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Culture - Initiative

Rendez l’art libanais à tous les Libanais !

Alors que l’art au Liban semble être « dérobé » par les habitants francophones et anglophones de la scène beyrouthine, ArtEvolution, une initiative du Goethe-Institut, propose de démocratiser cet art, tant détenu par l’élite de la capitale. 

Rendez l’art libanais à tous les Libanais !

Les artistes et curateurs participant aux conférences d'Impulse II, les 14 et 15 juillet à Saïda. Photo DR

« Il est grand temps que la scène artistique libanaise migre et s’étende sur tout le territoire, transcendant les frontières géographiques et les barrières communautaires ! » s'exclame Marie-Mathilde Gannat Jaber, codirectrice du projet ArtEvolution, initié par le Goethe-Institut pour sa troisième année d'existence.  

« Au Liban, le système politique sectaire a entraîné la centralisation de la scène artistique dans la capitale, ce qui a conduit à l'exclusion, à l'inégalité et à la négligence à l'égard des personnes vivant en dehors de la capitale et les a privées de leur droit de faire partie de la scène culturelle de leur pays », poursuit l'organisatrice de l'initiative soutenue par le fond Ta'ziz-Partnership du ministère fédéral allemand des Affaires étrangères, et qui vise à « mettre à profit des années d'expérience et de connaissances spécifiques » pour doter les artistes basés au Liban de l'expertise nécessaire pour franchir les frontières, libérer leur créativité et professionnaliser leurs performances, tout en contribuant à nourrir la scène artistique en pleine expansion de la région.

« Ce projet, fruit d’une envie de franchir les frontières et libérer la créativité des artistes, nourrit la scène artistique libanaise tout en la décentralisant de la capitale », précise Mme Gannat Jaber pour laquelle il reste essentiel d'accompagner les talents émergents du pays, en leur offrant un soutien intégral et en leur fournissant une assistance complète pour développer leur carrière artistique. 

Dans ce cadre, une  série de conférences sur les arts du spectacle nommées Impulse I et Impulse II est organisée cette année. Après un premier volet organisé à Beyrouth les 22 et 23 juin,  une nouvelle vague de discussions placées sous l'intitulé Impulse II et curatée par Hiba et Nahla Zibaoui est prévue à Saïda les 14 et 15 juillet. Elles sont composées de 4 conférences assurées par quatre spécialistes, à savoir Zaher Bizri, Amal Kaawash, Ali al-Samra et Farah Wardani. Partant de l'idée que les performances sont « un moyen de récupérer des espaces et des voix qui ont été confisqués par des structures sociopolitiques oppressives et qu'ils permettent aux gens de remettre en question les structures de pouvoir et de plaider en faveur du changement », les organisateurs ont décidé d'explorer dans ce deuxième volet d'Impulse le thème des « arts de la scène : revendiquer les espaces, les voix et les liens communautaires »,  pour explorer la valeur sociopolitique et l'impact de la présence des arts du spectacle dans les espaces publics.

Le choix du lieu n’est pas anodin et s’inscrit dans une volonté de faire revivre la ville historique de Saïda, et sa scène culturelle. Cette tendance suit celle du Ishbilia Theater & Art Hub, cofondé et codirigé par Hiba et Nahla Zibaoui, qui offre aux habitants de la ville et du Sud du Liban plus généralement, un espace pour s'engager, communiquer, créer et produire. Ce projet permet alors à des artistes libanais de monter sur scène et de débattre avec un public d’amateurs d’arts, de jeunes enfants et d’artistes originaires de la ville sur des sujets qu’ils ont choisis.

Ces conférences évoqueront des sujets tels le théâtre flottant de Saïda établi dans les années 60 (vendredi 14 juillet à 18h30), avec  Zaher Bizri ; la culture des espaces publics (vendredi 14 juillet à 20h) avec Amal Kaawash ;  les contes comme outil pour une imagination sociopolitique (le samedi 15 juillet à 18h30) avec Ali al-Samra ; et le Playback Theater (le samedi 15 juillet à 20h) avec Farah Wardani.

 Ces sessions sont ouvertes au public et chercheront à favoriser des conversations engagées en lien avec la société civile, en encourageant un climat propice au débat public.

