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Lifestyle - Gastronomie

Karim Haïdar : de Beyrouth à Paris, des mots, des mets, des idées

Le parcours de ce juriste reconverti en chef de renommée internationale est à l’image de sa cuisine, inventive, audacieuse et en perpétuelle évolution. Rencontre avec un artiste.

Karim Haïdar : de Beyrouth à Paris, des mots, des mets, des idées

Karim Haïdar, passionné, toujours inspiré et créatif. Photo DR

À quelques minutes de la station de métro Convention, le dernier restaurant de Karim Haïdar, Les Mots et le Ciel, nous accueille avec une large table d’hôte centrale en bois clair. L’ancien juriste a le don du récit, et il revient sur son parcours plein de rebondissements avec distance et humour. « Très jeune, j’adorais traîner dans la cuisine familiale. À l’âge de 4 ans, nous habitions au Sénégal et je pouvais passer deux heures à tranquillement dépiauter de la friture de rouget. J’aimais arranger la table quand mes parents recevaient, et enfant, je voulais être fleuriste, je ne savais pas qu’on pouvait être cuisinier… » se souvient-il avec un sourire, tout en rappelant qu’au lycée, il avait créé une rubrique culinaire dans la revue de l’IC, à Beyrouth.

Agneau et riz aux 5 épices. Photo tirée du compte Instagram @lesmotsetleciel

« J’inventais des recettes et je les publiais, alors que je ne savais rien faire en cuisine. Ce qui me passionnait aussi, c’était le barbecue. J’ai même écrit un livre à ce sujet. » « Nous sommes venus à Paris mon frère et moi pour nos études, et je me suis mis à cuisiner pour nous deux et pour des amis. Faire les courses était magique, alors que le Liban était en pleine guerre, j’ai découvert des produits de qualité chez le boucher, les primeurs… poursuit le gastronome avec ferveur. Je testais des recettes dans notre studio, sur une plaque chauffante dans la salle de bains, en m’inspirant de livres de cuisine, c’était passionnel et fondamental. » Puis Karim Haïdar travaille dans un cabinet d’avocats tout en donnant des cours à l’université.

Les feuilles de vigne sous toutes leurs formes. Photo tirée du compte Instagram @lesmotsetleciel

« J’avais 27 ans et je portais beaucoup sur mes épaules, j’ai fait une sorte de burn out et j’ai décidé de m’installer quelque temps à Marseille, où j’appréciais d’aller au marché de Noailles choisir mon poisson. En 1999, un ami et moi avons alors décidé d’ouvrir un restaurant à Paris, rue Dauphine, que nous avons baptisé L’Automne à Pékin, en référence à Boris Vian, avec, en sous-titre, “Taverne libanaise”. Et là… trou noir : pourquoi ouvrir un restaurant libanais quand on ne maîtrise pas cette cuisine ? » s’interroge celui qui prévoit alors un voyage express à Beyrouth, pour revenir avec quelques recettes en poche.

« Partager ses recettes est essentiel »

Avec humilité, Karim Haïdar reconnaît que ses débuts dans la restauration sont accompagnés de brûlures et de blessures, car il ne maîtrisait pas encore les gestes professionnels de la cuisine. « On me dit que j’ai réinventé la cuisine libanaise, mais il aurait fallu la connaître pour la réinventer ! Le restaurant marchait bien, et ma cuisine, faite à la minute, était appréciée. Un jour on me propose de participer à l’ouverture d’un restaurant libanais à Londres, Fakhreddine, avec 120 places assises. En mars 2003, je m’y installe en famille et je me retrouve avec une équipe de 12 personnes en cuisine, toutes plus talentueuses que moi, qui passais des heures à couper des oignons », constate Haïdar.

Délicieuse fattit batenjen. Photo tirée du compte Instagram @lesmotsetleciel

« La plus belle chose, c’est d’apprendre des autres, et partager ses recettes est essentiel : on ne les perd pas, elles deviennent plus grandes ! À Fakhreddine, je les ai retravaillées, et le succès était immédiat. C’était le premier restaurant libanais d’envergure qui cuisine autrement, dans une ambiance moderne », précise le gastronome. Deux ans plus tard, il participe en parallèle au lancement d’un restaurant libanais moderne à Paris, Liza, puis à un Lebanese Deli, le Comptoir libanais, qui devait être lancé à Londres et dans les pays arabes, et qui fait faillite : il faut rebondir très vite. « En quinze jours, j’ai ouvert à Paris un restaurant libanais de poisson, La Branche de l’olivier. C’est là qu’on a travaillé tous les nouveaux genres de kebbé : à la lotte et aux olives, aux gambas et au safran, au thon et à la pistache… J’ai ensuite lancé un bistrot à champagne, Coin bulles. On servait beaucoup de coquillages, de la charcuterie, des frites avec mayonnaise à la truffe, un artichaut avec vinaigrette au champagne », enchaîne l’infatigable amoureux des saveurs et des espaces insolites. « On a imaginé des cocktails au champagne, avec les noms de tous les enfants des associés. Celui de mon cadet, Camille, était très prisé, un mojito basilic champagne. Puis j’ai proposé de faire des pichets de champagne, on avait environ 70 références. Notre clientèle, essentiellement féminine, en consommait en moyenne 3 carafes. »

