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Société - Guerre

Les évacués libanais du Soudan racontent la « terreur » du passage par les lignes de front

Plus de 100 000 personnes ont déjà fui les combats qui ont éclaté le mois dernier dans ce pays. Parmi elles, des dizaines sont rentrées au Liban, laissant tout derrière elles.

Les évacués libanais du Soudan racontent la « terreur » du passage par les lignes de front

Des civils attendent au port d’être évacués du Soudan par l’Arabie saoudite pour échapper aux conflits, le 30 avril dernier. Mohammad Benmansour/Reuters

Le mois dernier, Souhayb Aycha se rend au travail à l’usine de plastique qu’il possède près de chez lui à Khartoum. Il est 8h. Originaire du Akkar au Liban-Nord, il vit dans la capitale soudanaise depuis 13 ans avec sa femme et ses trois jeunes enfants. Juste avant son arrivée à l’usine, « des coups de feu et des bruits de bombes retentissent sans avertissement », raconte-t-il à L’Orient Today.

C’est le début d’un cauchemar qui va forcer M. Aycha à fuir le Soudan et à se retrouver, sans trop savoir comment, dans son village natal de Fneideq, au Liban, avec les membres de sa famille, sans avoir pu emporter grand-chose avec lui.

Après plusieurs jours de tensions, les combats au Soudan ont éclaté entre l’armée et les forces paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) le 15 avril, se transformant rapidement en une guerre totale.

Eclairage

Soudan : trêve fragile et défis régionaux

Le quartier où vit Souhayb Aycha dans la capitale soudanaise est devenu une ligne de front meurtrière. « Je me suis précipité chez moi pour être près de ma famille et m’informer sur ce qui se passe, raconte-t-il. Alors que nous suivons les informations, des obus ont commencé à tomber autour de notre domicile. L’un d’eux a frappé l’immeuble en face et un autre a atterri devant le nôtre. »

Il poursuit : « Ma famille a vécu de véritables moments de terreur, les enfants criaient, ma femme a piqué une crise de panique. Nous nous sommes réfugiés dans les couloirs de la maison, loin des fenêtres, dans des endroits un peu protégés, craignant les balles perdues. »

Ils décident alors de fuir. Et ils ne sont pas les seuls. Selon le dernier décompte des Nations unies, plus de 115 000 personnes se sont réfugiées dans les pays voisins en raison des violences qui ont déjà fait au moins 700 tuées et près de 5 000 blessées, selon l’ONG Acled qui recense les victimes de conflits. Les hôpitaux ont été bombardés et mis hors service, ce qui a poussé le personnel médical à fuir pour se mettre à l’abri. Les pays étrangers se démènent toujours pour évacuer leurs ressortissants. Quelque 77 Libanais, ainsi que des Syriens et des Palestiniens munis de documents de voyage libanais, ont été évacués par bateau et par avion, explique le général Mohammad Kheir, chef du Haut Conseil de secours, depuis son bureau de Beyrouth. Lors de la dernière évacuation, mardi dernier, trois personnes sont rentrées au Liban via Chypre et la Jordanie. Il n’y aura plus d’évacuation de citoyens libanais, ajoute M. Kheir. Aucun ressortissant n’a heureusement été tué ou blessé dans les combats pour l’heure, mais on ne sait pas combien restent au Soudan, s’il en reste.

Souhayb Aycha (à gauche) et sa famille de retour chez eux dans le Akkar. Photo Michel Hallak

Un itinéraire risqué

Comme les dizaines d’autres évacués libanais, M. Aycha, sa femme et ses trois enfants se sont rendus par voie terrestre, puis par bateau jusqu’à Djeddah en Arabie saoudite, d’où ils ont pris l’avion pour le Liban.

Pour Hassan Akl Attiyé, propriétaire d’une entreprise de construction, l’attente de l’évacuation à Khartoum s’est déroulée sous les bombes. Il s’est installé au Soudan trois ans plus tôt et, à la veille des affrontements, il vit dans la capitale avec sa femme enceinte et son fils en bas âge.

M. Attiyé raconte que, quand les combats ont éclaté, les résidents libanais de Khartoum ont créé un groupe WhatsApp pour coordonner avec l’ambassadrice du Liban au Soudan, Dima Haddad, en vue d’une évacuation sécurisée. Mais l’autoroute qu’ils devaient emprunter pour se mettre à l’abri était bloquée. Pour M. Attiyé et sa famille, il est devenu impossible de circuler dans un véhicule ordinaire. « Nous avons donc pris un tuk-tuk », dit-il.

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Souhayb Aycha a également eu du mal à sortir de la ville. Un hôtel a été désigné à l’extérieur de la capitale pour les familles libanaises qui veulent être évacuées, mais il fallait traverser un pont dangereux sur le Nil pour s’y rendre. « Traverser le fleuve est devenu très risqué, tout comme la perspective de quitter la région, mais y rester était encore plus dangereux, explique-t-il. J’ai donc choisi de prendre ce risque et nous sommes partis. »

Les deux familles ont finalement pris un bateau pour Djeddah aux côtés de dizaines d’autres Libanais, de Syriens et de Palestiniens. M. Aycha et sa famille sont retournés dans leur village du Akkar, tandis que M. Attiyé a retrouvé sa famille à Beyrouth.

« Que Dieu protège le Soudan »

Maintenant qu’il est rentré chez lui, Hassan Attiyé craint que son entreprise de construction à Khartoum ne soit dévastée et n’envisage pas de reprendre son travail pour l’instant. « J’ai vu des vidéos de combats et d’affrontements violents à l’endroit où se trouve l’un de mes entrepôts », raconte-t-il. Il est toujours en contact avec ses employés, parmi lesquels des Soudanais, des Égyptiens et des Syriens. « Mais 90 % d’entre eux ont fui, dit-il. Cela représente environ 50 familles qui ont perdu leur emploi et leurs revenus – je ne suis pas seul dans l’entreprise. »

M. Aysha, lui aussi, dit qu’il suit les nouvelles du Soudan avec anxiété. Ses enfants, âgés de sept mois à neuf ans, n’ont pas encore surmonté leur traumatisme. Ils n’ont pas encore repris l’école et ont « besoin de temps » pour se calmer après cette épreuve. Il ajoute qu’il reste en contact avec les employés soudanais de l’usine à Khartoum.

« Je prie pour que mes amis et tous ceux que j’ai laissés derrière moi restent sains et saufs, car la situation est inquiétante, lâche-t-il. Je demande à Dieu de préserver nos propriétés (...). J’espère qu’il protégera le Soudan et son peuple. »

Le mois dernier, Souhayb Aycha se rend au travail à l’usine de plastique qu’il possède près de chez lui à Khartoum. Il est 8h. Originaire du Akkar au Liban-Nord, il vit dans la capitale soudanaise depuis 13 ans avec sa femme et ses trois jeunes enfants. Juste avant son arrivée à l’usine, « des coups de feu et des bruits de bombes retentissent sans...

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