Emmanuel Macron est le seul dirigeant de premier plan à avoir foulé le sol libanais au cours de ces trois dernières années. Cela donne la mesure de l’isolement diplomatique du pays du Cèdre et du fait que la France est probablement la seule puissance à encore essayer de l’en sortir. Les Libanais peuvent lui en être sincèrement reconnaissants. Mais cela n’excuse pas tout.
Depuis sa double visite après l’explosion au port de Beyrouth, Emmanuel Macron a mené ici une politique parfois incohérente, souvent illisible. Celle-ci n’a pas donné les résultats espérés et a au contraire fragilisé l’image de la France auprès de ses principaux alliés et relais d’influence dans le pays, donnant même du grain à moudre à toute sorte de théories.
Au départ, la logique française pouvait se défendre. Il fallait remettre le pays sur les rails au plus vite et pousser, pour cela, la classe politique à entreprendre les réformes nécessaires. Paris était prêt à faire tout un tas de compromis pour éviter le vide institutionnel et l’effondrement complet du dernier pays dans lequel il peut encore se targuer d’avoir une influence au Moyen-Orient.
Près de trois ans plus tard, aucune réforme n’a été mise en œuvre, le Liban continue de se déliter et rien ne permet de penser que la situation va s’améliorer à court et moyen terme. Malgré cela, Paris n’a toujours pas changé de logiciel. Pire, au nom du sacro-saint « réalisme », il appuie désormais ouvertement la candidature de Sleiman Frangié à la présidence de la République. Le leader des Marada était convié vendredi dans la capitale française pour offrir des garanties à l’Arabie saoudite qui constitue aujourd’hui le principal obstacle à son arrivée à Baabda.
Mais comment Emmanuel Macron, qui appelait encore en décembre dernier les Libanais à « changer de leadership » et à « dégager les responsables politiques qui bloquent les réformes », a pu se retrouver dans la situation de celui qui doit « vendre » le candidat du Hezbollah aux Saoudiens et à une large partie du spectre politique libanais ? Comment ses plus proches conseillers, anciens ambassadeurs au Liban, ont-ils pu le convaincre que c’était là la meilleure façon d’aborder le dossier présidentiel ?
La France veut éviter à tout prix que la vacance présidentielle ne se prolonge. Elle estime par ailleurs que pour permettre l’arrivée de Nawaf Salam (candidat réformateur) au poste de Premier ministre, il est nécessaire de faire des concessions au Hezbollah. Sleiman Frangié est perçu comme une concession raisonnable pour au moins deux raisons. Premièrement, il est attaché au fait que le Liban entretienne de bonnes relations avec les pays arabes. Deuxièmement, et contrairement à Michel Aoun, il connaît son poids et ses limites. Autrement dit, il ne risque pas, par exemple, de paralyser la formation du gouvernement pendant des mois pour obtenir une plus grande part du gâteau.
Tout ce raisonnement pouvait justifier que la France envisage cette hypothèse. Mais pas qu’elle s’y accroche, en dépit des nombreux blocages, et fasse ainsi le jeu du Hezbollah. Le parti de Hassan Nasrallah, qui avait ouvert plusieurs fois la porte au compromis, peut ainsi se sentir renforcé dans sa position et être moins enclin à céder du terrain.
Bien sûr, aucun président ne peut arriver à Baabda sans l’aval de la formation pro-iranienne. Il ne s’agit pas de tenter de l’outrepasser, mais de négocier dans une position de force comme tente de le faire actuellement le royaume saoudien. En faisant le contraire, la France réduit la possibilité de changer l’équation libanaise et de permettre l’arrivée d’un président « neutre » et d’un Premier ministre réformateur.
Sleiman Frangié est un homme de parole avec qui il est possible de dialoguer. Il est probablement sincère dans sa volonté de donner des garanties (réformes, pas de tiers de blocages, stratégie de défense nationale) aux Saoudiens. Mais cela ne suffit pas. Sa candidature pose plusieurs problématiques de taille, notamment son positionnement géopolitique, son amitié avec Bachar el-Assad, son manque de connaissances des dossiers économiques et le fait qu’il ne soit soutenu par aucun des deux grands partis chrétiens. Symboliquement, l’élection du zaïm de Zghorta pourrait être perçue comme le signe de la perte d’influence des chrétiens à un moment où les thèses fédéralistes sont de plus en plus en vogue au sein de cette communauté. Elle aurait également un goût amer pour une large partie de la jeunesse, près de quatre ans après le soulèvement d’octobre 2019. La France semble miser sur le rapprochement saoudo-iranien pour avaliser cette candidature. Mais qui sait comment les choses vont évoluer dans la région et comment Sleiman Frangié réagira en cas, par exemple, d’escalade israélo-iranienne ? Qui est prêt à prendre le risque ?
Le Liban est aujourd’hui bloqué entre deux veto : celui du Hezbollah (et de l’Iran) et celui du royaume saoudien. Le premier peut (une nouvelle fois) paralyser le pays pendant des années pour parvenir à ses fins. Le second ne fera rien pour aider le Liban si la situation n’évolue pas dans la direction où il l’entend. Le premier peut faire mal, le second peut alléger les souffrances.
Personne ne souhaite évidemment que la vacance perdure, mais l’on sait tous ce qui adviendra si le premier l’emporte une nouvelle fois. Tous, à part Emmanuel Macron apparemment.
Emmanuel Macron est le seul dirigeant de premier plan à avoir foulé le sol libanais au cours de ces trois dernières années. Cela donne la mesure de l’isolement diplomatique du pays du Cèdre et du fait que la France est probablement la seule puissance à encore essayer de l’en sortir. Les Libanais peuvent lui en être sincèrement reconnaissants. Mais cela n’excuse pas tout.Depuis sa...
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Macron n’a rien d’un banquier. Il est l’héritier des instituteurs de la troisième république, qui ont fait une France ouverte sur le monde par la culture. Son père est professeur de Neurologie à l’hôpital déAmiens, gagnant en fin de carrière 6500 euros. Son épouse était professeur de lycée et gagnait 2500 euros. Son frère cadet est cardiologue et sa sœur neurologue et gagnent chacun 8500 euros pour des journées travaillées de10 heures. Ce n’est pas parce s’on est allé une fois au bordel, que l’on est définitivement perdu!
MEROUE Saladun
22 h 28, le 23 mai 2023