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Nos Lecteurs ont la Parole

Comment changer les opinions au Liban ?

Au Liban, nous sommes les otages de dirigeants manipulateurs qui ont plongé le pays dans l’abîme le plus profond. Bizarrement, une grande partie de la population libanaise persiste à faire preuve d’une naïveté inouïe en accordant sa confiance aux politiciens qui sont les artisans de leurs propres malheurs et misères. Tels des créatures ensorcelées, les partisans fidèles ne songent jamais de remettre en question les opinions et les échecs de leurs dirigeants. Mais comment diable ces politiciens sans scrupules ont-ils réussi à envoûter de nombreuses personnes de la sorte ?

La réponse est simple : à travers leur puissante propagande et leur discours manipulateur, les dirigeants veulent faire croire que leur vision est la seule viable et que toute opposition est vaine. En polémistes virulents, ils sont passés maîtres dans l’art d’exalter la flamme intérieure des suiveurs crédules en utilisant des vocabulaires éculés, enrobés de promesses et de flatteries. Aussi, ils manipulent les médias de masse en utilisant des techniques de lavage de cerveau extrêmement efficaces, qui sont basées sur des principes psychologiques solides et sordides. Spécifiquement, ils fondent leurs arguments sur des considérations émotionnelles, tels que la peur, la colère ou l’espoir, pour nous toucher au plus profond de nous-mêmes. Ils savent que nos émotions sont plus fortes que notre raison et qu’elles ont plus de poids dans les décisions que nous prenons. En outre, ils présentent les informations de manière biaisée ou partiale pour contrôler ce que nous voyons et ce que nous entendons. De surcroît, ils utilisent des techniques de répétition, qui visent à ancrer solidement leurs messages subtils et imperceptibles dans notre mémoire collective pour qu’ils deviennent éventuellement une vérité incontestée dans notre subconscient.

Force aussi est de constater que les opinions au Liban sont fortement influencées par un sectarisme aigu. D’ailleurs, il ne faut pas oublier que l’esprit de clan est profondément ancré dans les mœurs au Liban depuis des siècles et des siècles. Il façonne étroitement les esprits et entraîne dans son sillage une fragmentation de la société. C’est dans ce contexte de terre fertile qu’a pu proliférer le concept d’un chef de clan (un zaïm) au sein de chaque communauté libanaise. Comme des larbins en transe, les partisans vouent à leur zaïm une loyauté sans faille. Son influence est particulièrement prononcée lors des élections parlementaires. En contrepartie des suffrages, le zaïm prétend que lui seul peut défendre farouchement les privilèges de sa communauté. Dans une Conférence du Cénacle, en 1948, l’ancien président de la République Alfred Naccache énonce les propos suivants sur cette pratique archaïque de chef de clan et ses implications négatives sur le processus électoral au Liban (Pierre Rondot – Les structures sociopolitiques de la nation libanaise, Revue française de science politique, 1954, 4-1, pp. 80-104) : « Le chef, ou zaïm, de la région est aveuglément obéi de ceux de son clan qui forment la majorité des électeurs de la circonscription. Par voie de conséquence, c’est lui qui décide du choix de ses colistiers. Son omnipotence apparaît surtout dans les ultimes tractations en vue de la formation définitive de la liste. Il détermine les conditions auxquelles les candidats peuvent y figurer, fixe les sommes que ceux-ci devront lui verser et dont nul n’ignore l’importance, entre en pourparlers avec le gouvernement pour tirer de sa position privilégiée le maximum d’avantages contre certaines concessions électorales, telles que l’admission sur la liste d’un candidat officiel. C’est un marché où l’intérêt public est délibérément sacrifié… l’élection devient une simple formalité administrative. »

Cet esprit de clan au Liban signifie que l’intérêt communautaire et religieux est prépondérant, tandis que l’intérêt national est subordonné et ponctuel. Ce phénomène nuisible rend le pays ingouvernable. Chaque décision politique est donc minutieusement examinée pendant une période excessivement longue par des dirigeants sans scrupules qui n’hésitent pas à tenir le pays en otage, peu importe les conséquences sociales et économiques. Entre parenthèses, ce problème a été considérablement amplifié dans la foulée de l’accord de Taëf signé le 22 octobre 1989.

Mais comment donc briser les chaînes de ce cercle vicieux qui consiste à tomber sous l’envoûtement de politiciens véreux ? Les expériences psychologiques ont démontré que la tentation de persuader les gens de changer d’opinion est souvent inefficace, quels que soient le bien-fondé et la logique de notre argumentation. Il y a quelques décennies, les psychologues ont développé une technique appelée entretien motivationnel pour traiter les problèmes de toxicomanie. Le principe général est le suivant : plutôt que de forcer les personnes à se libérer de leur addiction par la force de la persuasion, il est préférable de les guider pour qu’elles découvrent, par elles-mêmes, le chemin de la guérison. Autrement dit, le changement libérateur doit se faire de manière intrinsèque, graduelle et subtile. Il faut donc donner aux neurones du cerveau humain le temps de s’adapter et de concevoir les choses sous un autre angle, et cela dans un environnement calme et serein.

Sous cette perspective, l’éducation libérale est salvatrice, car elle brise les chaînes de l’ignorance. Spécifiquement, elle est porteuse d’une culture intelligente qui permet aux personnes de distinguer le vrai du faux, de développer leur pensée critique et de remettre en question leurs propres croyances. C’est donc en développant sainement et patiemment les esprits des âmes précoces que nous pourrions éventuellement changer les opinions et ainsi aspirer à une société libanaise plus cohérente et plus tolérante. Naturellement, cela prendra du temps. Il est cependant essentiel d’agir de manière avisée et de faire preuve de patience, à moins que nous ne préférions une séparation à l’amiable.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Au Liban, nous sommes les otages de dirigeants manipulateurs qui ont plongé le pays dans l’abîme le plus profond. Bizarrement, une grande partie de la population libanaise persiste à faire preuve d’une naïveté inouïe en accordant sa confiance aux politiciens qui sont les artisans de leurs propres malheurs et misères. Tels des créatures ensorcelées, les partisans fidèles ne songent...

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