
Le président du Parlement Nabih Berry s’entretenant avec le chef du CPL Gebran Bassil à Aïn el-Tiné. Photo d’archives ANI.
L’initiative de Nabih Berry est de nouveau tombée à l’eau. Alors que le président de la Chambre prévoyait de rompre avec sa traditionnelle séance électorale hebdomadaire, en convertissant la réunion du Parlement de jeudi en table de dialogue afin de trouver un compromis sur l’élection présidentielle, il a dû faire marche arrière à la dernière minute. Pour cause, la réticence des principales formations chrétiennes, tant les Forces libanaises que le Courant patriotique libre, ayant montré peu d’enthousiasme à cette démarche. Cette seconde invitation au dialogue lancée par le chef du législatif intervient alors que le pays est sans président depuis la fin du mandat de Michel Aoun le 31 octobre, et que les relations entre le CPL et son seul allié, le Hezbollah, traversent une période trouble.
« Intérêts politiques »
« Le dialogue n’aura probablement pas lieu jeudi », regrette auprès de L’OLJ un proche du président de la Chambre. Et d’abonder : « Le président Berry est en contact avec tous les blocs, et les groupes chrétiens semblent réticents. » En effet, le maître du perchoir a d’ores et déjà annoncé, dans un communiqué, la tenue d’une séance électorale classique jeudi. La dixième depuis le début de l’échéance, fin septembre. « Les intérêts politiques étroits de certaines formations l’ont encore emporté », réagit Michel Moussa, député de Tyr-Zahrani et membre du bloc de Nabih Berry. Il ne s’agit en effet pas de la première tentative du président de la Chambre de convoquer un dialogue visant à mijoter un compromis présidentiel. Déjà, à quelques jours de la fin du mandat Aoun le 31 octobre, il avait proposé la tenue d’une réunion similaire avant de renoncer du fait de l’opposition des partis chrétiens. « Le dialogue est le seul moyen de débloquer la situation. Il y a eu 9 séances électorales depuis septembre, et jusqu’à aujourd’hui, la situation n’a pratiquement pas bougé d’un iota », regrette un proche de Aïn el-Tiné. Et de poursuivre : « Le président Berry a mis les protagonistes encore une fois devant deux options : soit la tenue jeudi d’une dixième séance, qui se conclura encore une fois par un échec, soit une réunion des chefs des différents blocs parlementaires pour dialoguer et trouver une issue à cette crise. »
Mais malgré le risque d’une prolongation de la vacance à la magistrature suprême, les partis chrétiens, pourtant premiers concernés par cette échéance, ne le voient pas du même œil. Ce sont les FL qui ont ouvert le bal en publiant hier matin un communiqué dans lequel elles expriment leur « refus de tout dialogue ». Le parti de Samir Geagea a également appelé M. Berry à « retirer son appel au dialogue » et « à tenir des séances ouvertes jusqu’à ce qu’un président soit élu ». « Nous avons peur que le dialogue ne devienne comme d’habitude un simple exercice de forme », affirme Charles Jabbour, le porte-parole des FL, à notre journal. Et de poursuivre : « Nous estimons qu’il serait peut-être plus judicieux que Nabih Berry convoque les députés, après le premier tour de vote, à une réunion dans son bureau pour les inciter à revenir élire un président lors du second tour. » Les députés du tandem Amal-Hezbollah et leurs alliés se retirent en effet des séances après la tenue du premier tour afin de provoquer un défaut de quorum. Ces élus déposent également un bulletin blanc lors du premier vote, le temps qu’un compromis soit trouvé autour d’une candidature, au moins au sein du 8 Mars lui-même. Si les deux partis chiites poussent pour l’élection de leur allié et zaïm de Zghorta Sleiman Frangié, le CPL, principale composante chrétienne de ce camp, s’oppose à cette candidature.
Tensions avec le tandem chiite
D’ailleurs, le CPL semble lui aussi ne pas avoir grand appétit pour la tenue de cette séance de dialogue, même s’il ne l’a pas annoncé clairement comme son rival chrétien. Le patron du parti, Gebran Bassil, avait laissé la porte ouverte à la participation de son mouvement. « Pour que le dialogue réussisse, cela demande de la préparation. Un échec serait catastrophique », a-t-il toutefois mis en garde lors d’une interview à la chaîne LBCI dimanche soir. « Nous ne sommes pas opposés au dialogue… au contraire, nous sommes convaincus qu’il s’agit de la seule façon d’élire un président de la République », assure à L’OLJ un cadre du CPL. Une réunion interne du parti orange devait avoir lieu hier pour trancher sur la question, mais elle a été reportée puisque Gebran Bassil est en déplacement pour une semaine au Qatar. Cette cinquième visite en moins de 10 mois intervient quelques jours après celle du chef de l’armée, Joseph Aoun, un sérieux présidentiable, au petit émirat gazier. « Nous n’avons pas encore décidé de la participation au dialogue, car nous devons en savoir plus sur les modalités de cette démarche. Mais surtout, il faudra que Nabih Berry fasse un pas pour apaiser les tensions entre nous », lance le responsable. Le CPL est en effet à couteaux tirés avec le tandem chiite depuis la réunion, la semaine dernière, d’un Conseil des ministres à l’initiative du Premier ministre sortant, Nagib Mikati. Les aounistes ont considéré cela comme une atteinte aux prérogatives du président de la République, mais n’ont pas réussi à provoquer un défaut de quorum. Ils accusent Nabih Berry d’avoir motivé Nagib Mikati – qui s’est rendu hier à Aïn el-Tiné – pour tenir tête au camp aouniste et de défier les chrétiens en général. « On ne peut pas poignarder quelqu’un puis l’inviter à un dialogue », avait déjà lancé M. Bassil dimanche soir.
