La chanson The First Noël a beau dater (le plus probablement) du Moyen Âge cornouaillais, elle n’a pas échappé à la censure libanaise des temps modernes. Les chanteurs Bruno Tabbal et Cynthia Karam viennent d’en faire l’amère expérience. Sans se méfier, ils ont interprété ce célèbre chant connu dans le monde entier dans un clip de Noël « censé apporter de la joie aux Libanais en cette saison », souligne Cynthia Karam. Or le célèbre chant se termine par « Est né le roi d’Israël » (« Born is the king of Israël »), dans lequel ce nom ne fait pas référence au voisin hostile actuel du Liban, mais au peuple hébreu, le peuple de l’Ancien Testament. Dans le Nouveau Testament, l’expression est utilisée quelquefois pour désigner le Messie*.
Bruno Tabbal, qui est également le producteur du clip, raconte à L’Orient-Le Jour que celui-ci passait depuis deux semaines déjà sur YouTube quand il a décidé de le proposer aux chaînes de télévision. « Pour qu’il passe à la télé, nous avons besoin d’une autorisation du département de censure de la Sécurité générale, poursuit-il. Nous avons cru que ce serait une simple formalité dans le cas d’un chant de Noël aussi connu, tant et si bien que la MTV a commencé à passer le clip avant même que nous n’ayons obtenu le document. Mais la réponse tardait à nous parvenir. Dix jours plus tard, nous apprenons que le clip est passé par un “comité” dont on ne nous précise pas la nature, et la SG nous demande de modifier les termes de “roi d’Israël” afin qu’ils ne soient pas “mal compris”, nous dit-on, sous peine de ne pas obtenir l’autorisation nécessaire. C’était la veille de Noël. »
Une fois la frénésie des fêtes passée, Bruno Tabbal publie un long message sur Facebook dans lequel il détaille la signification de cette expression dans les Écritures (exemples à l’appui) ainsi que l’historique du chant The First Noël lui-même, qui remonte à des centaines d’années et ne peut en aucun cas contenir une référence politique moderne.
« La LBCI a très vite réagi, passant le clip à l’antenne malgré l’absence d’autorisation, et consacrant un reportage à la question, poursuit Bruno Tabbal. Et c’est par leur journaliste que nous avons su que le «comité» en question, vers lequel le clip a été dirigé, n’est autre que le Centre catholique d’information, ce que nous avons trouvé d’autant plus incompréhensible. »
Le Centre catholique d’information aurait-il fait une recommandation de ne pas accorder une autorisation au clip ? C’est ce que son président, le père Abdo Abou Kassem, dément formellement à L’Orient-Le Jour : « Le clip nous est parvenu de la SG avec la question suivante : est-ce que l’expression roi d’Israël est présente dans l’Évangile et est-ce que vous l’utilisez ? Je lui ai répondu de la manière suivante : cette expression existe surtout dans l’Ancien Testament. Pour notre part, nous préférons utiliser d’autres expressions comme Fils de Dieu, qui sont plus générales que roi d’Israël, puisque nous considérons que Jésus est venu pour le monde entier. »
Mais comment demander à des artistes de modifier les paroles d’un chant vieux de plusieurs siècles et pourquoi penser qu’elles pourraient être mal comprises ? « Nous n’avons en aucun cas recommandé une quelconque modification des paroles, et encore moins une interdiction du clip, nous n’avons fait que répondre à une question, la SG a pris sa propre décision », insiste le père Abou Kassem.
Interrogée sur l’affaire par L’OLJ, une source de la SG se défend de toute « atteinte aux libertés », affirmant que « tout ce que nous avons demandé, c’est la modification d’une expression qui pourrait être mal comprise par une partie du public, dans un pays où tout fait polémique », sans répondre à la question de la pertinence d’une telle demande dans le cas d’un chant traditionnel ancien. Sur le Centre catholique d’information, cette source se contente de dire que celui-ci « n’a pas donné d’opinion ». Elle confirme par ailleurs que l’autorisation n’est pas accordée tant que l’expression n’a pas été modifiée.
Résultat de cette plongée dans l’absurde : un chant, que nous avons tous écouté des centaines de fois, souvent par des chorales au Liban d’ailleurs, prend soudain des allures suspectes que les milliers de voix qui l’ont entonné à travers les siècles étaient à mille lieux de soupçonner. Et une expression consacrée, passée parfaitement inaperçue sur YouTube, est mise en exergue par une polémique pour le moins surprenante.
Même si le clip est effectivement passé à la télévision, Bruno Tabbal affirme respecter la décision de la SG, tout en soulignant son caractère injuste. Il compte cependant faire parvenir l’affaire au patriarche maronite Béchara Raï.
(*) Dans l’Évangile selon saint Jean, chapitre 1 verset 49 : « Nathanaël lui répondit : “Rabbi, tu es le Fils de Dieu, tu es le roi d’Israël”. » Dans le même Évangile, chapitre 12 verset 13, passage qu’on lit le dimanche des Rameaux : « Hosanna ! Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d’Israël ! »
La perfidie de l'entité israélienne est allée jusqu'à appeler uyn état usurpateur du nom le plus sacré de la Bible ....C'est ce qu'il aurait fallu interdirer depuis 1947
08 h 43, le 30 décembre 2022