
Le chef des Forces libanaises Samir Geagea lors d'un entretien à la chaîne al-Jadeed, le 24 avril 2023. Photo Twitter/@DrSamirGeagea
Le chef des Forces libanaises (FL) Samir Geagea a accusé la France de soutenir le candidat du Hezbollah à la présidentielle au Liban, Sleiman Frangié, pour servir ses "intérêts communs" avec le parti chiite pro-iranien. "La France mène une bataille pour faire parvenir Sleiman Frangié à la tête de l'Etat parce qu'elle a des intérêts communs avec le Hezbollah, notamment concernant les ports de Beyrouth et de Tripoli et dans d'autres affaires", a lancé le chef des FL dans un entretien fleuve dimanche à la chaîne al-Jadeed.
Plusieurs groupes français sont impliqués dans de gros dossiers relatifs aux infrastructures libanaises. En 2022, l'armateur français et géant des transports CMA CGM avait remporté le contrat de gestion du terminal de containers port de Beyrouth. En outre, le géant français TotalEnergies fait partie du consortium chargé de l’exploitation du gaz offshore libanais dans les blocs n° 4 et n° 9, aux côtés de l’italien Eni et de QatarEnergy.
"Le Hezbollah est celui qui collabore le plus avec les ambassades", a poursuivi le leader chrétien, alors que le parti chiite pointe souvent du doigt la collaboration entre la rue et les politiques libanais et les ambassades.
L'ambassadrice française "Anne Grillo m'a dit de façon claire que son pays estime que la solution (à la crise politique) est d’élire Sleiman Frangié, et je lui ai dit que nous ne soutenons pas cette proposition", a-t-il dit.
Nombre d 'observateurs estiment que la France fait la promotion d’un troc entre l’élection du leader du courant zghortiote des Marada à la présidence de la République et la nomination de Nawaf Salam, ancien ambassadeur du Liban à l’ONU et actuel juge à la Cour internationale de justice, pour former le premier gouvernement du prochain sexennat.
Ces informations ont été démenties par Paris, dont la diplomatie a affirmé mercredi dernier "ne pas avoir de candidat au Liban". De son côté, le candidat de l'opposition Michel Moawad n'a pas obtenu assez de voix lors des séances parlementaires tenues tenues depuis la fin du mandat de l'ex-président Michel Aoun en octobre.
M. Geagea a ajouté : "Le fait que la France soit liée au candidat du Hezbollah ne reflète pas sa véritable identité en tant que pays qui protège la démocratie et les droits de l'homme". Selon lui, "il n'y a pas de changement au niveau de la position de l'Arabie saoudite ni de flexibilité américaine concernant l'élection de Sleiman Frangié", estimant que "si ce dernier est élu, les portes des pays arabes se fermeront davantage devant le Liban".
"Pas de percée prochaine"
"Il n'y aura pas de percée prochaine dans la présidentielle", a par ailleurs estimé le chef des FL, pointant du doigt des propos du secrétaire général adjoint du Hezbollah Naïm Kassem prononcés la veille. "L'équation du Hezbollah est claire : c'est soit son candidat, soit le vide, ce que nous refusons", a-t-il dénoncé.
Dimanche, le cheikh Kassem avait indiqué, dans un tweet, que "Sleiman Frangié bénéficie d'un bon nombre de voix parlementaires". Pour lui, "le pays est face à deux candidats : l'un d'eux est sérieux, l'autre c'est le vide (...) toutes les données sur la scène locale et les développements régionaux ne présagent pas d'un changement"
Rebondissant sur ces propos, Samir Geagea a affirmé que "les concertations se poursuivent loin des projecteurs avec toutes les parties de l'opposition". "Si Nabih Berry convoque le Parlement à une séance électorale, nous y assisterons sauf si le candidat de la Moumanaa (axe pro-iranien au Liban) peut gagner. Nous sommes capables (de provoquer un défaut de quorum) sans le groupe parlementaire du Liban fort" (aouniste), a-t-il encore souligné.