Si le dialogue souhaité par Nabih Berry semble donc passé à la trappe pour le moment, le dialogue interchrétien souhaité par Gebran Bassil, sous la houlette du patriarche Béchara Raï, pourra-t-il s’ériger en alternative ? Le chef du CPL a en effet appelé vendredi, depuis Bkerké, les groupes chrétiens à se concerter et se mettre d’accord sur un candidat. Cette tentative semble cependant vouée à l’échec, le patriarche maronite ne s’étant pas montré enthousiaste à l’idée de convoquer des assises chrétiennes et le chef des FL ayant tué dans l’œuf l’idée d’un dialogue avec le CPL. « Nous imaginons le dialogue interchrétien comme pouvant être complémentaire d’un dialogue national ou ouvrir la voie à une entente interconfessionnelle. Il ne s’agit pas de remplacer l’initiative de Nabih Berry », affirme le député aouniste Alain Aoun. Si les FL ont opposé une fin de non-recevoir à la main tendue par le CPL, Mgr Raï pourrait tenir des rencontres bilatérales avec les différents acteurs. « Le patriarche est toujours attaché au dialogue interchrétien », se contente de commenter un proche de l’Église maronite.
Pas de veto sur la candidature de Joseph Aoun, affirme Geagea
Le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a affirmé ne pas avoir de « veto » sur la candidature du chef de l’armée, Joseph Aoun, à la magistrature suprême, bien que ce dernier n’ait jamais annoncé officiellement son intention de mener la course à Baabda. « Les FL préfèrent que les militaires ne soient pas impliqués dans le jeu politique. Mais si au final 87 députés rallient la candidature du général Aoun – étant donné qu’il a besoin de ce nombre pour un amendement de la Constitution –, notre formation ne constituera pas un obstacle. Nous n’avons pas de veto sur Joseph Aoun », a affirmé le leader maronite dans une interview au journal saoudien Okaz dans son édition de mardi. Ces propos interviennent alors que le chef de l’armée vient de rentrer d’une visite officielle au Qatar à l’invitation du vice-Premier ministre et chef de la diplomatie qatarie. Signe que le déplacement est éminemment de nature politique et qu’il dépasse largement l’aspect technique du soutien financier à l’institution militaire. « Cette invitation, dans ce timing, est sans doute un message politique qui consiste à dire que la candidature du général Aoun à la présidence bénéficie de l’appui du Qatar, mais aussi de la France, des États-Unis, de l’Égypte et de l’Arabie saoudite », affirmait il y a deux jours un diplomate arabe sous couvert d’anonymat à L’OLJ. En réponse à une question sur la possibilité que les FL soutiennent la candidature du chef des Marada, Sleiman Frangié, si elles devaient choisir entre le leader du Nord et le chef de l’armée, M. Geagea a indiqué que « la question ne se pose pas de la sorte ». « Nous avons de bonnes relations avec Sleiman Frangié, mais sur le plan stratégique, il relève du camp adverse, de l’axe de la moumanaa avec lequel se pose notre principal problème au Liban. Nous ne pourrons donc pas soutenir la candidature de Sleiman Frangié », a tranché M. Geagea, dont la formation soutient, avec les Kataëb, le Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt et quelques indépendants, la candidature de Michel Moawad, député de Zghorta, à la présidentielle.
L’initiative de Nabih Berry est de nouveau tombée à l’eau. Alors que le président de la Chambre prévoyait de rompre avec sa traditionnelle séance électorale hebdomadaire, en convertissant la réunion du Parlement de jeudi en table de dialogue afin de trouver un compromis sur l’élection présidentielle, il a dû faire marche arrière à la dernière minute. Pour cause, la réticence...
commentaires (13)
Encore un dialogue de sourds entre des élus aussi corrompus que les précédentes années et ça se dit vouloir le bien du peuple... Ce qui est sur; élire un/une président(e) qui doit "représenter" le peuple ou plutôt dans le cas du Liban donner aux différentes factions tout ce qu'elles veulent pour accéder au titre suprême n'est plus possible en 2022. Penser qu'une personne peut rassembler tout un pays composé de mille visages culturels et politiques n'est qu'une perte de temps, un appel à la division et non pas au dialogue. Est-ce que les Libanais préfèrent une autre figure corrompu être appelée présidente car si on fait le bilan, c'est pas loin d'être le cas de tout ces Jeans-foutres, ou une assemblée qui fait enfin les réformes attendues depuis plus de 30 ans! On prend les mêmes et on recommence mais comme par hasard rien ne change, quelle surprise!
george winterfell
20 h 42, le 14 décembre 2022