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Politique - Décryptage

Présidentielle : la colère de Bassil et l’ouverture au dialogue

À des proches qui lui ont clairement demandé s’il envisageait de mettre un terme à l’entente de Mar Mikhaël (officialisée publiquement le 5 février 2006 entre le général Michel Aoun et le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah), le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil a répondu par la négative. Mais cela ne signifie pas que la crise entre les deux formations n’est pas, cette fois-ci, très profonde. Au point d’exiger une tentative rapide de la circonscrire et d’essayer de trouver des terrains d’entente.

Dans son entretien dimanche soir à la chaîne LBCI, M. Bassil a ainsi essayé de tendre une perche au Hezbollah, d’abord en mettant Hassan Nasrallah au-dessus des clivages, et ensuite en précisant qu’il souhaite établir un dialogue sérieux et constructif avec le parti chiite. Après la tempête provoquée par ses propos suite à la réunion du Conseil des ministres en dépit de l’opposition du CPL, M. Bassil a donc choisi de dissocier les deux sujets. La question des réunions du Conseil des ministres en période de vacance présidentielle et celle des prérogatives du gouvernement chargé d’expédier les affaires courantes sont désormais un sujet qui concerne tous les chrétiens, avec à leur tête le patriarche maronite Béchara Raï (ce dossier a d’ailleurs constitué le cœur des entretiens de l’ancien président Michel Aoun et du chef du CPL vendredi à Bkerké), alors que son approche du dossier présidentiel doit être débattue entre le CPL et le Hezbollah.

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Du point de vue de Gebran Bassil, ce dossier est à la fois crucial et épineux. Le conflit entre lui et le Hezbollah se situe à deux niveaux : d’abord le fait que la formation chiite ait fait son choix (le leader des Marada Sleiman Frangié) et mis le CPL devant le fait accompli, et ensuite le fait que le choix lui-même ne tient pas compte des appréhensions du CPL. Lors de sa dernière rencontre avec le secrétaire général du Hezbollah le 26 septembre (qui avait duré sept heures), le chef du courant aouniste avait exposé les raisons qui le poussaient à rejeter le choix du chef des Marada pour la présidence de la République (essentiellement le fait qu’à travers le leader de Zghorta, ce sera un retour à la troïka qui tenait les rênes du pays depuis 1990, dans laquelle le chef de l’État est la partie la plus faible, face au président de la Chambre, au président du Conseil et à leurs alliés), alors que Hassan Nasrallah avait expliqué les raisons qui poussent le Hezbollah à appuyer la candidature de Frangié « parce qu’il ne poignardera pas la résistance dans le dos ». Le débat en était resté là et aucun des deux interlocuteurs n’avait réussi à convaincre l’autre de son point de vue. Pourtant, le Hezbollah avait maintenu son appui à Frangié, alors que le CPL laissait la porte ouverte et annonçait qu’il souhaitait un débat pour s’entendre sur une autre personnalité.

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Du point de vue de Gebran Bassil, le Hezbollah avait choisi Nabih Berry pour la présidence de la Chambre après les législatives de mai et le CPL s’était incliné, se contentant de mettre des bulletins blancs dans l’urne. Le Hezbollah avait ensuite décidé de nommer Nagib Mikati pour la présidence du Conseil, malgré le désaccord de la formation orange qui s’était contentée de ne pas le nommer dans le cadre des concertations parlementaires contraignantes. Toutefois, la présidence de la République est pour le CPL une ligne rouge. Gebran Bassil estime ainsi ne pas pouvoir accepter que le Hezbollah choisisse son candidat, sans tenir compte des réserves du parti aouniste, mettant celui-ci devant le fait accompli. Il a eu beau déclarer à plusieurs reprises, dans des rencontres privées ou publiques, qu’il n’est pas question pour lui d’appuyer la candidature de Sleiman Frangié, et qu’il souhaite un dialogue pour s’entendre sur un autre candidat, la position du Hezbollah est restée la même. Selon les informations véhiculées par les proches du parti pro-iranien, celui-ci semblait même convaincu que Gebran Bassil finirait par s’incliner et par accepter la candidature de Sleiman Frangié, surtout que ce dernier était prêt à lui fournir toutes les garanties nécessaires.

