Rechercher
Rechercher

Partez à la (re)découverte de villages du Liban - Tourisme interne

Qobeyat, et l'air pur à pleins poumons

Vue de Qobeyat, où les grands espaces continuent de dominer le paysage. Photo Rodrigue Zahr

(Cet été, nous vous emmenons à la (re)découverte de villages libanais, en vous proposant certains reportages qui avaient été publiés lors des différentes éditions de notre concours « Le village préféré des Libanais ». Ce reportage, republié dans une version légèrement amendée, avait été originellement publié le 10 juillet 2019)

Dans un Liban dévoré par une frénésie immobilière chaotique qui, trop souvent, ronge l’âme des villages pour les transformer en minivilles rapidement bondées, Qobeyat, dans les hauteurs du Akkar, fait figure d’exception.

Si ce village est dans le top trois, au Liban, en termes de superficie, ce sont les grands espaces aérés qui dominent encore. Des bâtisses de trois étages au maximum parsèment la localité, qui compte aussi de charmants quartiers où les maisons fleuries s’enchevêtrent. Parmi ceux-ci, le « quartier de l’Ouest », le plus ancien, entièrement construit dans une roche noire volcanique.

Tout le village est vert mais, au-delà des zones résidentielles, c’est une nature pratiquement vierge, faite de forêts méditerranéennes s’étirant à perte de vue, qui s’offre au visiteur. Aux alentours, des routes de montagne sinueuses grignotées par la nature mènent à de charmantes pinèdes et, plus en altitude, à une splendide réserve de cèdres, de sapins de Cilicie, de genévriers… De quoi se sentir dépaysé dans son propre pays et reconnecté avec soi.

Pour résumer cette riche localité qu’est Qobeyat, rien de tel que les mots du président de sa municipalité, Abdo Abdo : « Ce village a les atouts d’une ville, tout en ayant gardé une âme de village. » Qobeyat a, en effet, son propre marché, un solide secteur touristique comprenant plusieurs restaurants et options d’hébergement, ainsi qu’un hôpital qui dessert toute cette partie du Akkar. Et pourtant, tout comme le souligne le président de sa municipalité, rien ne semble avoir altéré l’hospitalité et la gentillesse de ses habitants.

Le complexe religieux de Mar Challita, reconstruit par la volonté d’une personne et devenu un incontournable du village. Photo Anne Ilcinkas

Lieu de passage

Qobeyat, c’est aussi un village d’histoire et de patrimoine religieux, avec ses nombreux couvents et églises qui apportent chacun une pièce au puzzle historique de la localité.

Si l’histoire de Qobeyat est riche, c’est que ce village a toujours été un lieu de passage entre l’intérieur syrien et la côte libanaise, anciennement phénicienne. Une terre traversée par les Hittites, les Francs et bien d’autres peuples encore.

Dans le couvent en pierre Mar Doumit des carmélites, vieux de 183 ans et abritant un magnifique chêne sous lequel a vu le jour la première école du village (comme c’était d’usage au XIXe siècle et au début du XXe siècle), le père César Mourany, véritable encyclopédie vivante, est intarissable sur l’histoire du village. La richesse du patrimoine religieux s’explique, souligne l’auteur du livre Cobiath sous les croisés, par le fait que la région était un lieu de pèlerinage païen depuis le temps des Phéniciens, comme en attestent de nombreux vestiges, sur lesquels ont été construites, par la suite, des églises : Mar Challita, Saydet el-Ghassalé (site du temple de la déesse Morgan)  ; Notre-Dame de Chahlo (avec son autel antique toujours debout dans la cour de l’église) ; Mar Doumit… Des vestiges archéologiques qui attestent de 6 000 ans d’histoire.

Du père César Mourany, l’on apprend que la présence chrétienne est très ancienne dans la région, mais que les églises du village, soumises au cours d’une histoire mouvementée, ont été détruites et reconstruites plusieurs fois. La plus ancienne encore debout est celle de Chwita, une magnifique église de pierre de forme carrée, probablement millénaire : dotée d’un double autel (elle n’est pas la seule dans le village), elle est le témoin d’un temps où les hommes priaient d’un côté, les femmes et les enfants de l’autre…

Aujourd’hui, l’attachement à la religion est bien vivant dans le village : en témoignent les souriantes sœurs de Notre-Dame des Dons, du couvent Saint-Georges, qui font tourner leur atelier de produits alimentaires ou artisanaux traditionnels, avec un talent particulier pour le chocolat.

Ou encore le complexe religieux de Mar Challita, dont la gardienne est une légende vivante, Laurice Kodeih, surnommée Oum Walid. Cette petite femme joviale a fait le vœu de reconstruire, par ses propres moyens, l’église alors en ruine, suite à une chute de son fils en France, où il poursuivait ses études. Aujourd’hui, on visite autant l’église pour la prière que pour le plaisir d’un brin de conversation avec Laurice.