Les FL ont 19 députés au Parlement, le Courant patriotique libre (CPL de Gebran Bassil) 17. Le quorum requis pour tenir une séance parlementaire électorale est de 86 députés sur 128 pour le premier tour, et 64 pour les suivants. Le chef du Parlement, Nabih Berry, estime toutefois que chaque premier vote lors d'une nouvelle séance constitue un nouveau tour et requiert donc la présence de 86 parlementaires.
Dialogue avec Frangié et Bassil
En ce qui concerne des possibilités de dialogue avec les autres chefs de file chrétiens, M. Geagea a indiqué que "les FL avaient discuté avec Sleiman Frangié du changement de ses positions lorsqu'elles s'étaient rapprochées des Marada, mais il avait refusé et nous nous sommes éloignés de nouveau après que nous avions perdu espoir".
Au sujet d'une entente avec le chef du CPL, M. Geagea a affirmé que "cela est impossible sauf s'il décide de voter pour notre candidat", estimant que M. Bassil attend que "le Hezbollah abandonne la candidature de Sleiman Frangié et se retrouve contraint à communiquer avec lui afin de trouver un candidat qui répond à ses intérêts". Il a encore déclaré être prêt à "communiquer avec tout le monde à l'exception du Hezbollah", alors que M. Bassil avait tenté de jouer sur la fibre chrétienne et de tendre la main au leader des FL pour faire front face à la candidature de M. Frangié.
Le chef maronite a également nié que les FL aient un veto sur Jihad Azour, directeur régional du Fonds monétaire international (FMI) pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, dont le nom circule en tant que candidat officieux à la présidentielle. "Les FL n'ont de veto que contre les candidats de la Moumanaa", a-t-il clarifié en rappelant que son parti votera en faveur du commandant en chef de l'armée Joseph Aoun s'il a des chances de l'emporter, déplorant que le CPL ne le soutienne pas.
Questions locales et régionales
M. Geagea est aussi revenu sur la prolongation d'un an du mandat des conseils municipaux par le Parlement libanais, lors d'une séance boycottée notamment par les FL, les Kataëb, des députés indépendants et de l'opposition. "Le chef du gouvernement voulait organiser le scrutin, mais le tandem chiite Amal-Hezbollah et le CPL n'en voulaient pas", a-t-il fustigé, alors que plusieurs observateurs estiment que ces partis, en perte de popularité, ont intérêt que cette échéance soit ajournée.
Le leader chrétien a également soulevé "la grande nécessité de nommer un nouveau gouverneur de la Banque du Liban" en soulignant que le gouvernement est "à même de le faire", à l'approche de la fin du mandat de Riad Salamé en juillet. "Si (l'ancien ministre du Travail) Camille Abousleiman veut occuper ce poste, je trouve qu'il est à même d'effectuer un changement, mais je ne le lui demande pas", a-t-il ajouté.
Au sujet du rétablissement des liens diplomatiques entre Riyad et Téhéran, M. Geagea a estimé que "les décisions et les mesures prises depuis l'accord-cadre entre l'Arabie saoudite et l'Iran à Pékin sont dans l'intérêt de l'Arabie, notamment au Yémen".
Il a également commenté les efforts de normalisation arabes avec le régime du président syrien Bachar el-Assad, au moment où plusieurs observateurs estiment que Damas pourrait réintégrer la Ligue arabe.
"Le président syrien ne sera pas présent au sommet de la Ligue arabe à Riyad et sera représenté par son chef de la diplomatie en tant qu'observateur", a indiqué M. Geagea, estimant que "tous les efforts déployés en ce sens sont vains". "Je ne suis pas en faveur d'un rapprochement avec Bachar el-Assad parce qu'il est, à mon sens, un cadavre (politique) à la tête du régime syrien et qu'il ne peut rien faire", a-t-il critiqué.
commentaires (19)
Macron n a pas d amis , rien que des intérêts , il est la plus grande déception présidentielle qui puisse exister de l histoire de la république Française .
Robert Moumdjian
05 h 55, le 27 avril 2023