Face à cette position, le chef du CPL se devait donc de frapper un coup fort pour faire comprendre au Hezbollah que son refus de la candidature du chef des Marada est catégorique et que si ce parti veut montrer qu’il tient compte du courant aouniste, il doit aller vers un autre choix, en concertation avec lui. Cette fois, le Hezbollah a bien reçu le message, mais cela le fera-t-il changer d’avis ? Pas si sûr. Pour lui, le choix de Frangié repose sur des considérations morales et pratiques. Sur le plan moral, le Hezbollah considère qu’il a une dette à l’égard de Frangié depuis 2016, lorsque ce dernier avait été contacté par le président français de l’époque François Hollande qui l’avait appelé pour le féliciter pour sa victoire, à la veille de la séance parlementaire qui aurait dû être celle de son élection et à laquelle il ne s’était pas rendu à la demande du Hezbollah qui avait alors soutenu la candidature de Michel Aoun. Quant aux raisons pratiques, elles se résument ainsi : le Hezbollah est conscient que les circonstances d’aujourd’hui ne sont pas celles de 2016. Il est obligé de tenir compte des autres protagonistes pour faire son choix, notamment le président de la Chambre, qui s’était abstenu lors de l’élection de Michel Aoun en 2016, sans parvenir à l’entraver. Le parti chiite n’est donc pas en mesure de faire élire un candidat qui n’a pas l’appui de Nabih Berry – lequel se chargera des voix du camp de Walid Joumblatt – ni celui d’une partie des sunnites et des forces du changement. Ensuite, sur le plan régional, le Hezbollah surveille avec une certaine appréhension les développements en Iran et ce qui se passe dans l’ensemble de la région. En cette période confuse, où le monde entier traverse une période d’instabilité, il préférerait avoir un minimum de crises à l’intérieur libanais, et par conséquent il évite un choix présidentiel qui l’obligerait à ouvrir de nouveaux fronts internes et à s’impliquer davantage au Liban au lieu de se concentrer sur la région. Les agendas et les priorités sont donc différents entre le CPL et le Hezbollah, mais la colère de Gebran Bassil a ouvert finalement la voie au dialogue.

À des proches qui lui ont clairement demandé s’il envisageait de mettre un terme à l’entente de Mar Mikhaël (officialisée publiquement le 5 février 2006 entre le général Michel Aoun et le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah), le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil a répondu par la négative. Mais cela ne signifie pas que la crise entre les deux formations...

commentaires (13)

Dans l'intérêt du Liban et des libanais, on a tout à gagner à ne pas élire un président de compromis. Pour être redevable à ceux qui l'auront placé là, il se contentera d'entretenir le système existant à leur avantage au lieu d'entamer les réformes et juger les coupables de crimes en tout genre. Il vaut mieux laisser cette situation pourrir jusqu'à atteindre un point de non retour, celui d'un peuple suffisamment affamé pour se révolter contre ce système et ceux qui en vivent.

N.A.

13 h 08, le 14 décembre 2022

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Commentaires (13)

  • Dans l'intérêt du Liban et des libanais, on a tout à gagner à ne pas élire un président de compromis. Pour être redevable à ceux qui l'auront placé là, il se contentera d'entretenir le système existant à leur avantage au lieu d'entamer les réformes et juger les coupables de crimes en tout genre. Il vaut mieux laisser cette situation pourrir jusqu'à atteindre un point de non retour, celui d'un peuple suffisamment affamé pour se révolter contre ce système et ceux qui en vivent.

    N.A.

    13 h 08, le 14 décembre 2022

  • "...mais la colère de Gebran Bassil a ouvert finalement la voie au dialogue." Dies irae! Dies illa! Solvet seclum cum favilla....Toute la banlieue Sud a senti la colère de GB qui a produit un séisme de magnitude 7,5 sur l'échelle de Richter...

    Georges MELKI

    12 h 00, le 14 décembre 2022

  • Elle est devenue notre vaudeville hebdomadaire; c'est calculé ou cela procédé d'une stupidité crasse?

    Christine KHALIL

    07 h 31, le 14 décembre 2022

  • Je dois dire que j’adore lire les articles de Madame Haddad, on a l’impression de revivre la Roumanie de Ceaucescu ! L’ancien président est le firmament de l’humanité et le gendre le Danube de la pensée…

    Prinzatour

    16 h 41, le 13 décembre 2022

  • Je ne sais pa pourquoi madame Scarlett Dans chaque newspaper there see journalists with different opinion and it’s exactly that make a newspaper. She has inside info and instead of following her analysis most of you spit on her Rise you political opinions to a higher level Try to look at both sides of a story The way many react is at a low level just following blindly your political Zaim Let as FREE and be less adoring to the many extremely corrupt people you keep electing time after time .

    Nadia Korsidou

    14 h 07, le 13 décembre 2022

  • « mais la colère de Gebran Bassil a ouvert finalement la voie au dialogue. » Mais madame,le croyez-vous vraiment à ce que vous écrivez ? N’êtes vous pas en train de surfaire votre idole ?

    Citoyen Lambda

    13 h 49, le 13 décembre 2022

  • mais la colère de Gebran Bassil a ouvert finalement la voie au dialogue..... tremble Hassan, tremble ...ne vois tu poindre la foudre et ce divorce qui s'annonce... comme arme fatale de bassil. Ce pauvre hassan n'en dort plus la nuit...

