Le camp aouniste s’est mobilisé hier en force en direction de Bkerké, dans une tentative visant clairement à susciter une légitimation chrétienne massive autour de sa politique, notamment à la suite de la tenue controversée d’un Conseil des ministres par le gouvernement d’expédition des affaires courantes. Cette tentative semble cependant vouée à l’échec, le patriarche maronite ne s’étant pas montré enthousiaste à l’idée de convoquer des assises chrétiennes et le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, ayant tué dans l’œuf l’idée d’un dialogue avec le CPL.
Le chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil, et son beau-père l’ancien président Michel Aoun, ont ainsi effectué hier deux visites très remarquées au patriarcat maronite à Bkerké. Dans leurs déclarations, M. Bassil a dénoncé « un coup porté à la République », parlant de la séance du Conseil des ministres qui s’est tenue lundi et qu’il a boycottée, parce qu’elle a lieu en l’absence d’un président de la République, alors que M. Aoun a affirmé que ni le pacte national ni la Constitution n’étaient « respectés », dans une allusion à cette même réunion. Dans un contexte de bras de fer avec le Premier ministre sortant Nagib Mikati, et de froid avec son principal allié, le Hezbollah, qu’il accuse de l’avoir lâché sur ce coup, le CPL donnait donc l’impression de vouloir assurer une couverture « chrétienne » à son action, de par ces deux entretiens avec le patriarche Béchara Raï. Ce dernier a évoqué l’idée d’un dialogue interchrétien à Bkerké, sans rien promettre cependant. « Toute solution doit passer par un dialogue, a-t-il lancé, mentionnant, soit un dialogue bilatéral, que je mènerai avec chacun des groupes, soit un dialogue général. » Il a toutefois reconnu que cette dernière option s’avérerait « compliquée », au vu des relations hostiles entre les différents pôles chrétiens.
Il convient de rappeler que Mgr Raï, même s’il semblait ne pas approuver la tenue d’un Conseil des ministres en ces circonstances, est également celui qui critique régulièrement les manœuvres politiques (la feuille blanche et le recours au défaut de quorum) qui empêchent l’élection d’un président depuis la fin du mandat Aoun, le 31 octobre dernier. Il a même attaqué de manière virulente, au cours de sa dernière homélie, l’axe de la Moumanaa, pour ces mêmes raisons, dont le principal acteur, le Hezbollah, est l’allié du CPL. Sans compter que cette couverture chrétienne que semble rechercher le CPL n’est pas assurée par d’autres partis dans cette même communauté. Preuve en est, un tweet cinglant de Samir Geagea, hier : « Le dialogue a besoin de gens capables de dialoguer. » Une vraie fin de non-recevoir aux efforts déployés par le CPL hier.
« Coup porté à la République »
Quoi qu’il en soit, Michel Aoun a prononcé une très brève déclaration après sa réunion avec Mgr Raï, lançant à la presse : « Je ne suis pas là pour parler de la présidentielle. » « Le pacte national n’est pas respecté, la Constitution et certains droits non plus », a-t-il encore affirmé. Durant la matinée, Gebran Bassil avait assuré depuis Bkerké qu’il poursuivrait ses contacts au Liban et à l’étranger pour trouver une solution à la crise politique. Il avait indiqué pour sa part, dans une déclaration rapportée sur son compte Twitter, avoir « poursuivi avec le patriarche les discussions sur les efforts déployés pour sortir de la crise ». « Nous sommes ouverts, mais si d’autres que nous ne le sont pas, nous ne pouvons pas les forcer », a-t-il dit. « Nous continuerons à chercher une solution, à l’intérieur du pays et à l’étranger », a-t-il souligné, refusant toutefois de s’attarder sur cette question qu’il devrait évoquer plus longuement dimanche soir dans un entretien télévisé. M. Bassil a de toute évidence évoqué l’épisode du Conseil des ministres de lundi, qu’il avait boycotté mais dont le quorum a été assuré de justesse, provoquant un échange acerbe de communiqués avec le Hezbollah. « Ce qu’il s’est passé sur la question gouvernementale et sur les décrets est un coup porté à l’entité libanaise et à la République et pas seulement à la présidence de la République », a-t-il dénoncé.
Le Liban est dépourvu de pouvoir exécutif, le palais de Baabda restant vide faute d’élection d’un nouveau chef de l’État depuis le départ de Michel Aoun et le cabinet de Nagib Mikati est uniquement chargé des affaires courantes. Le Premier ministre sortant avait convoqué lundi le Conseil des ministres, alors qu’un bras de fer politique oppose M. Mikati au camp aouniste, qui l’accuse de vouloir accaparer les prérogatives du chef de l’État. Cette initiative a été également critiquée par le patriarche Raï qui, lors d’une discussion avec des journalistes présents à Bkerké à l’issue de sa rencontre avec M. Bassil, a estimé, une nouvelle fois, que la réunion du Conseil des ministres « n’aurait pas dû avoir lieu, surtout que plusieurs parties en étaient absentes ».
M. Bassil s’est rendu ces dernières semaines à Paris et au Qatar afin de discuter de la crise politique actuelle. S’il se considère comme un présidentiable « naturel », il n’a toutefois jamais officialisé sa candidature. Depuis le début de la période électorale pour la présidentielle, neuf séances parlementaires successives se sont soldées par autant d’échecs, faute de candidat consensuel entre les parties. Du côté du Hezbollah et de ses alliés, si le parti chiite a affiché sa préférence pour le leader de Zghorta Sleiman Frangié, le CPL n’a aucune intention de voter pour lui. Et du côté de l’opposition, la figure du député de Zghorta également, Michel Moawad, ne fait pas l’unanimité jusqu’ici, notamment auprès de députés issus de la contestation.
Il n’est de l’intérêt d’aucun de ces pourris, quelque soit sa religion ou sa communauté, à ce que notre pays devienne un état de droits, présidé par un chef d’état honnête et patriote et un PM à son image avec qui il formerait un tandem pour remettre sur les rails, justice, finances et économies. Ils continuent de se battre pour arriver au pouvoir afin de pouvoir le maintenir dans le chaos le plus total puisque c’est de cette façon uniquement qu’ils parviendraient à continuer à le racketter et le dépouiller sans être dérangés ni inquiétés. Ils sont la plaie purulente de notre pays.
13 h 50, le 11 décembre 2022