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Politique - Décryptage

Tous les chemins ne mènent pas à Damas...

Tous les chemins ne mènent pas à Damas...

Le président syrien, Bachar el-Assad, à Damas, le 19 avril 2021. Photo AFP / Syrian Presidency Facebook page

Depuis que les prémices d’une entente saoudo-syrienne ont commencé à apparaître, les passages frontaliers entre le Liban et la Syrie ont retrouvé la cohue d’avant 2011. Selon des témoins oculaires, les convois de voitures aux vitres fumées se sont multipliés ces derniers temps, dans les deux sens, et le passage que l’on dit militaire réservé aux « personnalités VIP », est redevenu très fréquenté. D’ailleurs, des sources syriennes précisent que les listes de demandes de rendez-vous de la part de personnalités libanaises avec des responsables syriens, notamment le général Ali Mamlouk (le plus haut responsable des services de sécurité syriens), sont devenues très longues.

C’est comme si, soudain, les parties politiques libanaises qui, pendant les années de la guerre en Syrie, avaient choisi d’oublier leurs relations avec les autorités de Damas s’en sont brusquement souvenues et ont décidé de les réchauffer. Plus même, les analyses se multiplient dans les médias pour annoncer une nouvelle entente

syro-saoudienne (similaire à la fameuse S-S des années 2009-2010, qui a pratiquement parrainé le Liban après la visite du roi Abdallah d’Arabie à Damas en octobre de la même année et y a assuré une relative stabilité jusqu’à l’éclatement de la guerre en Syrie à partir de 2011), de nature à favoriser une relance des institutions au Liban.

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Alors que le président syrien Bachar el-Assad est attendu la semaine prochaine à Riyad, les Libanais vivent donc dans l’attente des retombées sur leur pays du rapprochement syro-saoudien. Il y a ceux qui espèrent un retour de l’autorité de Damas au Liban parce que cela arrange leurs intérêts. Il y a aussi ceux qui y sont totalement hostiles et affirment qu’ils s’apprêtent à se ranger dans l’opposition et enfin, il y a ceux qui n’y voient pas d’inconvénient si cette influence peut permettre au Liban de sortir un peu du chaos dans lequel il s’enlise depuis des années.

D’ailleurs, ceux qui appuient la candidature du chef des Marada Sleimane Frangié à la présidence de la République avancent comme argument pour justifier cet appui que dans la prochaine période, le Liban a besoin d’un président proche des autorités syriennes pour pouvoir dialoguer avec elles sur plus d’un dossier commun.

Mais avant de considérer que le retour de l’influence syrienne est une fatalité, voire un souhait régional et international en raison de l’étendue de la faillite interne libanaise, tant sur le plan de politique qu’économique et institutionnel, il faudrait voir s’il est réellement envisagé.

Sur le plan international, rien n’indique en réalité une volonté chez les pays occidentaux de laisser la Syrie retrouver un rôle de premier plan au Liban. Plus encore, des sources diplomatiques occidentales affirment que les États-Unis ne veulent même pas d’un retour syrien sur la scène arabe et ils ont pesé sur certains de leurs alliés dans la région pour qu’ils s’opposent au retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe lorsque ce sujet a été évoqué au cours de la réunion qui s’est tenue en Arabie la semaine dernière. L’opposition de pays comme le Maroc, le Qatar et même l’Égypte est importante car, selon les règlements de la Ligue, ce genre de décision devrait être pris à l’unanimité des membres. Jusqu’à nouvel ordre, la Syrie ne devrait donc pas participer au prochain sommet arabe qui doit se tenir à Riyad, dans la seconde moitié du mois de mai. Mais cela ne devrait pas empêcher le président syrien de s’y rendre dans le cadre d’une visite officielle pour rétablir solennellement les relations entre les deux pays.

De même, pour pouvoir jouer un rôle déterminant au Liban, la Syrie devrait avoir retrouvé sa stabilité. Or, s’il est certain que la guerre qui a commencé en 2011 tire désormais à sa fin, le processus de rapprochement entre Ankara et Damas sous l’égide de Moscou a été entravé (là aussi certains voient la patte des Américains). Ce qui compromet l’adoption d’une solution définitive dans le nord de la Syrie et empêche le rétablissement de l’autorité du régime sur l’ensemble du territoire national, au profit du maintien de zones de tension dans le pays.

Sur le plan arabe, de nombreux pays ont renoué avec Damas ou sont en train de le faire. Mais on ne peut pas encore parler d’un retour en force de la Syrie sur la scène régionale. Le processus peut prendre encore du temps et beaucoup de facteurs peuvent aussi interférer et l’entraver.