Les forêts, trésors vivants

Les trésors de Qobeyat ne sont pas que religieux. Les imposants sapins de Cilicie, cèdres, chênes ou genévriers de la réserve naturelle de Karm Chbat, qui s’étend à perte de vue, sont un spectacle dont émane une profonde sérénité.

Au sein du village, le respect de l’environnement est une priorité. Notamment grâce au Comité de l’environnement de Qobeyat, un groupe civil avec, à sa tête, un écologiste de la première heure, l’infatigable et très respecté Antoine Daher. Sous l’influence de ce groupe, l’écotourisme ne cesse de se développer dans le village, depuis plus de 25 ans, avec la complicité d’une majorité d’habitants convaincus.

Guide hors pair, Antoine Daher nous mène sur les chemins de terre de la plus grande pinède de la localité, celle du mont Morghan, où s’élève une élégante tour de guet, la plus ancienne du Liban. C’est grâce à cette nature préservée que tant d’activités écotouristiques sont pratiquées toute l’année à Qobeyat : randonnées dans les magnifiques espaces verts avec des guides locaux, escalade, rappel, ski de fond…

Pour profiter à plein de tout ce que Qobeyat a à offrir, de son patrimoine religieux à son environnement naturel riche et préservé, les options sont nombreuses, dont des chalets à louer, souvent en pleine nature, et un « Ecolodge ».

Respectueux de la nature jusqu’au bout !

Un moulin du début du XXe siècle rénové : Qobeyat tente de plus en plus de préserver son patrimoine. Photo Anne Ilcinkas


Fiche technique

Nombre d’habitants : 15 000 habitants originaires dont environ 4 500 résidents en permanence, été comme hiver.
Altitude : de 600 à 2 000 mètres.
Célébrités du village : l’ancien député Mikhaël Daher, ancien candidat à la présidence de la République ; l’actuel député Hadi Hobeiche ; le général Ibrahim Tannous, ancien commandant en chef de l’armée ; Abdallah Daher, un des hommes de l’indépendance ; Élie Hakmé, ancien président de l’Union culturelle mondiale.
Spécialités culinaires : toutes les spécialités du Nord sont exécutées avec brio, à l’instar de la kebbé crue par exemple, avec certaines spécialités peu connues ailleurs comme la « madfouné », un plat à base de yaourt et de blé, ou la « blilé », du blé concassé auquel on ajoute du concentré de tomate et du chou bouilli.
Activités : tourisme religieux et culturel, randonnées toute l’année et en raquettes en hiver, ski de fond, bicyclette, ATV, équitation, natation, rappel, escalade et tyrolienne, sports divers.
Activités traditionnelles à l’occasion du vendredi saint (chemin de croix jusqu’à la grande croix au sommet d’une montagne, visible de tout le village) et de la fête de l’Assomption le 15 août.
Climat : méditerranéen, froid en hiver, neige sur les hauteurs.


Comment y accéder ?

On arrive à Qobeyat principalement par la route qui passe par Tripoli, puis Halba (chef-lieu du Akkar), avant de monter vers le village. On peut aussi pousser sur le littoral du Akkar jusqu’aux confins de la côte, à Abdé, puis emprunter la route de Abboudiyé. Enfin, il est possible de descendre vers Qobeyat en venant de la Békaa. Qobeyat est à 140 kilomètres de Beyrouth, il faut entre deux heures et deux heures et demie pour y accéder de la capitale, en fonction du trafic bien sûr.


À ne pas rater

– Le musée des papillons dans le couvent Mar Doumit, une institution à visée scientifique gérée en coopération avec l’Université Saint-Joseph : de nombreux spécimens du monde et de la région sont visibles dans le cadre de ce projet entamé dans les années 60 puis reconstitué après la guerre et la perte de la collection originale.
– L’église millénaire de Chwita, avec son double autel.
– Le moulin du début du XXe siècle rénové, avec son esplanade prête à accueillir des événements.
– L’immense magnanerie partiellement rénovée, parfaite pour accueillir des activités culturelles.
– L’église rénovée de Mar Challita.
– La réserve naturelle de Karm Chbat et la pinède du mont Morghan.
– Le couvent Mar Doumit et son chêne emblématique.

(Cet été, nous vous emmenons à la (re)découverte de villages libanais, en vous proposant certains reportages qui avaient été publiés lors des différentes éditions de notre concours « Le village préféré des Libanais ». Ce reportage, republié dans une version légèrement amendée, avait été originellement publié le 10 juillet 2019)Dans un Liban dévoré par une frénésie...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut