
Le chef du CPL, Gebran Bassil. Photo al-Markaziya
D’une pierre plusieurs coups. C’est un discours truffé de piques lancées dans plusieurs directions qu’a livré hier le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, lors d’une intervention télévisée. En l’espace d’une quarantaine de minutes, le leader chrétien a remis sur le tapis son contentieux avec le Hezbollah, après avoir consenti, pendant quelque temps, à calmer le jeu, en accord avec son partenaire chiite. Mais, comme on pouvait s’y attendre, la trêve a fait long feu. Face au parti de Hassan Nasrallah, qui continue de soutenir officieusement la candidature de Sleiman Frangié à la présidence de la République et qui, en cas d’insuccès de cette option, donne des signes de ralliement possible à d’autres noms plus consensuels, comme celui de Joseph Aoun, M. Bassil déterre une fois de plus la hache de guerre et concentre une partie de ses attaques sur le chef de l’armée ; non sans avoir implicitement menacé le Hezb d’une rupture de l’accord de Mar Mikhaël (2006), à l’origine de l’alliance entre les deux formations. Et pour couronner le tout, le chef du CPL fait savoir à son partenaire qu’une persistance de sa part à vouloir imposer un candidat de manière non concertée avec le camp aouniste pourrait inciter Gebran Bassil à franchir en quelque sorte le Rubicon et proclamer officiellement sa propre candidature à la présidence.
Tout dans le comportement de M. Bassil démontrait, depuis des mois, qu’il continue de caresser le rêve soit de parvenir à la première magistrature, soit d’être l’homme fort du nouveau mandat. Alors qu’il n’a cessé de déclarer que le CPL a concocté une liste de personnalités présidentiables – il a de nouveau réitéré l’idée hier –, aucun nom n’a jamais été divulgué publiquement à ce jour par le parti orange. Il a subtilement introduit l’éventualité de sa candidature après avoir suggéré deux choix : d’abord « un appel au rapprochement » pour s’entendre sur une personnalité de compromis. À défaut, il évoquerait la possibilité, ultérieurement, d’accepter tout candidat qui dispose de la majorité, quitte à ce qu’il s’engage à introduire des réformes. « Si ces deux tentatives échouent (…) j’envisagerai sérieusement de me porter candidat à la présidentielle, indépendamment du fait que je puisse gagner ou perdre, afin de préserver au moins mon droit à être représenté », a-t-il dit. Une position qui confirme les rumeurs qui circulaient depuis un certain temps selon lesquelles M. Bassil – conscient que sa candidature est pour l’heure difficile à faire avaliser par un grand nombre de partis – veut au moins se ménager l’avenir.
Mais d’abord, il s’agit de faire en sorte d’éliminer l’un des concurrents les plus sérieux qui risque de lui faire de l’ombre, du fait de son succès reconnu à la tête de l’institution militaire, son envergure nationale et la popularité dont il jouit localement et internationalement.
Un concurrent de taille
Bien plus que le chef des Marada, qui continue de souffrir d’un déficit de soutien chez les chrétiens, le général Joseph Aoun est une menace sérieuse face à M. Bassil. Ce dernier a donc frappé dur cette fois-ci, accusant plus ou moins de corruption le haut gradé. Selon lui, Joseph Aoun a « enfreint les lois concernant la défense (du pays) et de la redevabilité, s’accapare de force les prérogatives du ministre de la Défense (un proche du CPL) et fait ce qu’il veut des possessions et des millions dont dispose l’armée ».
Jeudi, le quotidien al-Akhbar, proche du Hezbollah, avait rapporté des propos du ministre sortant de la Défense, Maurice Slim, proche du CPL, dans lesquels il accusait le chef de l’armée d’outrepasser ses prérogatives, et menaçait de « demander au Conseil des ministres de le limoger » s’il continuait à « dépasser les bornes ». Toutefois, le lendemain, le ministre a démenti ces propos, lors d’une visite au patriarche maronite Béchara Raï.
M. Bassil reproche notamment au chef de l’armée d’en faire à sa guise pour ce qui est de la nomination de deux officiers à deux postes sensibles au sein de l’institution militaire, à savoir l’Inspection militaire générale, et l’Administration centrale de l’armée. « C’est le commandant en chef qui normalement propose les noms à ces postes et le ministre qui avalise ou non », confie un ancien officier de l’institution militaire. Les deux hommes seraient ainsi en conflit autour de la personne adéquate à nommer.
