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Nos Lecteurs ont la Parole

La gouvernabilité du Liban : quatre conditions prérequises

Extrait d’une communication début juin à la troisième session de clôture, consacrée au Liban, de l’Association franco-libanaise de pathologie cardiovasculaire, dont le président est le Dr François Boustani.

Il y a trois dérives dans des palabres constitutionnelles libanaises, par des légalistes, politicards, démagogues, idéologues… :

- Aliénation culturelle, en se référant à d’autres pays et d’autres sociétés et régimes politiques : France, Grande-Bretagne, États-Unis d’Amérique…

- Ignorance des recherches comparatives internationales, depuis surtout les années 1970, en ce qui concerne la diversité dans l’édification nationale, notamment l’édification nationale contractuelle ou par des pactes.

- Conception jacobine de la modernité qui cherche à diluer la diversité culturelle, religieuse, ethnique, linguistique, raciale…

La méthode médicale est utile en ce qui concerne les variantes thérapeutiques. En médecine, comme dans un système constitutionnel, il y a trois modalités thérapeutiques ;

la thérapie radicale de l’extraction, amputation… ; la thérapie progressive ou par approximations successives ; l’accommodation à vie, avec une constitution corporelle spécifique…

C’est l’école rationaliste du Liban, avec Michel Chiha, les pères fondateurs, les promoteurs des pactes libanais toujours recommencés.

Il en est qui cherchent des remèdes au chevet du Liban par référence à la France, Grande-Bretagne, États-Unis… Or on ne guérit un mal que par « ses » remèdes.

Quand le cancer ravage le Liban, il se détruit lui-même. Des fois le Liban se trouve agressé par un cancer. Antoine Courban décrit ainsi le cancer qui ravage l’organisme, il se répand et se nourrit, puis finit par se détruire lui-même à défaut d’un environnement qu’il a lui-même détruit et qui lui permettait de subsister. Le Liban a toujours été un piège, un champ de mines pour tous les occupants, agresseurs, imposteurs…

Quand le malade lui-même s’oppose à sa remédiation, quand la culture dominante n’est pas favorable, la thérapie est inopérante ! Il en est de même quand l’État n’est pas souverain, même si la société a atteint le plus haut niveau d’intégration.

Le problème de l’immunité est fondamental, en médecine comme dans la capacité de résistance d’une société. Avons-nous acquis un traumatisme salutaire, grâce à une mémoire collective et partagée à l’encontre des occupants, aventuriers, parieurs, imposteurs ?…

Quelle ordonnance adaptée ?

Des recherches, débats et palabres sur la gouvernabilité du Liban se perdent souvent dans des diagnostics variés et, le plus souvent, concordants, mais le plus souvent aussi sans ordonnance au sens thérapeutique parfaitement adapté au diagnostic ! Pourquoi le manque de remédiation de la part d’intellectuels, de constitutionnalistes, journalistes, acteurs sociaux et citoyens de bonne volonté ?

Si nous soumettons des travaux d’intellectuels, libanais et étrangers, sur le régime constitutionnel libanais depuis les années 1920 à un tribunal pour juger l’efficience, quel sera le résultat ? Tout en brandissait en permanence : Liban-message, vivre-ensemble, dialogue islamo-chrétien, unité plurielle, identité et appartenance arabes du Liban… on a ébranlé la légitimité de l’édifice national du Liban dans la conscience collective ! Cet ébranlement rejoint la disqualification du Liban, avec l’idéologie sioniste de l’espace identitaire : « Erreur historique et géographique » ! Mosaïque ingouvernable ! Et même « monstre ingouvernable » (Le Monde, 30/11/202).

Expérimentalement, et l’expérience est le fondement de toutes les sciences, il n’y a pas une autre alternative pour le Liban que le pacte national de 1943, la Constitution de 1926 et le pacte national renouvelé de l’accord d’entente nationale de Taëf de 1989 ! Le texte même de la Constitution comporte toutes les perspectives d’application normative et d’évolution en conformité avec toutes les normes, sans exception, de l’autonomie personnelle (art. 9 et 10), la discrimination positive (art. 95), le processus de décision (art. 65), et la formation de gouvernements « exécutoires » (tout le chapitre 4) !

L’ordonnance se trouve dans la Constitution même du Liban avec quatre prescriptions :

1. Souveraineté d’abord, avec tous les attributs régaliens d’État.

2. Président de la République (maronite) véritablement « chef de l’État » garant de la suprématie de la Constitution (art. 49).

3. Gouvernements « exécutoires », « ijrâ’iyya » (ch. 4 de la Constitution), et non des mini-Parlements qui transforment le régime parlementaire libanais en régime d’assemblée.

4. Acculturation de l’État dans la conscience collective à travers une historiographie scientifique et réaliste du Liban, la mémoire collective et une pédagogie de l’État pour les nouvelles générations.

Ancien membre du Conseil constitutionnel, 2009-2019

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Extrait d’une communication début juin à la troisième session de clôture, consacrée au Liban, de l’Association franco-libanaise de pathologie cardiovasculaire, dont le président est le Dr François Boustani.Il y a trois dérives dans des palabres constitutionnelles libanaises, par des légalistes, politicards, démagogues, idéologues… :- Aliénation culturelle, en se...

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