Sur le plan des relations bilatérales, des sources libanaises proches de la Syrie affirment que les autorités de Damas ne souhaitent pas revenir en force au Liban. Leurs priorités sont pour l’instant de tourner la page de la guerre interne et de se concentrer sur la reconstruction du pays pour pouvoir ensuite gérer le retour des déplacés syriens. Comme l’Occident continue de bloquer l’arrivée des aides internationales, le processus de retour n’est pas facile, selon ces sources, et de nombreux déplacés confient aux représentants des ONG internationales qu’ils préfèrent ne pas rentrer en Syrie tant qu’il n’y a pas de reconstruction ni de possibilités d’emplois. D’ailleurs, une des raisons de l’empressement syrien à rétablir les relations avec l’Arabie saoudite et les pays qui évoluent dans son orbite, c’est justement le souci d’obtenir des fonds pour la reconstruction du pays. Avant d’avoir réglé ces problèmes, la Syrie ne serait donc pas en mesure de jouer un rôle de premier plan au Liban.

Enfin, sur le plan purement syro-libanais, le régime de Damas est tenu de respecter l’alliance qui le lie au Hezbollah. Ce dernier a en effet joué un rôle déterminant dans les combats sur le terrain en Syrie, aux côtés des forces du régime, avec la bénédiction de Moscou et de Téhéran. Le régime syrien ne peut donc pas passer outre la volonté du Hezbollah dans les dossiers intérieurs libanais. La supériorité de Damas sur les parties libanaises n’est donc plus de mise aujourd’hui. D’ailleurs, ce serait une des raisons du refus des autorités syriennes d’évoquer avec leurs visiteurs libanais le dossier de la présidentielle. En effet, toutes les personnalités libanaises qui ont sondé les intentions ou les préférences du régime syrien à ce sujet ont reçu la même réponse : «Nous n’avons pas de candidat préféré et nous ne voulons pas nous mêler de ce dossier. »

Les Syriens ont peut-être tiré les leçons du passé, mais les Libanais (du moins une partie d’entre eux) ont encore du chemin à faire sur ce sujet et il ne passe visiblement pas par Damas.

Depuis que les prémices d’une entente saoudo-syrienne ont commencé à apparaître, les passages frontaliers entre le Liban et la Syrie ont retrouvé la cohue d’avant 2011. Selon des témoins oculaires, les convois de voitures aux vitres fumées se sont multipliés ces derniers temps, dans les deux sens, et le passage que l’on dit militaire réservé aux « personnalités VIP »,...
commentaires (5)

traitres!

Citoyen lambda

07 h 14, le 22 avril 2023

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Commentaires (5)

  • traitres!

    Citoyen lambda

    07 h 14, le 22 avril 2023

  • Depuis qu'ils existent, et partout dans le monde où cela va mal, "la patte des Américains" maléfique est apparente. - Irène Saïd

    Irene Said

    15 h 22, le 21 avril 2023

  • Pour une fois cet article paraît objectif…. Même si en décryptant , nous aussi, de notre côté, cet article « casse » ( en cachette et indirectement) du FRANJIEH, qui doit faire partie des  «  libanais » qui ont repris ouvertement et officiellement le chemin vers Damas. Casser du franjieh adversaire de Bassil . Mine de rien, la rédactrice ne peut pas s’empêcher de « casser » les adversaires de ses idoles. Mais c’est de bonne guerre cette fois-ci parce que l’article tient la route dans son ensemble et pour une fois, il apporte un « plus et une information «  ca nous change. C’est autre chose que de la propagande usuelle issue « de sources bizarroïdes ». Bel article. ( voyez-vous ? Nous… nous sommes objectifs lorsque vous… vous l’êtes . :) :)

    LE FRANCOPHONE

    15 h 19, le 21 avril 2023

  • Pour ceux qui en doutaient encore cela prouve que les Libanais sont un peuple servile, ils se cherchent toujours un maitre pour les diriger tant que celui-ci assure stabilité et affaires. C’est malheureux mais hélas c’est la vérité et elle n’a pas changé. Quand j’entends que certains préfèrent l’époque honnie de Lahoud à la situation actuelle mes cheveux s’hérissent. Ils oublient que c’est à cause de ces politiques que le Liban tout comme la Syrie et l’Iran d’ailleurs sont des états faillis. On n’entendra jamais un Ukrainien dire qu’il préférait l’URSS car il y avait paix et stabilité ou Un Algérien regretter le temps ou il faisait partie de la France car la situation actuelle est désastreuse pour eux.

    Liban Libre

    13 h 40, le 21 avril 2023

  • Article intéressant ! Cela nous change un peu des précédents.

    Citoyen Lambda

    11 h 45, le 21 avril 2023

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