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Partez à la (re)découverte de villages du Liban - Tourisme interne

Machghara, quand tout coule de source

Vue plongeante de Machghara sur le lac Qaraoun. Photo Anne Ilcinkas

(Cet été, nous vous emmenons à la (re)découverte de villages libanais, en vous proposant certains reportages qui avaient été publiés lors des différentes éditions de notre concours « Le village préféré des Libanais ». Ce reportage, republié dans une version légèrement amendée, avait été originellement publié le 10 juillet 2019.)

« Ya Amar Machghara. » C’est en ces termes que Feirouz s’adressait, dans l’une de ses chansons, à la lune de ce village de la Békaa-Ouest, lui offrant, par là même, une place spéciale dans le patrimoine libanais.

Un village qui a subi les turbulences de l’histoire mais qui, aujourd’hui, tout en préservant les traces de son passé, renaît de ses cendres et se redresse économiquement.

En se promenant dans ses ruelles ou en grimpant ses multiples escaliers, le visiteur se prend à rêver des temps où ce village, qui offre une vue imprenable sur le lac Qaraoun, était un lieu de passage pour les caravanes ottomanes. Une rêverie que vient alimenter le bruit de l’eau si spécifique à ce village riche d’une trentaine de sources qui, parfois, se font cascades, parfois discrets filets.

Des sources qui ont donné son nom au village, puisqu’il viendrait, selon certains, de Mash’arta, dont la racine, Sha’ar, signifie jaillir en phénicien.

L’abondance de sources s’expliquerait par le positionnement géographique du village, adossé au versant est du massif du Mont-Liban et, surtout, posé sur la faille de Yammouné.

Les sources de Aïn Abi Zeid et Tannour se retrouvent en cascades au cœur du village. Photo DR.

L’esprit des tanneurs

À Machghara, l’eau claire se fraye un passage entre les vieilles murailles de la ville et semble murmurer des histoires d’antan. Des récits de tanneurs qui travaillaient dur les peaux, les transformant en sacs, chaussures et tapis. Cette eau qui coulait à flots, pour nettoyer les peaux, couvrant (peut-être ?) le ronronnement des moteurs de la quarantaine de tanneries qui, à l’époque, employaient chacune 90 ouvriers.

Au détour d’une ruelle, le visiteur peut, aussi, imaginer des jeunes filles en fleur portant leurs cruches vers une source pour les remplir.

Voilà ce qu’était, jadis, Machghara la travailleuse, la téméraire et l’avant-gardiste. Mais ce village mixte, regroupant chrétiens catholiques et orthodoxes et musulmans chiites, a payé un lourd tribut à la guerre du Liban et son lot de déchirements internes, ainsi qu’à l’occupant israélien : émigration d’une partie de la population vers d’autres villes du Liban, voire carrément à l’étranger et notamment aux États-Unis ; fermeture brutale, dans les années 80, des tanneries, dont ne restent, aujourd’hui, que des machines à l’abandon, partiellement démantibulées… Le coût de l’histoire récente fut très élevé pour le village.

Mais aujourd’hui, Machghara, malgré tout, s’est redressée en se réorientant vers l’agriculture, avec notamment la culture de pêches, pommes, poires et vignes, et des services d’épuration des eaux du Litani et de la Békaa.

C’est surtout à la saison estivale que Machghara reprend vie, quand y reviennent les natifs du village installés en ville, faisant passer la population de 8 000 personnes pendant l’année à 14 000 en été. Avec son climat sec et frais, du moins en soirée, son calme et sa tranquillité, Machghara a de quoi séduire.

Berceau du grand Zaki Nassif

Autre atout séduction du village, sa diversité culturelle et sociale, les clochers y côtoyant les minarets qui résonnent harmonieusement aux différentes heures de la prière.

