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Partez à la (re)découverte de villages du Liban - Tourisme interne

Marjeyoun, la mémoire vive

Le village qui porte le nom du caza se situe au cœur d’une plaine.

(Cet été, nous vous emmenons à la (re)découverte de villages libanais, en vous proposant certains reportages qui avaient été publiés lors des différentes éditions de notre concours « Le village préféré des Libanais ». Ce reportage, republié dans une version légèrement amendée, avait été originellement publié le 18 juillet 2018.)

À Marjeyoun, à seulement dix kilomètres de la Ligne bleue, on a rendez-vous avec l’histoire, celle avec un grand H, mais surtout avec les histoires de ceux et celles qui ont vu leurs vies basculer, à plus d’une reprise, suite à des batailles marquantes ou à des bouleversements géopolitiques.

Ces descendants des Ghassanides – une tribu arabe chrétienne, faisant partie de l’Église syriaque-orthodoxe, qui avait fondé un royaume arabe préislamique dans la Jordanie actuelle – s’étaient d’abord installés à Hourane en Syrie, avant d’élire domicile à Marjeyoun. Séduits par cette plaine vierge, riche en eau (Marjeyoun signifie terre de sources, en arabe) et peuplée de figuiers, ils y développèrent leurs activités agricoles et commerciales. Les échanges s’effectuant principalement avec la Syrie et la Palestine. Mais ce village paisible devient le théâtre des affrontements en 1941 entre le régime de Vichy et les Britanniques durant la Seconde Guerre mondiale, avant de subir en 1948 la fermeture des frontières du Sud suite à la création de l’État d’Israël. « Les Hawarné (originaires de Hourane) se sont enrichis en commerçant avec la Syrie et la Palestine. Ce n’est qu’après 1948 qu’ils se sont tournés vers Beyrouth et le reste du Liban », explique Hanna Bayoud, fondateur du Programme de préservation du patrimoine de Marjeyoun (Marjeyoun Heritage Preservation Program, MHPP).

Exil et patrimoine

À la croisée des chemins entre le Liban, la Syrie et Israël, cette petite plaine au Sud-Liban de deux mille habitants est un véritable joyau architectural. Chacune des somptueuses demeures croisées témoigne de l’âge d’or de ce village, mais surtout de sa mémoire jalousement conservée. Plusieurs maisons arborent des dessins muraux représentant les différents parcours des Hawarné. Une spécificité architecturale de Marjeyoun, associée aux traditions libanaises : pièce centrale au milieu des chambres, arcades, carrelage traditionnel… Chacun de leurs recoins compte les exploits et les drames, les joies et les déchirements, et les exils - nombreux exils de cette population au destin atypique.
Hanna Bayoud voit en ces exils, vers la capitale et surtout vers les États-Unis, une des principales raisons ayant permis la conservation de ce patrimoine. « Le fait qu’il y ait plusieurs héritiers pour chacune de ces maisons complique leur vente », confie-t-il. La folie immobilière n’a pas gangréné le village, et il est en effet difficile d’apercevoir du béton au milieu de toutes ces maisons en pierre. « Le revers de la médaille est que pour cette même raison, plusieurs d’entre elles sont en ruine », concède-t-il. L’une des missions de la municipalité de Jdeidet Marjeyoun est justement de tenter d’encourager les familles expatriées à rénover leurs maisons familiales, indique son vice-président, Sari Gholmieh. En attendant, et grâce à une carte interactive conçue par Hanna Bayoud et le MHPP, les visiteurs peuvent se déplacer (préférablement en voiture ou à vélo) dans les ruelles du village pour admirer ces bijoux architecturaux tout en se renseignant sur l’histoire des familles les ayant occupés.
Ces familles, pour la plupart aisées, n’ont d’ailleurs jamais rompu les liens avec leur village d’origine. Plusieurs philanthropes ont financé par le passé des projets de développement avant-gardistes pour le village : alimentation en électricité et en eau, construction d’écoles et d’hôpitaux, bourses d’études universitaires, rénovation du cimetière grec-orthodoxe, « le plus beau et plus grand après celui de Mar Mitr à Achrafieh », insiste Hanna Bayoud. Signe de l’attachement de ces familles à la mémoire de Marjeyoun, les différents tombeaux rivalisent d’ingéniosité de par leur conception et leurs ornements. Certains comportent des statues importées spécialement d’Italie par exemple, d’autres des stèles sur lesquelles sont gravés des poèmes, tandis que quelques-uns renseignent les visiteurs sur les détails parfois tragiques de ces familles. On retiendra l’histoire de ce jeune couple fraîchement marié, Joseph et Eleni Haddad, qui ont péri en marchant sur une mine près du Litani en 1976, et dont la photo de mariage au-dessus du tombeau donne la chair de poule.

L'une des somptueuses bâtisses qui font de Marjeyoun un joyau architectural.

Le secret des épices
Des photos, Hanna en reçoit par centaines à travers la page Facebook du MHPP, envoyées par des descendants de Hawarné de la troisième, voire de la quatrième génération, et qui retrouvent « ces mines d’or cachées dans de vieux tiroirs ». « Plusieurs d’entre eux décident de faire le grand voyage, à partir des États-Unis, du Brésil ou encore d’Australie, dans l’optique d’un retour aux sources », raconte Hanna, qui a l’habitude de les accueillir.
L’occasion sans doute pour eux de découvrir les spécialités culinaires de Marjeyoun. Si le plat à base de aqqoub et de laban semble être le plat incontournable du village, certaines des spécialités retrouvées dans le reste du Liban comme les warak aarich, le farrouj, les koussa mehchi, le kharouf mehchi, la friké, le dick mehchi… ont, selon Em Salilm, des déclinaisons particulières à Marjeyoun. « Notre secret, ce sont les épices que nous avons apportées avec nous de nos précédents périples. Mais nous n’allons pas vous dire lesquelles », explique, amusé, Hanna.

Marjeyoun est à seulement 10 km de la frontière israélienne.


Fiche technique

Altitude : 860 mètres.
Nombre d’habitants : 2 000 en hiver, 2 300 personnes en été.
Célébrités issues du village : l’historien orientaliste et auteur de l’ouvrage Histoire des peuples arabes, Albert Hourani. Le cardiologue Michel Dabaghi, connu aux États-Unis sous le nom de Michel DeBakey, Walid Gholmieh, ancien président du Conservatoire national.
Climat : climat tempéré.


Comment y accéder ?

En partant de Beyrouth, prenez l’autoroute en direction de Saïda. Une fois à Saïda, continuez jusqu’à Nabatiyé, puis passez par Kfar Tebnite et près de Qlayaa avant d’arriver au village de Marjeyoun.


À ne pas rater

– Aller à la découverte du patrimoine architectural du village et de l’histoire à échelle humaine de ses familles, en utilisant une fois sur place cette carte interactive élaborée par le Marjeyoun Heritage Preservation Program (MHPP).
– Visiter la chapelle de sainte Anne (mère de la Vierge Marie), un endroit aujourd’hui en ruine où les moines avaient pour habitude de faire leur ascèse. Son emplacement en hauteur permet d’apercevoir le Golan et Israël, ainsi que d’avoir une vue d’ensemble sur Marjeyoun.

(Cet été, nous vous emmenons à la (re)découverte de villages libanais, en vous proposant certains reportages qui avaient été publiés lors des différentes éditions de notre concours « Le village préféré des Libanais ». Ce reportage, republié dans une version légèrement amendée, avait été originellement publié le 18 juillet 2018.)À Marjeyoun, à seulement dix kilomètres de la...

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