
Le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah et l’ancien président, alors chef du CPL, Michel Aoun, lors de la signature de l’accord de Mar Mikhaël en février 2006. Photo d’archives L’OLJ
En dépit des consignes strictes données par le Hezbollah à ses cadres de ne pas répondre aux dernières déclarations du chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, les propos de ce dernier ont été mal accueillis par la direction de ce parti. Certes, au fil des ans et des crises successives qui ont secoué le pays depuis la conclusion de l’accord de Mar Mikhaël le 6 février 2006, le Hezbollah a appris à bien connaître Gebran Bassil et à s’adapter à son côté, selon lui, imprévisible. Dans les milieux proches du CPL, on ne se prive d’ailleurs pas de rappeler que ce côté chez Bassil ressemble aux qualificatifs d’« imprévisible et incontrôlable » attribués au général Michel Aoun dans les rapports diplomatiques américains à la fin des années 80. C’est donc vers Michel Aoun que le Hezbollah se tourne en envoyant jeudi à Rabieh une délégation représentant l’état-major du parti. Le Hezbollah avait pourtant cru avoir neutralisé la colère du chef du CPL, à la suite de la rencontre à Mirna Chalouhi (siège principal du CPL) d’une délégation de haut niveau du Hezb avec Gebran Bassil, dans une tentative d’apaiser les relations entre les deux formations, voire même de les reprendre là où elles étaient restées avant la crise née des réunions du Conseil des ministres en période de vacance présidentielle. Un des principaux points qui avaient été soulevés lors de cette rencontre était la nécessité de garder les différends éventuels entre eux loin des médias pour qu’ils puissent être réglés rapidement, loin de tout tapage et de toute exploitation médiatique et politique. Quelle n’a donc été la surprise du Hezbollah d’entendre le chef du CPL étaler de nouveau, dans un discours télévisé dimanche, les critiques adressées à son allié chiite, qui tournent, selon lui, autour de deux des trois piliers de l’entente de Mar Mikhaël, à savoir le partenariat entre les différentes composantes du pays et l’édification de l’État, le troisième étant la stratégie de défense au sujet de laquelle il n’y a aucun conflit aux yeux de la formation aouniste.
Aussitôt, les réunions d’évaluation des différentes commissions au sein de la direction du Hezbollah se sont multipliées pour tenter d’analyser les propos du chef du CPL et voir s’il y a encore moyen de sauver l’entente de Mar Mikhaël. Selon une première évaluation, apprend-on des milieux du parti, les groupes de réflexion du Hezbollah ont abouti à la conclusion selon laquelle le chef du CPL n’est pas encore convaincu que le choix de Sleiman Frangié pour la présidence de la République est une question stratégique. Bassil croirait donc que le fait que le Hezbollah n’ait pas encore ouvertement annoncé son adoption de la candidature du chef des Marada est le signe qu’il pourrait renoncer à cette option si on lui proposait une alternative crédible. Mais selon des sources proches de la formation chiite, si Bassil croit cela, il se trompe, et le message qu’a voulu lui transmettre le Hezbollah n’a donc pas été bien reçu. En effet, ce parti se considère actuellement en état de guerre, qui ne se traduit pas par des combats militaires, mais par des pressions maximales non seulement sur le parti lui-même, mais sur sa base populaire et sur ses alliés. C’est pourquoi, selon le Hezbollah, en période de guerre, il faut préserver ce qui peut l’être et éviter autant que possible les conflits annexes et tout ce qui pourrait affaiblir ce qu’il appelle « le front interne ». Le chef des Marada n’est peut-être pas la solution idéale pour construire un État moderne, capable de s’occuper de ses citoyens, mais dans cette période particulièrement délicate, aux yeux du Hezbollah, son élection permettrait d’apaiser quelque peu le climat interne du pays et de calmer une partie des fronts internes ouverts par le président Aoun et le CPL au cours des années précédentes.
Du point de vue du Hezbollah, s’il n’annonce pas officiellement qu’il appuie la candidature de Sleiman Frangié, comme il l’avait fait en 2014 avec Michel Aoun, c’est que la situation actuelle est différente de celle qui prévalait à l’époque. D’abord au niveau de la situation générale interne, notamment la composition de l’actuel Parlement et l’impossibilité pour un seul camp d’y avoir la majorité, mais aussi sur le plan de la situation propre au Hezbollah. Celui-ci s’est certes renforcé sur le plan purement militaire et régional, mais il s’est affaibli sur le plan interne, avec les pressions auxquelles est soumise la communauté chiite. Pour le Hezbollah, le CPL et son chef veulent qu’il mène des batailles à leurs côtés, qui sont sûrement justifiées mais qui ne sont pas possibles dans le contexte actuel où la priorité est de préserver ce qui reste des institutions, dans un climat d’effondrement quasi total. Le Hezbollah reproche donc à Bassil de ne pas comprendre les motifs qui le poussent à vouloir Frangié pour président en cette phase, alors que rien n’indique que la politique de pressions maximales sur le Liban pour le pousser à isoler le parti chiite est sur le point de changer. Pour ce parti, la priorité est donc à continuer la bataille, non à en ouvrir de nouvelles. Et pour cela, il s’était porté garant de ne pas nuire au CPL en cas d’élection de Frangié. Il avait même suggéré de solliciter l’aide du président syrien Bachar el-Assad pour convaincre le zaïm de Zghorta.
En dépit de toutes ces promesses, le CPL maintient son veto sur Frangié, et Bassil l’a répété clairement dimanche. Le parti aouniste considère que le Hezbollah ne peut pas imposer son choix, quel qu’il soit, aux chrétiens dans une échéance qui les concerne en premier lieu. Aux yeux du CPL, tout ce qu’on reproche à Bassil, c’est de vouloir une entente autour d’une personnalité en mesure de poursuivre le combat pour l’édification d’un État et de ses institutions. Or, estime le CPL, le Liban ne peut plus continuer comme avant sans entamer une véritable lutte contre la corruption. Si ces divergences peuvent paraître minimes, elles sont en fait très profondes, et les deux formations évoquent pour la première fois la possibilité d’un divorce... à l’amiable. Dans ce contexte, une délégation du Hezbollah est attendue à Rabieh pour la première fois depuis le départ de Michel Aoun de Baabda.
commentaires (18)
Sale couple toxique!!
Wow
21 h 10, le 01 février 2023