Les fleurs

Il était une fois une marguerite et une tulipe qui vivaient côte à côte.

- La marguerite à la tulipe : On a pris un coup de down cette semaine. Beaucoup de soleil mais pas d’eau fraîche. On nous arrose avec de l’eau pourrie. On a tellement construit qu’on ne voit plus ni les montagnes ni la mer. Plus de vision pour l’avenir.

- La tulipe : Arrête de te plaindre. On est belles toutes les deux. On est bon chic, bon genre. Ça nous distingue malgré tout.

- La marguerite : Bien sûr, toi, tu es ministre. Tu ne fous rien. Moi, je ne suis qu’ordinaire. C’est vrai que je suis belle, mais ça ne compte plus. Les temps sont durs. On ne remarque plus mes pétales.

- La tulipe : Moi, j’essaye. Mais mon patron ne sait rien faire. Ça fout tout en l’air. On prend des sueurs chaudes.

- La marguerite : Les sueurs froides sont bien pires. Tu n’as point à t’en faire. Nous, les ordinaires, je te l’avoue, on est pétrifiés.

- La tulipe : Ça ira mieux dans dix ans. Je te l’assure. Dix ans, c’est demain. Demain dès l’aube, on part ensemble.

- La marguerite : Trois ans qu’on attend déjà. L’aube dont tu parles se fait attendre.

- La tulipe : Tu regardes trop les nouvelles. Arrête cette sale habitude. Ça nous met la pression. Quand on est ministre, on n’aime pas ça. Ça ne vous servira à rien.

- La marguerite : Tu as raison. Ça ne sert à rien. Mais un jour ou l’autre, on se soulèvera.

- La tulipe : Nous, on n’y est pour rien dans tout ça. Ce sont les autres.

- La marguerite : Les autres, c’est l’enfer. C’est vous les autres.

- La tulipe : L’enfer ? Je ne vois rien de ça. On m’a bien conseillée. Ferme les yeux et les oreilles. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Arrive la fleur de cannabis.

- Le cannabis : Vous m’ennuyez toutes les deux. Vous êtes trop tendues. Je vous donne une bouffée de mon parfum. Vous serez mieux sur Mars, pas dans ce bled. On a trouvé de l’eau, on ne sait pas encore où, mais mon odeur vous y emmènera. Mars, c’est le désert. On est tranquille. Pas de gouvernement, ni de président, ni rien. Pas de télé, pas de réseaux là-bas. C’est l’anesthésie la plus efficace. Après l’alcool. Il nous fait compétition celui-là. Mais c’est l’import. Il se vend cher. Nous, on donne une garantie : la démence. C’est ça « une fleur du mal ».

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