La justice libanaise a condamné lundi la journaliste Dima Sadek à un an de prison ferme, dans le cadre d'un procès intenté il y a trois ans par le chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil, selon des documents juridiques consultés par L'Orient Today.
Le chef du CPL avait accusé la journaliste de "diffamation, calomnie et incitation aux conflits sectaires".
Mme Sadek a communiqué les détails du verdict dans une vidéo publiée sur Twitter, dans laquelle elle explique qu'en plus de l''incarcération, elle doit verser 110 millions de livres libanaises au CPL.
En 2020, l'année où la plainte a été déposée, Dima Sadek et le blogueur Gino Raidy avaient annoncé avoir été convoqués par la police judiciaire pour être interrogés sur la base d'une plainte déposée le 14 février par le CPL.
"En février 2020, deux jeunes hommes de Tripoli ont été agressés par le CPL", a rappelé Mme Sadek dans sa vidéo sur Twitter. "L'un a été attaqué par les gardes du corps de [l'ancien député et membre du CPL] Ziad Assouad, et l'autre, Zakaria el-Masri, a été battu et forcé de répéter "Aoun est votre Dieu et le Dieu de Tripoli", comme il l'a affirmé dans son témoignage écrit", a-t-elle ajouté.
"Gebran Bassil me poursuit dans l'affaire Zakaria el-Masri", a poursuivi la journaliste. "Dans les deux cas, j'ai dit qu'il s'agissait d'actes racistes et nazis".
جبران طالب حبسي بقضية زكريا المصري اللي بحسب افادته الرسمية قال انه تم ضربه واجباره على قول "عون رب طرابلس" . (وليس في قضية الشاب الذي اعتدا عليه مرافقو اسود). الافادة منشورة في اول تعليق . pic.twitter.com/UKkWOYAYVz
— Dima ديما صادق (@DimaSadek) July 11, 2023
Dans un autre tweet, Dima Sadek a révélé que Gebran Bassil l'avait poursuivie en justice il y a trois ans, l'accusant de "diffamation et de calomnie ainsi que d'incitation aux conflits sectaires".
"Lorsqu'ils ont battu cet homme, il ne s'agissait pas d'une incitation au conflit sectaire, a ironisé Mme Sadek. Ils n'ont pas été jugés, ni arrêtés et personne ne leur a dit un seul mot. Sauf qu'ils m'ont condamnée à une peine de prison, moi qui ai dénoncé cet acte".
Ayman Mhanna, directeur exécutif de la Fondation Samir Kassir (SKeyes), qui milite pour la liberté des médias, a répondu aux questions de L'Orient Today sur la condamnation de Mme Sadek à un an de prison ferme, qui constitue un "précédent". M. Mhanna a déclaré qu'il suivait de près le cas de la journaliste.
Le verdict prononcé à l'encontre de la journaliste Dima Sadek constitue-t-il un précédent ?
Il y a déjà eu des condamnations à des peines de prison, par contumace, mais elles n'ont pas été appliquées. (Le cas de Dima Sadek) constitue un précédent dangereux à plusieurs niveaux. Nous rejetons fermement de telles décisions qui vont à l'encontre de tous les principes de la liberté d'expression et qui montrent clairement le degré de politisation du système judiciaire. Il s'agit d'un système judiciaire de vengeance.
Mme Sadek a affirmé mardi que le verdict prononcé à son encontre - à savoir une peine d'emprisonnement sans sursis pour diffamation et calomnie - crée "un précédent très dangereux pour la liberté du journalisme, des médias et de l'expression au Liban".
Elle a expliqué que le système judiciaire peut l'incarcérer à tout moment si elle ne fait pas appel du verdict.
Le verdict prononcé à l'encontre de Dima Sadek est-il injuste et sévère, alors qu'elle avait accusé le CPL de commettre des "actes racistes et nazis" ?
Dima Sadek et tout commentateur, journaliste et citoyen devraient pouvoir dire n'importe quoi sur n'importe quel parti. Il n'y a pas un seul mot qui puisse justifier une peine de prison, à moins qu'il ne s'agisse d'un appel explicite au meurtre ou à la violence. Le juge aurait pu choisir une amende financière comme dans les cas précédents. L'emprisonnement est déplacé, purement politique et montre l'étendue de la politisation du système judiciaire.
Quelles sont les conséquences d'un tel verdict sur le journalisme et la liberté d'expression au Liban ?
Ce verdict conduira à une polarisation accrue. Les opposants au CPL et aux autres partis politiques traditionnels les critiqueront encore plus durement. Les partisans et les dirigeants des formations politiques se sentiront encouragés à harceler davantage leurs opposants et à utiliser le système judiciaire pour faire taire les critiques.
Y a-t-il une motivation politique dans l'affaire Sadek ?
Cela sent la motivation politique, cela y ressemble et cela s'y apparente.
commentaires (17)
Non. Les « jourbalistes” ne devraient pas se taire lorsqu’il s’agit de dénoncer une injustice ou une violence !
Citoyen Lambda
16 h 00, le 12 juillet 2023