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Moyen-Orient - Entretien

Pour Anouar el-Bounni, « Bachar n’est qu’un déchet toxique impossible à recycler »

L’activiste syrien exilé en Allemagne estime que les jugements en Europe ont interdit juridiquement la réhabilitation du régime de Damas.

Pour Anouar el-Bounni, « Bachar n’est qu’un déchet toxique impossible à recycler »

L’avocat Anouar el-Bounni traque les criminels de guerre syriens afin de les traîner devant les cours de justice européennes pour en finir avec l’impunité du régime de Bachar el-Assad. Photo Antoine Ajoury

Anouar el-Bounni a probablement dans le sang la passion de défendre les droits humains. C’est pour plaider en faveur d’opposants syriens arrêtés par le régime de Hafez el-Assad qu’il se lance dans des études de droit. Avocat, il a à son actif les cas de dissidents prisonniers à Saydnaya, d’opposants politiques ou de manifestants kurdes. Il va fonder plus tard l’Association syrienne des droits de l’homme.

Après l’arrivée au pouvoir de Bachar el-Assad en 2000, Anouar el-Bounni sera parmi les signataires de la déclaration Beyrouth-Damas, Damas-Beyrouth, un communiqué d’intellectuels syriens et libanais qui prônaient une réforme des relations entre les deux pays. Il sera par la suite arrêté et croupira en prison jusqu’en 2011. L’activiste chrétien finit par s’enfuir de Syrie en 2014 pour s’installer en Allemagne, où il mène depuis un combat juridique contre le régime de Damas. Il est notamment l’instigateur du procès de Coblence (Allemagne) qui finira par condamner un ancien officier syrien, Anouar Aslan, à la prison à perpétuité pour crimes contre l’humanité en janvier 2022. Ce dernier a été reconnu coupable de 27 meurtres et de torture sur des milliers de personnes ainsi que de violences sexuelles et d’autres crimes. Un verdict historique scellant le sort du plus haut gradé de l’appareil répressif syrien jamais appréhendé par une instance judiciaire basée à l’étranger. Pour pouvoir le juger, l’Allemagne a eu recours au principe juridique de la « compétence universelle ».

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L’activiste syrien poursuit donc sa lutte depuis l’Allemagne, où il traque les criminels de guerre syriens afin de les traîner devant les cours de justice européennes pour en finir avec l’impunité du régime de Bachar el-Assad.

Alors que ce dernier vient d’être réhabilité par ses pairs arabes, lors du sommet de la Ligue arabe à Djeddah, en Arabie saoudite, qui a été marqué par le retour en grâce du président syrien, Anouar el-Bounni livre ses réflexions à L’Orient-Le Jour.

Que pensez-vous de la réhabilitation de Bachar el-Assad sur la scène arabe ?

Mon opinion personnelle est que les monarchies du Golfe, tout particulièrement, n’ont jamais été contre Bachar el-Assad. Leurs actions n’ont fait que tuer les révoltes issues du printemps arabe. Elles ont activement appuyé les forces contre-révolutionnaires et les coups d’État militaires en Libye, en Tunisie, en Égypte ou au Soudan dernièrement. En Syrie, elles ont soutenu militairement les différents groupes jihadistes et islamistes pour saboter la contestation contre Bachar. Et c’est l’opposition démocratique et le peuple syrien qui ont finalement été les victimes du régime et des milices armées. Pour moi, le conflit en Syrie n’a jamais été une guerre civile. C’est un pouvoir dictatorial meurtrier qui assassine le peuple syrien. Ni l’État islamique, ni al-Nosra, ni Jeich al-Islam ne font partie intégrante du tissu social ou de la culture de la Syrie.

Vous menez une guerre juridique en Europe contre le régime syrien. Quelle est son efficacité sur le long terme ?

Les jugements en Europe ont interdit juridiquement la réhabilitation du régime syrien. Il y a des dossiers bien construits contre des criminels, il y a des procès, des accusés de crimes contre l’humanité, et il y a des inculpations contre de hauts responsables syriens.

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Tout cela constitue non seulement un obstacle, mais une prohibition légale au niveau européen de normaliser avec le pouvoir criminel de Bachar el-Assad, même si des gouvernements veulent jouer la realpolitik. Tout autre discours n’est que vœu pieux. Bachar n’est qu’un déchet toxique impossible à recycler.