Machghara est, en outre, un terreau fertile pour artistes et intellectuels. Parmi eux, le grand compositeur et musicien Zaki Nassif (1916-2004) qui y est né. S’il a quitté Machghara à l’âge de six ans pour Beyrouth, l’auteur du célèbre Rajeh, Rajeh yitaammar Lebnan, une chanson presque devenue un hymne libanais, y retournait pour les vacances d’été.

Grâce à l’Association pour la protection des sites et anciennes demeures au Liban (Apsad), sa maison a été transformée en un musée qui attire non seulement les touristes, mais aussi les talents en herbe qui y suivent des cours de musique dans l’école qui y a été également créée.

C’est en décembre 2012 que les héritiers du grand compositeur avaient fait don de la maison familiale à l’Apsad pour qu’elle soit ouverte au public et pour permette de partager l’héritage musical et culturel de l’artiste. Aujourd’hui, la maison de deux étages, construite par le grand-père du compositeur et par son frère, est formée de deux bâtisses (l’une construite entre 1850 et 1860, l’autre à la fin du XIXe siècle). Ce double héritage ainsi groupé sous un toit commun donne à la demeure un aspect tout à fait particulier. La restauration s’est faite dans un souci de préservation de l’identité et du charme d’antan de la vieille bâtisse : même carrelage, même pierre… À l’étage, la pierre a été enduite de chaux, comme elle l’était au temps de Zaki Nassif. L’histoire transpire des murs de la maison. Au rez-de-chaussée, l’espace d’accueil et la cafétéria étaient les pièces dans lesquelles, par le passé, était stockée la mouné. La cuisine, elle, est restée intacte, avec son poêle-cheminée, son foyer, son tiroir-cendrier…

De nombreuses maisons de Machghara, à l’architecture traditionnelle, ont été préservées. Photo DR.


Fiche technique

Nombre d’habitants : 8 000 en hiver, 14 000 en été.
Célébrités du village : Zaki Nassif, le compositeur et musicien disparu, est considéré comme l’âme et la fierté du village. On compte également l’animateur Riad Charara, qui fit les belles soirées de l’âge d’or de la télévision. Mais aussi la chanteuse Georgette Sayegh, ainsi que Tony Baroud, animateur de télé, également originaire de cette localité.
Climat : la ville se situe à près de 1 050 m d’altitude, soit plus de 200 m au-dessus du cours du fleuve Litani. Elle jouit d’un climat froid en hiver et chaud en été, avec une humidité très peu élevée qui rend les températures supportables à la saison estivale.


Comment y accéder ?

Machghara est à 82 km de Beyrouth, donc à une heure et demie de la capitale si l’on emprunte la route de Damas, en passant par Dahr el-Baïdar puis en bifurquant à droite avant d’arriver à Chtaura. On traverse ainsi des villages tels que Kabb Élias, Kherbet Anafar et Saghbine. Mais on peut aussi y arriver par la route du Sud en passant par Saïda, Jezzine et Kfarhouna.


À ne pas rater :

– À visiter en premier lieu la maison ancestrale et familiale de Zaki Nassif, désormais transformée en musée et en école de musique.

– L’église grecque-catholique avec sa cour encadrée par des arbres millénaires et rafraîchie par deux sources.
– La seule tannerie qui existe encore, bien qu’en ruine, avec ses vieilles machines, témoins d’un temps glorieux.
– La mosquée Imam el-Hussein construite par l’ancien député Hussein Mansour et qui fait face aux cascades issues de deux grandes sources : Aïn Bou Zeid et Tannour.
– Nabeh Bou Zeid : la grande source qui jaillit d’une grotte à Machghara et forme une cascade avec la source Tannour. S’y déroulaient des soirées chantantes (zajal) avec le grand Zaghloul el-Damour.

(Cet été, nous vous emmenons à la (re)découverte de villages libanais, en vous proposant certains reportages qui avaient été publiés lors des différentes éditions de notre concours « Le village préféré des Libanais ». Ce reportage, republié dans une version légèrement amendée, avait été originellement publié le 10 juillet 2019.)« Ya Amar Machghara. » C’est en ces termes...
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