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Nos Lecteurs ont la Parole

Pour une éducation à l’État

Au Liban, il n’y a pas d’État libanais pareil à tous ceux du monde, mais des prémices d’État. Les élèves libanais ne savent pas ce que signifie État ni pourquoi il doit y en avoir un. Leur relation avec le Liban, leur pays, est ambiguë. Un incident qui s’est déroulé avec moi à l’école me pousse à écrire ces mots.

Un de mes élèves s’est querellé avec son camarade qui lui a donné un soufflet en plein visage. Au lieu qu’il aille porter plainte à la direction, cet élève se venge immédiatement en rendant le coup par un coup. Quand je lui pose la question à propos de sa réaction, il me répond : « À qui m’adresser ? La direction ? Je dois me venger par moi-même. »

Cette réaction me pousse à réfléchir sur la racine de cette réaction : l’absence d’une référence (marja’iyé) qui règle les problèmes. Nos élèves ne sont pas éduqués à l’idée de porter plainte à un supérieur. Il y a aussi un manque d’éducation au niveau de l’application de la loi. Les deux ont enfreint une norme à laquelle ils n’ont pas été initiés. Dans les livres scolaires, on ne trouve pas de référence au mot État.

Si nous vivons dans cette situation de « dé-ordre », c’est parce que nous n’avons pas été initiés à la notion d’une direction, d’une autorité à l’image d’un État qui garantit les devoirs et les droits de chacun. Les géographes et même les historiens du Liban ignorent la notion d’État.

Le concept est absent dans les manuels d’histoire. Je me réfère principalement à un livre d’histoire de la classe du brevet, étape où les élèves devraient connaître l’histoire de la fondation de leur pays. J’ai remarqué qu’il y a peu de références à la genèse de l’État.

Durant 400 ans, le Liban faisait partie de l’Empire ottoman. Affectés par les conséquences de la Première Guerre mondiale, les Ottomans sont partis, laissant la place aux Alliés. Ces derniers, principalement les Français, occupent le pays durant une vingtaine d’années. Toutefois, on doit au mandat français les prémices d’État. Dans un livre d’histoire, on cite les réalisations du mandat français et, par la suite, les péripéties de l’indépendance. Mais les historiens ne se sont pas attardés sur la libanisation même de ces institutions. Trois chapitres sont consacrés au problème palestinien et à la situation dans les pays arabes, mais rien sur le Liban !

De 1920 à 1943, un travail énorme s’est fait au niveau du droit, un changement dans l’armée, la douane, l’argent public, la sécurité intérieure... Mais l’élève n’apprend rien sur cette édification de l’État libanais. Quatre conditions tiennent debout un État : monopole de la force organisée, monopole des rapports diplomatiques, monopole des impôts et monopole des politiques publiques.

L’élève libanais vit dans un non-État, un pré-État. Il y a urgence de repenser l’historiographie pour transmettre l’importance de vivre dans un État. Dans les écoles, les universités, on manque d’une formation qui montre l’anthropologie de l’État. Tout un travail au niveau des mentalités. État, mon amour, c’est vers toi que j’aspire. Je rêve d’un État souverain. Je me réfère à l’ouvrage de M. Antoine Messarra, La culture citoyenne dans une société multicommunautaire. Le Liban en perspective comparée.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique Courrier n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, L’Orient-Le Jour offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires ni injurieux ni racistes.

Au Liban, il n’y a pas d’État libanais pareil à tous ceux du monde, mais des prémices d’État. Les élèves libanais ne savent pas ce que signifie État ni pourquoi il doit y en avoir un. Leur relation avec le Liban, leur pays, est ambiguë. Un incident qui s’est déroulé avec moi à l’école me pousse à écrire ces mots.Un de mes élèves s’est querellé avec son camarade qui...
commentaires (1)

Quelle tristesse…

Eleni Caridopoulou

17 h 34, le 24 décembre 2022

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Commentaires (1)

  • Quelle tristesse…

    Eleni Caridopoulou

    17 h 34, le 24 décembre 2022

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