
L’ancien ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, en réunion avec le patriarche maronite Béchara Raï, le 22 juin 2023. Photo Nabil Ismaïl
Jean-Yves Le Drian, envoyé spécial pour le Liban du président français Emmanuel Macron, a affirmé jeudi, depuis le patriarcat maronite à Bkerké, qu'il est actuellement en "mission d'écoute et de concertation" auprès des responsables libanais afin d'aider le pays à "sortir immédiatement" du blocage politique actuel. Le pays est sans président depuis près de huit mois, alors qu'il croule sous le poids d'une crise socio-économique et financière dévastatrice.
Arrivé mercredi après-midi à Beyrouth, le haut-diplomate s'est déjà entretenu avec le chef du Parlement libanais, Nabih Berry, le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, et le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï.
"Nous avons partagé nos inquiétudes sur la situation de blocage politique, mais aussi sur les conséquences de la crise économique et de la crise sociale qui touche tous les Libanais", a déclaré Jean-Yves Le Drian à la presse, à l'issue de sa rencontre avec Mgr Raï. "Je lui ai expliqué aussi le sens de ma mission. Je suis venu plusieurs fois au Liban et c'est bien pour cette raison-là et pour l'affection que je porte à ce pays que le président de la République a souhaité que je fasse une mission de concertation, une mission d'écoute et une mission d'attention pour faire en sorte que ce pays sorte de l'impasse politique", a-t-il ajouté. L'envoyé spécial a par ailleurs assuré que le président français est "très attaché au Liban" et "déterminé à mobiliser les efforts nécessaires" pour sortir le pays de l'impasse.
"Aucune option"
M. Le Drian a confié, pour sa part, porter une "affection toute particulière" au Liban. "C'est pour cette raison qu'il (Emmanuel Macron, ndlr) m'a choisi pour que je puisse mener, avec tous les acteurs, les consultations nécessaires pour sortir immédiatement du blocage politique et envisager ensuite un agenda de réformes pour que le pays retrouve une vitalité et un espoir. C'est dans cet esprit que je suis là, je ne viens porteur d'aucune option, je vais écouter tout le monde" a indiqué l'ancien chef de la diplomatie française. "J'espère que les uns et les autres pourront être au rendez-vous car la solution doit venir d'abord des Libanais et la France sera toujours présente pour les soutenir", a-t-il souligné.
Jean-Yves Le Drian a par ailleurs révélé que ce voyage à Beyrouth sera suivi d'autres visites au Liban, sans préciser de date. Lors de sa réunion au Grand Sérail avec M. Mikati, un "tableau précis de la situation au Liban et des efforts développés par la France pour mettre un terme à la crise politique" a été brossé. "La solution repose dans l'élection d'un nouveau président", a affirmé à ce sujet M. Mikati, selon un communiqué de son bureau de presse. En ce qui concerne la crise économique et financière, le Premier ministre sortant a ajouté que son cabinet a "approuvé les réformes demandées et signé un accord préliminaire avec le Fonds monétaire international", estimant que l'adoption de ces projets par le Parlement donnerait une "poussée" supplémentaire pour trouver des solutions à la crise.
"Le but de cette première visite au Liban est de sonder la situation et de voir comment aider à trouver des solutions", a de son côté déclaré M. Le Drian.
"Décision interne souveraine"
Jeudi, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, s'est également entretenu avec l'émissaire français. "La question de la présidence nécessite 128 députés et ne requiert pas d'intervention internationale", a déclaré M. Geagea à l'issue de la réunion. Il a qualifié la visite de Jean-Yves Le Drian de "reconnaissance", soulignant qu'il "a posé des questions sur divers sujets et qu'il n'avait aucune proposition à présenter". "Malgré mon amour pour la France, nous ne voulons pas de son ingérence, ni de celle de l'Iran", a-t-il lancé. "Nous voulons une décision interne souveraine. Nous voulons seulement élire un président, mais malheureusement, certains ont fait obstruction à ce qui aurait pu être un résultat décisif, et ils veulent nous faire élire l'ancien ministre Sleiman Frangié, ce qui n'arrivera pas", a-t-il ajouté.
M. Le Drian a également convié le chef des Marada Sleiman Frangié, candidat soutenu par le camp du Hezbollah à la présidence, à un déjeuner à la Résidence des Pins en présence de l'ambassadrice de France Anne Grillo. Son fils, le député Tony Frangié a été convié aussi.
L'envoyé spécial n'a fait aucune déclaration au terme du déjeuner. Sleiman Frangié, de son côté, a écrit sur son compte Twitter : "(...) La rencontre a été positive et les échanges constructifs en vue de la prochaine étape".
Jean-Yves Le Drian s'est ensuite entretenu avec le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, à la résidence de ce dernier à Bayyada, dans le Metn.
Ces derniers mois, des observateurs ont rapporté que Paris soutient la candidature du chef des Marada, via un troc dans le cadre duquel la présidence du Conseil irait à Nawaf Salam, juge à la Cour internationale de justice. Au grand dam de l'opposition. La France a toutefois affirmé à plusieurs reprises ces deux dernières semaines ne pas avoir de candidat pour la présidentielle.
Mercredi soir, M. Le Drian avait déjà eu une "réunion franche et bonne" avec le président de la Chambre Nabih Berry, selon ce dernier. Il devrait également rencontrer les chefs des principaux partis chrétiens ainsi que des représentants de la contestation et du Hezbollah. Une étape est également prévue à Yarzé, pour une réunion avec le chef de l’armée, Joseph Aoun. Selon des informations obtenues par L'Orient-Le Jour, l’ancien ministre des Affaires étrangères réunira en outre, vendredi à la Résidence des Pins, les ambassadeurs d’Arabie saoudite, du Qatar, de l’Égypte, de la France et des États-Unis, les cinq pays ayant participé à la réunion de Paris sur le Liban le 6 février dernier.
À l’issue de cette première mission, Jean-Yves Le Drian devra rédiger un rapport pour le président Macron, lui présentant les points de vue des différents protagonistes et les issues potentielles à la crise. Selon une source diplomatique française, un nouveau déplacement au Liban est prévu au cours de l’été.
Jean-Yves Le Drian a été chargé il y a deux semaines par Paris de trouver une issue à l’impasse politique libanaise, le pays subissant une vacance présidentielle depuis plus de huit mois, faute de consensus. Sa tournée au Liban intervient une semaine après la douzième séance électorale tenue au Parlement, qui s’est conclue sur un match (quasi) nul entre les deux candidats, Jihad Azour, soutenu par l’opposition et le Courant patriotique libre, et Sleiman Frangié, favori du tandem Amal-Hezbollah. Sa visite suit également l’entretien du 16 juin entre M. Macron et le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane à Paris, lors duquel le dossier libanais a été abordé.
Monsieur Le Drian. Il fait meilleur en France qu’au Liban. Ne perdez pas votre temps et occupez vous plutôt de remplacer le clown de Jack Lang à la tête de l’IMA
11 h 55, le 23 juin 2023