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Nos Lecteurs ont la Parole

Être libanais

J’ai toujours rêvé de voyage, d’un chemin quelconque pour sortir de ce pêle-mêle qui enserre notre vie, pour écraser l’inanité de ma vie ici. Mais au moment où l’avion a atterri à Paris, j’ai découvert que le rêve, c’était mon pays, le Liban, et que c’est le plus beau des rêves.

Dans chaque rue que je traverse, j’entends un mot qui me rappelle les bons vieux jours. Et chaque voix qui résonne me parle de mon pays. Quand je mange toute seule, je pense à la table qui nous rassemblait, ma famille et moi, chaque soir. Je pense à la voix fragile de ma mère lorsque le déjeuner est servi et au câlin chaleureux de papa à mon retour de l’école.

Quand je regarde la lune, je songe au Liban. Quand j’attends le métro, je pense aux balades que je faisais au coucher du soleil à Manara. Quand je mange des croissants, je rêve d’une mankouché jebné et de sa senteur euphorique. Quand je regarde des gens valser, je pense à l’image de ma famille dansant en écoutant la mélodie paradisiaque de Fayrouz. Quand je lis Sartre, je pense à Gebran Khalil Gebran. Quand je déambule à Paris, je songe aux rues étroites de Hamra avec la grâce de ses petits cafés. Quand je bois un café au lait, je pense à ces Libanais qui boivent du café noir en ajustant la rakwé si délicatement.

Être libanais, c’est vrai, c’est un casse-tête. C’est un métier et c’est une vocation. Un défi et une bataille entre la raison et le cœur. Le cœur qui résonne comme la voix d’un ami disant qu’il n’y a pas plus beau que la plaisance de la vie libanaise, et la raison qui veut juste grimper au sommet du succès.

Être libanais, c’est être déraciné et chercher des miettes de son pays dans tous les coins du globe, Paris, Montréal, Barcelone, Milan, Londres.

Être libanais, c’est quitter la terre où l’on a semé les graines qui ont construit la personne qu’on est aujourd’hui. C’est vivre dans un pays étranger où rien ne console de cette séparation morose. C’est rêver de ces jeux d’enfance dans la pauvreté et dans la joie. C’est penser à ces jours où vivre de peu nous suffisait, où on dormait apaisé sous le clair de lune et se réveillait apaisé à l’aube.

C’est s’épuiser de ce pincement au cœur que l’on ressent quand l’avion décolle.

Être libanais, c’est rêver de son retour avant même de partir, du retour à toutes ces coutumes libanaises, à la cuisine de nos grands-parents, à leur tendresse et à leur amour, à l’allégresse de la vie libanaise.

C’est quitter son pays sans vraiment le quitter, avec la foi aveugle qu’en dehors d’ici, on va s’armer de la seule chose qui ne pourra jamais nous être dérobée : notre éducation. On voyage pour construire quelque chose que notre pays a détruit. Pour apprendre de zéro, à vivre et à être. On voyage pour respirer, pour flotter, pour gagner. Pour gagner la vie, pour gagner de la vie.

Mais par-dessus tout, voyager, c’est aussi savoir, au-delà de l’ombre du doute, que nous emporterons une pièce de notre pays partout où nous irons, partout où la vie nous emmènera.

Car finalement, « que deviendraient les feuilles sans les racines ? » L’homme, lui, est comme un arbre. Sans ses racines, il meurt.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

J’ai toujours rêvé de voyage, d’un chemin quelconque pour sortir de ce pêle-mêle qui enserre notre vie, pour écraser l’inanité de ma vie ici. Mais au moment où l’avion a atterri à Paris, j’ai découvert que le rêve, c’était mon pays, le Liban, et que c’est le plus beau des rêves. Dans chaque rue que je traverse, j’entends un mot qui me rappelle les bons vieux jours. Et...
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