    C…

    11 h 11, le 13 décembre 2022

  • Le Hezbollah sent la fin d'une ère venir et il est inquiet. Apres tous les crimes commis contre l’état et son peuple c'est compréhensible. Le CPL sans la protection et le soutient de HN est déjà fini. Dans mon humble analyse, je vous dit que HN et GB compte les jours et agissent pour essayer de retarder l’échéance le plus longtemps possible espérant une sortie de secours. GB pour sauver sa peau et son avenir politique mais c'est trop tard, HN, lui, se prépare déjà a l’après résistance et négocie, dessous la table, l'avenir du parti et son rôle future dans un Liban pacifié. En bref, il cherche a assurer ses fidèles de toutes poursuites locales ou internationales car en effet il est des rumeurs qui prédisent la fin du régime des mollah en Iran. D'où la première concession faite avec l'accord des frontières maritimes. D'autres vont venir, il reste a savoir qui sera le dindon de la farce...

    Pierre Christo Hadjigeorgiou

    11 h 01, le 13 décembre 2022

  • L,ENCENSEUSE A L,OEUVRE COMME CHAUE JOUR.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 42, le 13 décembre 2022

  • Les chiites ont la présidence de la chambre, les sunnites celle du conseil des ministres. Les chrétiens n’ont rien et peuvent attendre l’élection d’un Président ! Si le hezbollah veut vraiment de cette élection, il consentira à réserver à Bassil quelques ministres et quelques grands projets futurs et tout sera clos. Le CPL n’a que le hezb comme recours (et secours) et personne d’autre. Il récolte ce qu’il a semé. Mais ce sont les honnêtes gens qui paient le prix de sa politique destructrice et suicidaire.

    Goraieb Nada

    08 h 36, le 13 décembre 2022

  • Un président qui ne nous poignarde pas dans le dos n'est pas un argument suffisant pour élire n'importe qui, n'importe comment. Les crises des présidents, du conseil jusqu’à la magistrature suprême démontrent méthodiquement que Taef est par définition la Troïka. Il est grand temps de repenser ce système constitutionnel désastreux, et passer à l' état civil, Laïque et séculaire. Une assemblée constituante devrait être appelée pour réinventer un système politique qui corresponde à la réalité actuelle du Liban. Taef, la Troïka, sont complètement obsolètes. Entre temps, peut-être que seul un nouveau président de la République pourrait faire ce travail, c'est à dire appeler à cette nouvelle convention qui produirait un système Libanais "à une seule tête ", élue au suffrage universel direct, et SECULAIRE. Il faut changer d'humeur, et cette mentalité archaïque de voir les choses. Le pays a coule', les caisses de l’état sont vides, et l'argent des déposants a été rase' par cette mafia qui gouverne le Liban depuis 1992, c'est à dire 30 ans! Mais enfin(???!!!)

    Raed Habib

    07 h 30, le 13 décembre 2022

  • Colère ou pas colère du gendre, il est temps pour ce dernier et ses propagandistes de réaliser ( enfin) que Bassil ne pese pas lourd. Que ce soit auprès des intégristes islamistes chiites que de l’opinion public. Il réalise que ses caprices de gendre présidentiel n’ont plus leur place. Une page est tournée depuis le départ de son « beau papa » du palais. Le Hezbollah, son public et les libanais ( hormis les propagandistes et certains adeptes de la secte orange) rejettent ce personnage qui a tant imposé ses caprices durant l’ex-«mandat présidentiel. Il se donne une importance qu’il n’a pas. Les Aounistes existent certes mais les BASSILISTES n’existent pas malgré toute la tempête dans un verre d’eau que Bassil essaie de créer. Le Hezbollah ne lui prête aucune attention. Si ce parti tente de garder l’alliance Mar Michael en vie c’est juste par égard à son allié ( exclusif) Aoun.

    LE FRANCOPHONE

    07 h 25, le 13 décembre 2022

  • COMME IL DÉTIENT TOUS LES POUVOIRS, LE HEZBOLLAH N'A QU'À PRENDRE TONY 2 AU LIEU DE SLEIMAN 2 COMME PRÉSIDENT OFFICIEUX. ÇA SERA PLUS FAÇILE ENCORE POUR LE PRÉSIDENT OFFICIEL NASRALLAH POUR LE PROGRAMER. BERRY, MIKATI, ET JOUMBLATT SONT DANS LA POCHE. ET BASSIL NE TARDERA PAS À SE CALMER ET RENTRER DANS SON ÉTABLE IRANIEN. MES CONDOLÉANCES POUR MES AMIS D'ENFANCES.

    Gebran Eid

    03 h 17, le 13 décembre 2022

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