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« Cette série de conférences, souligne Marie-Mathilde Gannat Jaber, sera l’occasion de nous défaire de nos préjugés sur Saïda et ses résidents, sur l’intra-Beyrouth et sur l’art de manière générale, trop souvent vu comme une préoccupation bourgeoise. Dans un cadre plus large, ArtEvolution donne par ailleurs les moyens aux jeunes artistes de Saïda et de Tripoli de s’exprimer et de faire vivre leurs arts en dehors des remparts de la capitale. »

Pour la première fois, ces conférences seront données en arabe, avec une majorité d'artistes issue de la scène locale qui est invitée à s'exprimer à un public qui leur est propre. Ces artistes libanais se réapproprient leur langue maternelle pour en faire la langue de leur expression artistique. Pourtant, cette arabisation de la scène artistique libanaise n’exclut pas un public non arabisant, qui continue à y participer.  

Le programme Impulse I, qui a eu lieu les 22 et 23 juin à Beyrouth, se présentait également sous la forme d’une série de quatre panels visant à explorer les différentes formes d'expression artistique ainsi que les problématiques d'oppression dans le domaine des arts du spectacle afin sensibiliser aux difficultés rencontrées par la scène artistique au Liban et de favoriser la création d'un réseau solide entre les professionnels du secteur. Un panel a par exemple réuni Andrew Hraiz et Omar Layza autour du rôle de la stand-up comedy en tant qu'outil de critique sociopolitique à Beyrouth. Une autre discussion, avec Bassam Abou Diab et Nabil Kanaan, tournait autour des « “safe spaces” pour les arts de la scène et leurs luttes en tant qu’institutions».  Khansa et Zyad al-Seblany (Zuhal) ont pour leur part abordé le sujet de l'« identité queer et l'expression sexuelle dans une société conservatrice ». 

« La démocratisation culturelle ne donne pas seulement accès aux communautés, elle permet aussi aux artistes d'expérimenter de nouvelles formes d'expression artistique, en s'affranchissant des contraintes du théâtre conventionnel », conclut Marie-Mathilde Gannat Jaber. 


Encadré 

ArtEvolution, un projet en évolution

Le Goethe-Institut a lancé en mai 2023 le programme ArtEvolution pour la troisième année consécutive. Un jury, composé de cinq spécialistes internationaux, a évalué les candidatures au programme. Après avoir présélectionné dix-huit participants, des entretiens ont été menés avec les candidats afin d'en tirer les 5 finalistes de l’initiative : Rana el-Baba, conteuse visuelle et chercheuse indépendante ; Sarah Almoneem, danseuse et performeuse syrienne ; Marie-Thérèse Ghosn, chorégraphe, danseuse et actrice ; Rahaf Jammal, réalisatrice indépendante et metteuse en scène de théâtre ; et Abraham Younan, chanteur, compositeur et acteur de doublage.

Avec le soutien d'une bourse de production et en coopération avec des organisations locales, les cinq participants prennent part à un programme de sept mois où ils pourront poursuivre leur passion pour les arts de la scène à travers des pratiques créatives et critiques afin de finaliser leurs projets déjà conceptualisés.

Le projet s’étend de mai à novembre 2023. Les artistes ont bénéficié d’une première résidence d’une semaine à Happinest à Wadi Chahrour en mai, puis d'une autre organisée en octobre à Hammana Artist House. Ils participeront à une série d'ateliers mensuels et de cours d'acquisition de compétences conçus pour créer un environnement stimulant et produire des performances professionnelles. Dans le but de créer des productions bien équilibrées et dotées d'un esprit critique, le programme sera accompagné d'un tutorat individuel et d'une série de sessions " Impulse en juin, juillet et novembre. Ces séances d'impulsion ouvertes au public seront menées par des curatrices invitées dans le but de promouvoir un débat ouvert avec la société civile.

En octobre et novembre, ArtEvolution se terminera par trois plateformes publiques à Hammana, Saïda et Beyrouth, où les artistes pourront se produire dans divers espaces culturels et démontrer la capacité de l'art à rassembler une communauté autour de la créativité.

« Il est grand temps que la scène artistique libanaise migre et s’étende sur tout le territoire, transcendant les frontières géographiques et les barrières communautaires ! » s'exclame Marie-Mathilde Gannat Jaber, codirectrice du projet ArtEvolution, initié par le Goethe-Institut pour sa troisième année d'existence.  « Au Liban, le système politique sectaire a entraîné...

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