
Le chef du Courant patriotique libre (CPL) Gebran Bassil lors d'une conférence de presse à Sin el-Fil, le 6 septembre 2022. Photo d'archives Tayyar.org
Le chef du Courant patriotique libre (CPL, aouniste), Gebran Bassil, a implicitement répondu samedi à son allié chiite, le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah, qui avait mis en garde jeudi contre le "chaos" au Liban en faisant assumer la responsabilité de toute déstabilisation aux Etats-Unis, alors que le pays a connu dernièrement des incidents sécuritaires sur fond de crise économique et politique. M. Bassil a, dans ce contexte, refusé d'élire un président sous la pression.
"Que personne ne nous menace de chaos ou de sanctions", a ainsi prévenu M. Bassil, lui-même considéré comme prétendant à la présidence, et déjà sanctionné par les Etats-Unis qui l'accusent de corruption. Le Hezbollah soutient officieusement la candidature de son autre allié chrétien, le chef des Marada, Sleiman Frangié, une option à laquelle s'oppose de manière virulente Gebran Bassil.
Le chef du CPL a par ailleurs de nouveau exprimé son refus de participer à une séance législative du Parlement à l'ombre de la vacance à la présidence.
Choisir un président "avec conviction"
"Que personne ne nous menace de chaos ou de sanctions (...), ni de vacance, ni avec le gouvernement et le Parlement", a lancé M. Bassil lors d'une conférence de presse, alors que ses rapports avec l’écrasante majorité des protagonistes politiques, y compris son allié le Hezbollah, sont en dents de scie. "Le chef de l'Etat, nous le choisirons avec conviction, et personne ne pourra nous l'imposer", a-t-il insisté, affirmant qu'"un président élu sur fond de chaos est comme un président élu avec l'aide des chars israéliens". Il faisait ainsi référence aux accusations du Hezbollah qui critique régulièrement l'élection du président Bachir Gemayel en 1982 pendant l'invasion israélienne du Liban.
Jeudi, le chef du Hezbollah, qui a reconnu que "l'entente (avec le CPL) est dans une phase délicate", a haussé le ton contre Washington. "Si les Américains planifient d’instaurer le chaos pour aboutir à l’effondrement du Liban, je leur dis : Vous allez tout perdre au Liban. Nous utiliserons nos armes là où cela vous fera mal, même si cela aboutira à une guerre contre Israël. Vous devriez vous attendre à un chaos dans toute la région", a-t-il dit. Il a également appelé à une "entente intérieure" pour l'élection d'un chef de l'Etat et affirmé qu'il n'y avait "rien de nouveau" sur ce plan.
Selon certains analystes, les menaces de Hassan Nasrallah contre Washington ont fait monter les enchères pour mieux se préparer à la période à venir et à un compromis qui serait actuellement en gestation dans les coulisses de la diplomatie internationale.
"Corrompu"
Le chef du CPL a ensuite critiqué ses adversaires, toujours sans les nommer. "Ils veulent instaurer des réformes, mais ils veulent se réunir et élire un chef de l'Etat corrompu, un chef de gouvernement corrompu et un gouverneur de la Banque du Liban encore plus corrompu. Et ils se fâchent si on leur dit non!", a-t-il affirmé.
Prenant la parole lors de l'Assemblée générale de la jeunesse aouniste, l'ex-président Michel Aoun, fondateur du CPL, a lui aussi critiqué le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé. "Je mets en garde tous les responsables qui œuvrent pour un renouvellement du mandat du gouverneur de la BDL : cela mettra fin au Liban et constituera le dernier coup qui le fera définitivement tomber", a-t-il prévenu, alors que la fin du mandat de M. Salamé, qui fait l'objet d'enquêtes libanaises et internationales pour soupçons de corruption, est prévue pour juillet 2023.
Les députés libanais ont échoué, à l'issue de onze séances parlementaires depuis septembre, à élire un nouveau chef de l'Etat, faute d'accord politique. Outre le nom de Sleiman Frangié comme candidat, celui du chef de l'armée, le général Joseph Aoun, est avancé aussi dans certains milieux diplomatiques et libanais, ce que M. Bassil refuse.
Côté Hezbollah, on ne ferme désormais plus la porte à une élection du général Aoun si elle était le fruit d’un accord, comme l’a affirmé début janvier depuis le siège patriarcal maronite de Bkerké Ibrahim Amine el-Sayed, haut responsable du parti chiite. Le Hezbollah voudrait toutefois épuiser toutes les possibilités de faire élire M. Frangié avant d'envisager tout autre candidat, selon plusieurs analystes.
La semaine dernière, une réunion a groupé à Paris des représentants de l'Égypte, de la France, des Etats-Unis, du Qatar et de l'Arabie saoudite sur le profil du candidat idéal à la présidentielle au Liban, sa ligne politique et sa feuille de route économique et financière. Aucun communiqué officiel n'a été publié après cette réunion, et les protagonistes affirment que d'autres réunions devraient avoir lieu.
Séance parlementaire
Au sujet de la séance parlementaire à laquelle pourrait convoquer le chef du Parlement Nabih Berry, malgré la vacance à la présidence, M. Bassil a souligné : "J'ai clairement affirmé, dès le début, que nous ne participerons à aucune séance législative en l'absence d'un président, sauf si l'ordre du jour est d'une grande urgence, de l'intérêt suprême de l'Etat, ou nécessaire et exceptionnel". "J'ai formulé une position de principe que je me suis engagé à respecter. J'ai refusé toutes les lois proposées", a-t-il indiqué.
L’initiative du chef du Législatif a suscité une levée de boucliers des partis chrétiens, mais aussi d'une grande partie de l'opposition et de députés indépendants qui refusent pour la plupart le principe de légiférer avant d’élire un chef de l’Etat. La réunion parlementaire viserait à adopter, entre autres, un texte de loi permettant de proroger le mandat de dirigeants sécuritaires, dont certains sont mis en cause dans le cadre de l'explosion meurtrière au port de Beyrouth en 2020, tels les directeurs de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, et de la Sécurité de l’État, Tony Saliba. De sources concordantes, on estime que M. Bassil exigerait, pour prendre part à la séance, que certains hauts fonctionnaires civils qui gravitent dans l'orbite du camp aouniste soient eux aussi maintenus à leurs postes, et que le mandat du général Aoun, qui arrive à terme en janvier 2024, ne soit pas prolongé.
"Cela fait un mois qu'on parle dans les médias de demandes, de compromis et de partage de gâteau, afin que je devienne comme eux, mais cela n'est que mensonge", a démenti M. Bassil. "Lorsqu'on m'a parlé du prolongement du mandat du directeur de la Sûreté générale, j'ai affirmé être contre tout prolongement sélectif", a-t-il expliqué. Le chef du CPL a toutefois déclaré être en faveur "d'un prolongement collectif pour (protéger) les indemnités de fin de service de tous les fonctionnaires".
Lundi dernier, une réunion du bureau de la Chambre au cours de laquelle les membres devaient trancher la question de la convocation d’une telle séance a été reportée une semaine pour un complément de discussion. L'Orient-Le Jour a toutefois appris que l’ordre du jour de 80 points suggéré en amont pourrait, dans les prochains jours, être réduit.
Le chef du Courant patriotique libre (CPL, aouniste), Gebran Bassil, a implicitement répondu samedi à son allié chiite, le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah, qui avait mis en garde jeudi contre le "chaos" au Liban en faisant assumer la responsabilité de toute déstabilisation aux Etats-Unis, alors que le pays a connu dernièrement des incidents sécuritaires sur fond...
commentaires (27)
Mais vous êtes gebrano la personnification même du chaos
Robert Moumdjian
04 h 59, le 21 février 2023