale du Liban et 3 années de negotiations, 5 libanais sont retournés au Liban: le Kintar et 4 prisonniers de guerre pris par les israéliens durant la guerre de 2006. Donc devinez combien de prisonniers les sionistes avaient quand nous avons déclenché la guerre contre eux pour libérer tous nos prisonniers!

    Algebrix

    14 h 42, le 28 juillet 2023

  • """"Ceux qui attaquaient Israël ne le faisaient pas pour la défense des villageois de la région, mais pour des raisons politiques qui souvent n’étaient même pas dans l’intérêt du Liban. Ce contexte politique rendait notre mission très difficile et, avec beaucoup d’amertume, nous étions contraints de l’accepter"""". Je signe des deux mains ce passage. Ils n’étaient pas des poissons dans l’eau si l’on se réfère au grand timonier, le führer chinois Mao Zedong : """"Le peuple est comme l'eau et l'armée est comme le poisson"""". Bon, c’est assez pour l’étalage de "ma culture générale", et l’amertume est partagée par les convois humanitaires, et autre Finul. Seulement voilà, le gros poisson de nous jours, nous disent les gazettes politiques, ne laisse pas trop de place, tant il occupe seul bien son territoire, son aquarium.

    Nabil

    13 h 53, le 28 juillet 2023

Retour en haut