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Partez à la (re)découverte de villages du Liban - Tourisme interne

Bécharré, entre anges et chérubins

Le brouillard s’engouffrant dans la Vallée sainte. Photo Joe Nouhra.

(Cet été, nous vous emmenons à la (re)découverte de villages libanais, en vous proposant certains reportages qui avaient été publiés lors des différentes éditions de notre concours « Le village préféré des Libanais ». Ce reportage, republié dans une version légèrement amendée, avait été originellement publié le 10 juillet 2019.)

Dans sa Mission de Phénicie, Ernest Renan s’attarde sur « la tendance des maronites à placer l’Éden dans leur Vallée sainte ». Les Bécharriotes, en particulier, ont fait appel à tous les saints de l’Église, aux prophètes, aux martyrs chrétiens, à la Vierge Marie… aux anges et aux chérubins pour les placer dans leur vallée et sur ses falaises. Et pour couronner le tout, ils ont lancé un appel à Dieu pour qu’il trône sur leur forêt de cèdres. Le village étant perché à quelque 1 500 mètres d’altitude, l’appel a, semble-t-il, été entendu. La forêt est devenue celle des « cèdres de Dieu ».

L’histoire des chrétiens maronites ne se lit pas dans les pages d’un livre, mais dans les grottes et renfoncements rocheux de Bécharré et de ses environs. Pour le père Hani Tok, l’emplacement des églises et des monastères n’est pas fortuit. « Dieu est au sommet, trônant sur la forêt des cèdres qui porte son nom. Un peu plus bas, la vallée est encerclée de prophètes tels que saint Daniel à Hadath el-Jebbé, le mont Saint-Élie à Hadchit, un autre à Blawza, saint Chaaya à Bazoun et saint Élisée à Bécharré. Vient ensuite la Vierge Marie qui symbolise le passage de l’Ancien au Nouveau Testament. Sur deux autres niveaux siègent les moines et les martyrs », explique-t-il. Ainsi, du fin fond de la vallée jusqu’au sommet de la montagne, les Bécharriotes, en bons chrétiens, gravissent les échelons de la sainteté pour parvenir au divin.

Mar Séba, patron du village, n’est ni au sommet ni au pied de la montagne mais au cœur de Bécharré, non loin des habitants et du souk qui regorge de vie. De part et d’autre de la cathédrale qui porte son nom, des représentations de saints orientaux et de quelques saints originaux de Bécharré se dressent sur les murs en dessous des vitraux. Moins imposante que la cathédrale mais de loin plus chaleureuse, l’église Mar Geryès est, du fait de la simplicité et de la modestie de son architecture, l’archétypique de l’église maronite.

Une vue de la place de Bécharré et de l’église Mar Séba. Photo Joe Nouhra.

De tous les lieux de culte maronites, ceux qui décrivent le mieux l’histoire de la communauté sont les grottes nichées dans la Vallée sainte où se retiraient les ermites et les reclus, et où trouvaient refuge les maronites fuyant les persécutions. Classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1998, la Vallée sainte est considérée comme le berceau des maronites : le couvent de Qannoubine a été le premier siège du patriarcat quand cet ordre a été créé dans le couvent Saint-Élisée. Enfin, la première imprimerie du Moyen-Orient est installée dans le monastère de saint Antoine de Qozhaya. La forêt des cèdres de Dieu, dont la présence solennelle évoque la neige, les sources, le pur silence des sommets où le temps semble figé, est, elle aussi, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco.

Pour Joseph Ishac, député de la région, le classement de deux sites bécharriotes au patrimoine de l’Unesco atteste de la richesse des attributs de sa région. « Outre son cachet spirituel et religieux, le village de Bécharré regorge de sites culturels, naturels et patrimoniaux », précise M. Ishac avant de poursuivre : « Ces sites attirent les touristes des quatre coins du monde et, depuis le lancement du Festival des Cèdres, la région a retrouvé son rôle culturel et artistique, ainsi que sa stature parmi les destinations estivales. »

L’art, le sport et les pommes de Bécharré

Bécharré trône sur le versant occidental du Mont-Liban, plus précisément sur le mont Makmel, la plus haute des montagnes du Liban, et s’étend jusqu’à Qornet el-Sawda, le plus haut sommet du Moyen-Orient avec ses 3 088 mètres d’altitude. Ancré sur le flanc de la vallée des Saints, le village, qui est un paradis pour les adeptes du tourisme religieux, offre également à ses visiteurs un passage très subtil du sacré au profane.