Sayyadiyé de bar. Photo tirée du compte Instagram @lesmotsetleciel

De Zaitounay Bay à Paris

Lorsque Karim Haïdar évoque le début des années 2010, il reconnaît qu’il a manqué de discernement lorsqu’on lui a proposé de lancer un restaurant gastronomique au Liban. « On m’a présenté une personne chargée du projet et je lui ai fait confiance. En même temps, je participais à l’ouverture d’un restaurant à Dubaï, je vivais entre Londres, Beyrouth et Paris, où était restée ma famille, et je gérais plus de 120 salariés », constate sobrement Haïdar, qui a ouvert Zabad (l’écume) en 2012. Si les débuts sont prometteurs, l’interdiction pour les gens du Golfe de venir à Beyrouth sonne le glas du projet : la faillite est retentissante. « Dans un premier temps, j’avais prévu des menus gastronomiques de dégustation, mais ce n’était pas adapté. Puis j’ai proposé une cuisine libanaise moderne, type bistrot. Mais j’ai reçu un certain nombre de coups de poignard dans le dos », poursuit celui qui a accusé coup sur coup une faillite au Liban et un projet avorté à Dubaï.

Katayef assafiri farcis de achta et pistache. Photo DR

De retour à Paris, il constate que ses restaurants sont mal tenus, les pertes sont colossales et il y a obligation de vendre. En parallèle, un divorce. La période est compliquée, Karim Haïdar prépare avec Andrée Maalouf un deuxième livre de cuisine libanaise, Saveurs libanaises (paru en 2015 aux éditions Albin Michel), après Cuisine libanaise d’hier et aujourd’hui (2008, toujours chez Albin Michel); à la même époque, le chef sort un livre-disque pour enfants, Contes à croquer. Il anime des émissions culinaires et fonde une académie de cuisine du monde arabe, tout en étant traiteur. Il travaille aussi sur le projet d’un bistrot moderne libanais, Askini, à Paris et au Maroc.

« Le Covid a mis fin à ma folie des grandeurs, alors que tout était prêt. Une de mes associés me parle alors des étudiants libanais en grande difficulté économique, et je propose de faire des repas pour 104 personnes, chez moi. Le soir même, j’ouvre toutes les fenêtres pour garder les mets au frais… En les livrant, je prends conscience de l’ampleur du problème et on lance une campagne de levée de fonds. Je contacte le cuisinier Hassan Issa avec qui je travaillais chez Liza et lui propose de participer au projet, en travaillant dans la cuisine de son restaurant du 15e », raconte le chef qui redécouvre ainsi son plaisir de cuisiner. « Puis on a décidé de transformer son local en petit resto haut de gamme, Les Mots et le Ciel. Il y a 15 places, une belle carte des vins et des plats qui changent tous les jours. On fait traiteur, table d’hôte et épicerie fine, avec des produits maison, comme des feuilles de vigne à la viande, des daoud bacha, du awerma, du makdous… La table est privative le soir, et à midi, on sert des plats traditionnels : warak enab, arnabiyé, kebbé be laban, adsiyé… On s’assoit autour de la grande table, et on peut consulter les livres à disposition. On propose aussi des ateliers de cuisine et des formations pour des professionnels », explique Karim Haïdar, dont l’établissement est dans les premiers recommandés par le guide Fooding. L’ouverture d’un bistrot libanais moderne est prévue pour septembre. « On proposera des plats à partager, type mezzés revisités, avec de belles assiettes travaillées, des produits de qualité et une ambiance qui plaira à mes enfants. On garde nos saveurs et on les repositionne de manière agréable. Les gens viendront parce que l’endroit est sympa, et au passage, c’est libanais », conclut le gastronome volubile et passionné.

À quelques minutes de la station de métro Convention, le dernier restaurant de Karim Haïdar, Les Mots et le Ciel, nous accueille avec une large table d’hôte centrale en bois clair. L’ancien juriste a le don du récit, et il revient sur son parcours plein de rebondissements avec distance et humour. « Très jeune, j’adorais traîner dans la cuisine familiale. À l’âge de 4 ans,...

commentaires (2)

Hâte d'y aller: 81 rue Olivier de Serres 75015 Paris 06 73 96 71 46

Lilou BOISSÉ

18 h 55, le 14 mars 2023

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Commentaires (2)

  • Hâte d'y aller: 81 rue Olivier de Serres 75015 Paris 06 73 96 71 46

    Lilou BOISSÉ

    18 h 55, le 14 mars 2023

  • Vous nous avez mis l'eau à la bouche!

    Kinge Samy

    17 h 00, le 13 mars 2023

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