Que répondez-vous à ceux qui disent que les procès en Europe ne visent que les pions du pouvoir, les gros poissons sont intouchables ?

Le jugement de Coblence n’est que la partie émergée de l’iceberg. Nous menons des enquêtes depuis 2017 et nous avons présenté des dossiers bien ficelés avec des preuves en Allemagne, en Suède et en Norvège, là où il y a une application de la « compétence universelle ». Ces affaires concernent Bachar et Maher el-Assad, Ali Mamlouk, Jamil el-Hassan et bien d’autres.

Néanmoins, l’intérêt du jugement de Coblence réside dans le fait qu’il vise Anouar Aslan non seulement en tant qu’individu, mais en tant qu’acteur d’un système répressif institutionnalisé qui a commis des crimes contre l’humanité. Le nom de Bachar el-Assad est mentionné six fois dans le texte du jugement de Coblence en étant la tête de cette machine infernale. En affirmant qu’un officier a commis un crime contre l’humanité, cela entraîne nécessairement la responsabilité du pouvoir auquel il appartient.

Comment évaluez-vous votre combat juridique après toutes ces années ?

Je suis devenu avocat pour défendre les prisonniers du régime Assad. Ce combat a commencé en Syrie et se poursuit en Europe. Aujourd’hui, l’impunité du pouvoir syrien est ébranlée. C’est la première fois au niveau mondial que de tels procès ont lieu alors que le régime est toujours en place. En plus, généralement, c’est une décision issue d’une volonté politique internationale qui déclenche ces procédures.

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Avec nous, il s’agit d’une initiative issue de la volonté des victimes elles-mêmes, indépendamment de toute influence d’État ou gouvernementale.

Ne pensez-vous pas que ces petites victoires juridiques n’ont qu’une portée symbolique actuellement ?

Pas seulement. Elles ont une portée pratique et efficace. Nous savons déjà que des officiers syriens haut placés tentent de se procurer de faux passeports avec de fausses identités parce qu’ils ont peur. Même les plus proches alliés du régime sont convaincus qu’aucune solution ne peut être envisagée avec ces criminels. Mon but n’est pas de mettre Bachar el-Assad en prison demain. Ce que nous cherchons, c’est qu’il ne fasse pas partie de l’avenir de la Syrie. Sur ce point, je crois que nous avons réussi.

Anouar el-Bounni a probablement dans le sang la passion de défendre les droits humains. C’est pour plaider en faveur d’opposants syriens arrêtés par le régime de Hafez el-Assad qu’il se lance dans des études de droit. Avocat, il a à son actif les cas de dissidents prisonniers à Saydnaya, d’opposants politiques ou de manifestants kurdes. Il va fonder plus tard...

commentaires (4)

Les défenseurs du régime fasciste et criminel de Bachar devraient être censurés dans votre journal sinon l’OLJ se rend complice, en se taisant, des crimes commis en Syrie. Mais les dits modérateurs ne sont pas assez subtils pour comprendre au second degré tous les commentaires et ils censurent selon leur humeur ou leur compréhension étroite

Lecteur excédé par la censure

11 h 03, le 21 juillet 2023

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Commentaires (4)

  • Les défenseurs du régime fasciste et criminel de Bachar devraient être censurés dans votre journal sinon l’OLJ se rend complice, en se taisant, des crimes commis en Syrie. Mais les dits modérateurs ne sont pas assez subtils pour comprendre au second degré tous les commentaires et ils censurent selon leur humeur ou leur compréhension étroite

    Lecteur excédé par la censure

    11 h 03, le 21 juillet 2023

  • "… l’Allemagne a eu recours au principe juridique de la « compétence universelle » …" - Ça ne marcherait pas pour le Liban ça? C’est efficace contre la, comment déjà, ah oui suspicion légitime (haha) ça?

    Gros Gnon

    08 h 40, le 21 juillet 2023

  • Les frustrés se défoulent pour se soulager , mais ils sont tellement frustrés qu'ils ont perdu toutes leurs illusions , c'est une vengeance vaine , triste et inutile !

    Chucri Abboud

    04 h 55, le 21 juillet 2023

  • Finalement fu bon sens!

    Robert Moumdjian

    01 h 38, le 21 juillet 2023

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