« Bienvenue dans la maison natale de Bécharré », lance le guide touristique Jhonny Nehmé avant de se rendre compte de son lapsus et de lancer : « Bienvenue dans la maison natale de Gibran Khalil Gibran. » « La complicité entre Bécharré et le célèbre artiste est telle qu’elle prête à confusion… » justifie-t-il. Bâtisse montagnarde simple et modeste composée de quelques pièces destinées à la vie d’une famille soudée par l’affection et la solidarité, caractéristiques des habitants des jurds, la maison de l’illustre poète et peintre rappelle le Liban d’antan.

Conformément à son souhait, la dépouille mortelle de Gibran, qui a passé le plus clair de sa vie à l’étranger, est revenue à Bécharré. C’est en 1975 que le musée Gibran Khalil Gibran a vu le jour pour être plus tard élargi. Aujourd’hui, il comprend 16 salles rendant compte des œuvres et de la vie de l’artiste aux multiples facettes. Ses œuvres traduisent sa volonté de marier les techniques occidentales aux sujets orientaux, et reflètent la grande spiritualité d’un homme épris d’absolu et de vérité. Le mausolée de Gibran est situé sous terre, dans une salle creusée dans la roche. Les cendres reposent dans une petite fente creusée dans le mur et entourée de bois de cèdre. L’auteur du Prophète est, bien entendu, prophète en son village, Bécharré, « la patrie de son cœur », comme il l’avait nommé.

Pour ceux qui préfèrent le sport à l’art, un bon nombre d’activités physiques sont proposées : randonnée, parapente, vélo, ATV... En hiver, les skieurs amateurs ou confirmés pourront se livrer aux joies de la glisse.

S’il n’est pas question de faire du ski en été, il n’en reste pas moins que des traces de l’hiver persistent même en saison estivale. Le brouillard peut envelopper le village comme un halo n’importe quel jour de l’année. Les pommes de Bécharré attendent, tout comme les agriculteurs, ce brouillard avec impatience. Si elles restent vertes jusqu’à la fin de mois d’août, le brouillard, à partir de septembre, les fera rougir.

Les pommes de Bécharré pourraient même être plus alléchantes que la pomme qu’Ève a eu l’audace de croquer et de proposer à Adam. Mais à Bécharré, sur les flancs de la Vallée sainte, on ne risque rien.


Fiche technique

Nombre d’habitants : environ 8 000 résidents en hiver, entre 15 000 et 20 000 en été.
Altitude : 1 450 mètres.
Superficie : 62 km2.
Climat : froid en hiver, agréable en été.


Comment y accéder ?

Bécharré est à 110 kilomètres de Beyrouth. Venant de la capitale, suivez l’autoroute vers Tripoli, puis, au niveau de Chekka, prenez la bifurcation jusqu’à Amioun, puis Kousba et Tourza. Au barrage de l’armée, prenez légèrement à droite la route qui mène à Bécharré.


À ne pas rater

– Les anciennes églises du village :
• Mar Séba
• Notre-Dame de l’Assomption
• Saint-Jean
• Saint-Joseph pour les pères carmes
• Sacré-Cœur-de-Jésus
• Notre-Dame du lait
• Mar Geryès
• Saint-Christopher
• Notre-Dame de Saydanéya
• Sainte-Moura
• Saint-Antoine-de-Padoue
• Saint-Joseph-de-la-Colline
• Notre-Dame de la Lumière
• Église de la Transfiguration
• Notre-Dame des Cèdres
• Église de la Sainte-Famille
• Saint-Charbel région Baal
• Saint-Charbel Jalsé
• Saint-Siméon-de-Stylite
• Notre-Dame de la région Marj Bécharré

–Les randonnées et autres activités sportives :
• Ski divers
• Randonnée
• Parapente
• Alpinisme
• Vélo

– Le musée de Gibran Khalil Gibran et sa maison natale.
– La forêt des cèdres de Dieu.
– La Vallée sainte.
– Déguster impérativement les pommes de Bécharré.

(Cet été, nous vous emmenons à la (re)découverte de villages libanais, en vous proposant certains reportages qui avaient été publiés lors des différentes éditions de notre concours « Le village préféré des Libanais ». Ce reportage, republié dans une version légèrement amendée, avait été originellement publié le 10 juillet 2019.)Dans sa Mission de Phénicie, Ernest Renan...

commentaires (1)

N’oubliez pas les sœurs écrivains May Menassa et Vénus Khoury-Ghatta , elles aussi filles de Bécharré, dont elles ont beaucoup écrit.,

Hacker Marilyn

14 h 44, le 12 août 2023

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Commentaires (1)

  • N’oubliez pas les sœurs écrivains May Menassa et Vénus Khoury-Ghatta , elles aussi filles de Bécharré, dont elles ont beaucoup écrit.,

    Hacker Marilyn

    14 h 44, le 12 août 2023

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