Alors que des tirs, souvent entendus à des kilomètres à la ronde, retentissent presque tous les soirs dans la banlieue sud de Beyrouth, deux communiqués publiés cette semaine par la municipalité de Ghobeiry, proche du Hezbollah, viennent rappeler la précarité de la situation sécuritaire dans cette partie de la capitale, tout en accusant les services de sécurité de manquer à leurs devoirs. Ce à quoi l’armée répond, assurant à L’Orient-Le Jour procéder à des arrestations régulières par le biais de ses services de renseignements, dans cette région où la petite criminalité a nettement augmenté ces dernières années.
Un premier communiqué de la municipalité revient dimanche sur un incident armé survenu un jour plus tôt dans le quartier voisin de Chiyah, devant un bureau de paris en ligne non accrédité. Dans un second communiqué publié mercredi, la municipalité évoque à nouveau cet incident, tout en mentionnant un autre accrochage armé ayant eu lieu mardi dans le secteur de Moucharrafiyé, qui dépend de la municipalité de Ghobeiry, sans plus de détails. « Les tirs qui ont effrayé petits et grands (à Chiyah, samedi dernier) nous ont ramenés aux temps de l’insécurité. Les forces de l’ordre, qui n’ont rien fait pour mettre un terme aux problèmes sociaux et aux milices dans les quartiers de Ghobeiry, portent l’entière responsabilité de ce qui se passe », a écrit la municipalité dimanche, sans préciser de quelles forces de l’ordre il s’agissait.
« Hier (mardi), peu avant minuit, un affrontement armé a eu lieu à Moucharrafiyé avec usage d’armes légères et moyennes. Les balles ont touché les habitations et les immeubles du quartier. Les auteurs de ces tirs sont connus ainsi que leurs adresses, et il semble que ce feuilleton sera amené à se perpétuer et ne se terminera que par la mort de victimes innocentes », a écrit la municipalité mercredi, menaçant de « porter plainte devant le parquet général près la cour d’appel du Mont-Liban », poursuit le texte.
La banlieue sud est souvent le théâtre d’accrochages armés meurtriers entre familles rivales ou entre des personnes impliquées dans des activités illégales qui n’hésitent pas à se tirer dessus au milieu des quartiers résidentiels.
Pire que la « mafia italienne »
Contacté par L’Orient-Le Jour, un porte-parole des Forces de sécurité intérieure (FSI) n’a pas souhaité commenter les propos de la municipalité de Ghobeiry.
Un haut gradé au sein de l’armée qui a requis l’anonymat a pour sa part confié à notre publication que l’emprise de certains malfaiteurs dans la banlieue sud « dépasse celle de la mafia italienne ». « Il y a des clans familiaux, des mafias qui gèrent les générateurs privés, des mafias de changeurs, des bureaux de paris, des personnes qui perçoivent des taxes illégales... » énumère ce militaire.
Réagissant aux accusations de la municipalité de Ghobeiry, le haut gradé explique que l’armée procède à des arrestations régulières, mais qu’elle évite d’intervenir directement lorsque les affrontements armés ont lieu. « Nous n’intervenons pas au moment même où les gens sont en train de se tirer dessus. Nos services de renseignements travaillent à froid, une fois que l’incident est terminé. Ils procèdent alors à des arrestations et des perquisitions dans les domiciles des personnes concernées », explique-t-il. « Ceux qui ne savent pas comment procède l’armée peuvent alors croire que rien n’est fait. Mais cela est absolument faux », ajoute-t-il.
Contactée par L’OLJ, Rana Sahili, porte-parole du parti chiite, rejoint les accusations de Ghobeiry et assure que « les forces de sécurité n’assument pas entièrement leurs responsabilités » vis-à-vis de la banlieue sud. « Les forces de sécurité sont présentes, mais leur nombre est insuffisant », ajoute-t-elle. « Le Hezbollah a toujours appelé l’État à affirmer son autorité dans la banlieue sud de Beyrouth, notamment dans le quartier de Laylaki (où des clans rivaux s’affrontent de manière régulière). Le Hezbollah est même prêt à remettre un de ses partisans si jamais ce dernier est impliqué dans un incident. Nous n’acceptons pas que l’on s’en prenne à la sécurité », a-t-elle encore dit.
Un casse-tête sécuritaire
Dans une banlieue sud soumise depuis des années au bon vouloir du Hezbollah et de son allié, le mouvement Amal, le tandem chiite a « laissé faire » la petite criminalité pendant un moment, mais il se retrouve aujourd’hui face à un véritable « casse-tête » sécuritaire, selon Mohannad Hage Ali, chercheur au Carnegie Middle East Center. « Le Hezbollah ne veut pas d’un État fort. Il préfère un État faible, ce qui lui permet de combler le vide. Mais, en même temps, ces problèmes ont des effets secondaires qui l’affectent », analyse le chercheur. « Le tandem chiite ne veut pas de l’émergence de nouvelles parties qui pourraient le concurrencer, comme les clans familiaux par exemple. Il veut que l’État joue un rôle dans ce sens, mais l’État est absent pour des raisons politiques, sociales et économiques », poursuit-il.
Revenant sur l’incident de samedi dernier à Chiyah, le journaliste Ali el-Amine, connu pour son opposition au parti chiite, explique de son côté que cette partie de la banlieue sud est « sous la coupe des partisans du mouvement Amal qui ont mis la main sur les générateurs privés, les câbles de quartier ou les bureaux de paris, tandis que du côté des partisans du Hezbollah, c’est à Haret Hreik que ce genre d’activités est le plus florissant ». « La situation économique du pays se répercute sur les partisans du tandem chiite. Beaucoup de gens partent à la recherche de nouvelles sources de revenus, surtout que l’autorité de l’État est en recul », indique le journaliste qui rapporte en outre que « le Hezbollah et Amal sont mécontents de la situation, mais en même temps ce sont eux qui font la loi là-bas ».
Mohannad Hage Ali souligne pour sa part que le Hezbollah est aujourd’hui « tiraillé entre sa volonté de se concentrer sur les conflits régionaux et locaux et son désir de prendre en charge la sécurité au quotidien dans les régions chiites tout en y créant une économie locale ». « Le parti ne peut pas faire tout cela en même temps. Il s’agit d’un casse-tête auquel il devra faire face dans la phase à venir », analyse le chercheur. Il estime par ailleurs que « le triptyque armée, peuple, résistance (véhiculé par le Hezbollah) a affaibli l’État dans les régions qui sont sous la coupe du parti chiite et leur a conféré un statut spécial ». « Cette situation a renforcé l’insécurité car, dans ces régions-là, l’armée et les FSI doivent travailler de pair avec le Hezbollah à chaque fois qu’elles veulent procéder à des perquisitions », ajoute-t-il.
Une source bien informée sur ces incidents s’interroge pour sa part sur la marge de manœuvre des forces de l’ordre dans la banlieue sud. « Les services sécuritaires peuvent-ils réellement intervenir ? Souvent, quand ils procèdent à des arrestations là-bas, un seul appel d’un responsable politique les oblige à relâcher les personnes arrêtées », accuse cette source.
et c'est qui qui paye le salaire des FSI? surement pas la banlieu sud ni la communaute entiere, qui ne verse pas un centime a cet etat qu'elle vampirise...elle n'est juste bonne qu'a reclamer
11 h 16, le 21 juillet 2023