« La question la plus importante de savoir pourquoi M. Bassil – qui se plaint depuis un certain temps dans les cercles fermés des « libertés » que prend le chef de l’armée à ce niveau – a choisi de dévoiler publiquement cette affaire seulement hier », s’interroge un stratège militaire.
Pour certains observateurs politiques, le timing de son attaque peut être compris à la lueur de la réunion quadripartite – Arabie saoudite, États-Unis, France et Qatar – prévue à Paris entre le 7 et 10 février, une réunion très attendue à laquelle Le Caire pourrait se joindre. Au menu : la présidentielle au Liban.
Un ancien officier qui suit de près le dossier de l’élection du président interprète cette attaque frontale contre le chef de l’armée comme une tentative de ternir la réputation de Joseph Aoun. Et pour ce qui est de Sleiman Frangié, Gebran Bassil est revenu à la charge pour qualifier de « coup de folie, politique et national de penser qu’on peut élire un président sans les chrétiens », alors que le tandem chiite Amal-Hezbollah avait affiché sa volonté de soutenir M. Frangié si celui-ci parvient à obtenir 65 voix sur les 128 voix du Parlement, même sans le soutien des deux plus grands partis chrétiens, à savoir le CPL et les Forces libanaises.
« Inquiétude »
Quant à la relation avec le Hezbollah, elle a bien entendu été au centre du discours de M. Bassil. Moins d’une semaine après la réunion qu’il avait tenue à Sin el-Fil avec deux responsables du parti jaune, il s’est à nouveau dit déçu par la politique de ce dernier au sujet de la clause de l’accord de Mar Mikhaël relative à la « construction de l’État ».De l’avis d’un conseiller proche du CPL, le partenariat entre les deux formations peine de plus en plus à assurer les intérêts du courant aouniste notamment depuis que l’ancien président Michel Aoun a terminé son mandat. « Nous nous entendons avec le Hezbollah au sujet de la Résistance, mais cela ne suffit pas parce qu’il y a un désaccord sur la priorité de construire un État », a lancé M. Bassil dans son discours avant d’affirmer qu’il est « inquiet pour (la pérennité de) l’accord de Mar Mikhaël ».
« Cette mise en scène entre le CPL et le Hezbollah n’est qu’une mascarade pour détourner l’attention du véritable enjeu qui est la mainmise totale sur l’État par les deux partenaires chrétien et chiite », décrypte Ziad el-Sayegh, un expert en politiques publiques.
Gebran Bassil a enfin saisi l’occasion de la visite, il y a une dizaine de jours, de la délégation européenne en charge d’enquêter sur la corruption dans le secteur financier et bancaire pour relancer de plus belle son attaque contre le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé. Ce dernier « gouverne financièrement le pays. C’est le chef d’un gang comme le pouvoir judiciaire français l’a décrit », a-t-il lancé.
Riachi : Nous n’élirons pas un président qui ne nous ressemble pas
Le député FL Melhem Riachi a déclaré que « le dossier de l’élection présidentielle est complexe, mais en même temps, le processus semble se resserrer et se diriger vers des noms précis qui pourraient constituer une solution à l’impasse présidentielle ». Il a ajouté : « Rien n’a été tranché encore au niveau des noms, mais ce qui est sûr, c’est que nous ne voterons pas pour un président qui ne nous ressemble pas, et que nous n’irons pas à l’encontre de nos convictions. »
M. Riachi s’exprimait devant les chefs de bureau des Forces libanaises au Metn-Nord, sa circonscription. « Nous nous dirigeons vers cent jours difficiles, a-t-il dit. Mais tout comme (l’ancien président assassiné) Bachir Gemayel est sorti victorieux de la guerre des cent jours (contre l’armée syrienne qui avait imposé un blocus à Achrafieh, en 1978), Samir Geagea sortira vainqueur des cent jours prochains. »
« Vous êtes bien représentés au Parlement, a poursuivi le député. Que serait-ce si le prochain président est à égale distance de tous, nous inclus ? Et il est plus que probable qu’il soit plus proche de nous que des autres. C’est ce à quoi nous œuvrons. »
D’une pierre plusieurs coups. C’est un discours truffé de piques lancées dans plusieurs directions qu’a livré hier le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, lors d’une intervention télévisée. En l’espace d’une quarantaine de minutes, le leader chrétien a remis sur le tapis son contentieux avec le Hezbollah, après avoir consenti, pendant quelque temps, à calmer le...
commentaires (21)
FAZAANÉ ???
Derwiche Ghaleb
19 h 05, le 31 janvier 2023