Ce 31 octobre, Michel Aoun clôturait six années à la tête de l’État libanais. Un rapport de SKeyes (Fondation Samir Kassir) datant du 1er novembre 2022 met en exergue un fort recul des libertés durant cette période, en tout premier lieu la liberté d’expression, et recense plus de 800 violations depuis 2016, « rapprochant toujours plus le Liban des États autoritaires et policiers », selon l’expression employée par le centre de recherche.
Ces atteintes comprennent les assassinats, les attaques armées contre les propriétés des médias, l’agression de journalistes et de militants par des parties officielles et non officielles, la convocation à des interrogatoires, les menaces et les intimidations, la censure officielle ou non officielle d’œuvres et activités culturelles, le blocage de contenus électroniques, la condamnation à des peines de prison, les jugements par des tribunaux non compétents tels que le tribunal militaire, l’arrestation et la détention. À cela s’ajoutent l’usage « excessif ou injustifié » de la violence contre les manifestants et leur jugement devant le tribunal militaire.
Les violations recensées par SKeyes touchent en premier lieu les activistes et journalistes, suivis des citoyens et des artistes. Les femmes sont moins prises pour cibles que les hommes, qui représentent 80 % des cas.
L’étau se resserre autour de la société civile
En 2020, le Liban s’est abstenu de signer la déclaration finale publiée à l’issue de la deuxième Conférence mondiale sur la liberté des médias, sous prétexte que certaines expressions étaient « en contradiction avec la loi libanaise, notamment celles qui défendent le droit des homosexuels à la liberté d’expression et l’accès aux médias », selon le rapport. SKeyes va plus loin, dénonçant, surtout au cours des deux dernières années, « la recrudescence des campagnes d’intimidation par des personnalités politiques et religieuses à l’encontre des LGBTQ ».
SKeyes rappelle aussi que depuis 2020, un décret a été réactivé, obligeant les journalistes, photographes et cameramen à obtenir une autorisation préalable auprès de l’armée pour les interviews ou les prises de vue de simples citoyens.
« Le recours à des méthodes répressives systématiques a été établi par le pouvoir politique en collaboration avec les services de sécurité et les procureurs dans le but de faire taire les critiques », dénonce SKeyes. Aussi, la plupart des convocations s’inscrivent dans le cadre de plaintes pour « diffamation et calomnie » ou « mépris » envers les politiciens et les services de sécurité.
Un crime puni par la loi
Bien que la Constitution libanaise garantisse la liberté d’opinion et d’expression dans la parole et l’écriture, et malgré la ratification par le Liban des traités internationaux assurant cette liberté, le code pénal libanais criminalise la calomnie et la diffamation. Ces dispositions pénales sont de plus en plus utilisées contre les militants, les journalistes et tous les citoyens ayant critiqué le chef de l’État sur les réseaux sociaux, toujours selon le rapport.
Ainsi, au cours du mandat de Michel Aoun, les accusations d’avoir « porté atteinte à la personne du président ou à sa fonction » à travers des publications sur les réseaux sociaux ou dans des médias d’information sont ainsi passées à 29, contre 5 sous la présidence de Michel Sleiman (2008-2014), souligne SKeyes. Et c’est sur Facebook que le plus grand nombre de ces « offenses » auraient été enregistrées, bien davantage que sur les autres réseaux sociaux comme WhatsApp, Twitter ou Instagram. Ces accusations ont été passibles d’amendes et de peines d’emprisonnement.
Le rapport note par ailleurs que les convocations, les arrestations et les investigations ont été menées en premier lieu par les renseignements de l’armée, suivis de la Sûreté de l’État, de la police criminelle et de la Sûreté générale. Dans une très faible mesure, le parquet ou le bureau de lutte contre la cybercriminalité et la protection de la propriété intellectuelle ont été impliqués.
Par conséquent, le Liban a perdu 32 rangs au World Press Freedom Index publié par l’organisation Reporters sans frontières, passant de la 98e position en 2016 à la 130e en 2022.
commentaires (6)
Même lorsque ces vendus n’interviennent pas directement dans les médias on observe une auto censure de ces derniers par peur de représailles. C’est ça la dictature. On tue quelques journalistes et le reste suivra. Y a qu’à voir le comportement de notre grand journal. Mine aatarak y’a antar?
Sissi zayyat
12 h 33, le 04 novembre 2022