
Un des manifestants devant la Banque du Liban, hier. Photo Mohammad Yassine
« Cela varie de 500 livres chaque demi-heure », se plaignait un agent de change basé à Beyrouth qui a requis l’anonymat, lors d’une conversation téléphonique avec un client lui demandant s’il lui recommandait de changer ses dollars tout de suite ou d’attendre. Vers la fin de la journée, le taux évoluait légèrement en dessous de son seuil record selon les plateformes informelles lirarate.org et Adde dollar, à quelques jours de la fin d’un mois de janvier riche en fluctuations extrêmes.
Il n’a en effet fallu que 48 heures au dollar pour passer de 51 000 à 57 000 livres, quelques jours seulement après que le seuil symbolique des 50 000 LL a été atteint pour la première fois. Le tout dans un marché toujours aussi opaque et une conjoncture toujours aussi avare de nouvelles rassurantes, tant sur le plan politique que financier.
Stations-service fermées
Pour ne rien arranger, les Libanais ont dû également composer avec la fermeture provisoire des stations-service, qui, à cause de la volatilité du taux de change, refusaient de vendre leur carburant tant que le ministère de l’Énergie et de l’Eau ne mettait pas à jour la grille des tarifs en livres (essence, diesel pour véhicules et gaz). Mardi, les distributeurs de bonbonnes de gaz étaient eux aussi montés au créneau pour demander au ministère d’accélérer la publication de la grille tarifaire du jour.
Mais la fermeture des stations-service, même pour une durée limitée, a eu des effets plus immédiats que la suspension de la distribution de bonbonnes de gaz. Et c’est donc sans surprise que des files d’attente d’automobilistes se sont formées devant certaines stations dans le Akkar (Liban-Nord), selon notre correspondant Michel Hallak, ainsi qu’à Saïda (Liban-Sud), comme indiqué par notre autre correspondant Mountasser Abdallah. Des images qui ravivent les mauvais souvenirs de l’été 2021, marqués par des files d’attente interminables qui s’étiraient sur des kilomètres. La situation semblait moins tendue dans les environs de Beyrouth, malgré les fermetures.
Comme à l’accoutumée, le communiqué du ministère mettant les tarifs à jour a finalement été publié aux environs de midi hier (voir encadré), poussant les distributeurs de carburant à recommencer à fonctionner normalement. Deux heures plus tôt, l’Agence nationale d’information avait été à l’origine d’un moment de flottement en publiant avant de la retirer une première grille, dont l’authenticité a été rapidement contestée par le ministère de l’Énergie et par le syndicat des propriétaires de stations-service.
Manifestations de rue et devant la BDL
Dans la rue, la grogne qui se manifeste depuis plusieurs jours dans la population semble s’amplifier. Des sit-in ont ainsi eu lieu hier dans le Nord et la Békaa, tandis que des files d’automobiles se sont formées devant les quelques stations-service qui ont dérogé à la fermeture.
Toujours dans le Akkar, des conducteurs de tuk-tuk ont bloqué une partie de l’autoroute pour protester contre les mauvaises conditions de vie et les prix élevés, a encore rapporté Michel Hallak. L’armée est intervenue et a rouvert les routes bloquées. À quelques kilomètres de là, l’autoroute de Beddaoui reliant Tripoli et Minié a été elle aussi investie par des camionneurs qui ont bloqué la circulation avec leurs véhicules. Les forces de l’ordre sont aussi intervenues pour rouvrir la route. À Baalbeck (Békaa), ce sont cette fois les conducteurs de bus qui ont bloqué la voie près d’une entrée de la ville, selon notre correspondante Sarah Abdallah. Malgré ces troubles, aucun incident sécuritaire significatif n’a été rapporté par les autorités.
Enfin, à Beyrouth, quelques dizaines de manifestants se sont rassemblés devant le siège de la Banque du Liban à l’appel du collectif « Le Cri des déposants », qui dénonce régulièrement les politiques de la banque centrale et les restrictions illégales imposées par les banques privées depuis 2019, rapporte notre photographe sur place Mohammad Yassine.
En plus de trois ans de crise économique au Liban, la monnaie nationale a perdu plus de 97 % de sa valeur. Entre-temps, les autorités libanaises continuent d’atermoyer dans l’adoption des réformes nécessaires pour enrayer l’effondrement économique et financier du pays.
Rien ne semble arrêter la chute spectaculaire de la livre dans un Liban en pleine crise. Dès 10h hier matin, la monnaie nationale a (encore) battu un énième record de dépréciation, s’échangeant aux alentours de 57 000 livres contre un dollar sur le marché libre. « Cela varie de 500 livres chaque demi-heure », se plaignait un agent de change basé à Beyrouth qui a...
commentaires (2)
on se trompe complètement de cible. bloquer des routes, complètement inutile, si ce n'est pour embêter encore plus nos pauvres concitoyens. par contre, personne pour manifester devant les domiciles des vrais coupables, les politiciens corrompus et mafieux qui ont mené ce pays à sa perte.
N.A.
18 h 51, le 26 janvier 2023