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Société - Corruption

L’affaire des jardins « invisibles » de Beyrouth

L’ancien mohafez de la capitale Ziad Chbib est accusé par un collectif d’avocats d’avoir profité de fonds publics destinés à l’aménagement et l’entretien d’espaces verts dans la capitale. Il nie en bloc et affirme que l’affaire se limite à une question d'un contrat d'entreprise non renouvelé ni remplacé.

L’affaire des jardins « invisibles » de Beyrouth

Un des terres-pleins qui avaient été plantés en 2018, se défend l'ancien mohafez de Beyrouth, et qui n'auraient pas survécu au non-renouvellement des contrats avec la société chargée des plantations et de l'entretien. Photo fournie par Ziad Chbib

L’ancien mohafez de Beyrouth Ziad Chbib se trouve au centre d’une affaire de dilapidation de fonds publics dans le cadre d’un contrat de travaux agricoles dans des jardins municipaux et des terre-pleins centraux de la capitale. Dans les faits, M. Chbib est poursuivi depuis septembre par le procureur général financier Ali Ibrahim, qui a déféré son dossier au premier juge d’instruction de Beyrouth Charbel Abou Samra. Dans l’entourage du juge Abou Samra, on affirme toutefois à L’Orient-Le Jour que ce dernier n’a pas encore réceptionné le dossier. Serait-ce dû à la paralysie actuelle du secteur judiciaire ou à des motifs politiques ?

En 2020, l’Observatoire populaire pour la lutte contre la corruption (un collectif d’avocats et d'activistes) avait présenté à Ali Ibrahim une information judiciaire sur laquelle le magistrat s’est basé pour engager ses poursuites. Selon cette requête, des fonds versés en 2018 par le conseil municipal de Beyrouth pour la création et l’entretien d’espaces verts avaient été détournés à des fins personnelles.

Les investigations menées par l’avocat général financier Hicham Kantar, à la demande de M. Ibrahim, ont mené à la piste de l’ancien mohafez de Beyrouth Ziad Chbib et de « toute personne dont l’enquête révélerait l’implication ».

Où est le « jardin suspendu » ?
« L’enjeu est une somme de 9 milliards 500 millions de livres, équivalant à plus de 6 millions de dollars à l’époque des faits », indique Ali Abbas, un membre du collectif d’avocats. « Le conseil municipal de Beyrouth avait approuvé en 2018 un cahier des charges pour une adjudication de plantation et d’entretien de nombreux arbres et plantes, mais ces travaux n’ont pas été exécutés conformément au document du projet », dénonce-t-il.

Des arbres secs qui n’ont vraisemblablement jamais été plantés, à Beyrouth. Photo envoyée par l’avocat Ali Abbas

L’avocat fait assumer à Ziad Chbib une part de responsabilité dans cette infraction. « Chargé de veiller à l’exécution des décisions du conseil municipal, le mohafez de Beyrouth doit dépenser de façon appropriée les montants consacrés par le conseil au projet de reboisement et de fleurissement », indique M. Abbas. Or, avance-t-il, ces montants ont été payés sans que les travaux ne soient menés à bien. Des oliviers, magnolias, grevillea, caroubiers et pins, parfois facturés 400 dollars la pièce, n’ont jamais été plantés. Avec de telles cultures, Beyrouth aurait ressemblé à un jardin suspendu, alors qu’à l’heure actuelle, nombre de ses espaces soi-disant verts offrent un spectacle désolant d’arbres asséchés par manque d’arrosage, se désole l’activiste.

Contacté par L’Orient-Le Jour, l’ancien mohafez de Beyrouth Ziad Chbib réfute toute accusation portée contre lui. « Les travaux ont été effectués, mais les plantations ont été par la suite négligées. » M. Chbib attribue cette défaillance au fait que « l’année suivante (2019), le conseil municipal n’a ni renouvelé le contrat avec la société Hycon, qui avait remporté l’adjudication ni ne l’a remplacé par un contrat avec une autre entreprise. » L’ancien mohafez exhibe des photos dans lesquelles plusieurs espaces de la capitale sont garnis de plantes et de fleurs respirant la santé. « Cela prouve même que le système d’irrigation avait bien été installé comme le stipulait le contrat », note-t-il.

Une campagne orchestrée

Sur un autre plan, le collectif d’avocats reproche à M. Chbib d’avoir contresigné de « faux procès-verbaux ». Dans un rapport établi en 2019, dont L’OLJ a pris connaissance, des membres d’une commission d’ingénieurs attestent de manière vraisemblablement inexacte que les travaux qu’ils ont réceptionnés avaient été réalisés en conformité au cahier des charges. Au-dessous de leurs signatures, se trouve également celle de l’ancien mohafez. Celui-ci ne s’en cache pas, mais soutient que ce n’est pas à lui de vérifier dans le détail « le nombre des plantations sur le terrain ». « Si les ingénieurs affirment par exemple qu’ils ont compté 1 000 plantes, je n’irai pas les recompter », déclare-t-il, estimant qu’une telle fonction est plutôt de la compétence de l’Inspection centrale ou des inspecteurs municipaux.

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M. Chbib dénonce enfin une campagne orchestrée contre lui par « plusieurs parties » ayant des « intérêts personnels » et se réserve le droit de les poursuivre en diffamation au moment opportun.

Dans une autre direction, Ali Abbas ne manque pas de critiquer les entrepreneurs qui ont pris en charge les travaux agricoles. « L’entreprise Haycon, gérée par un proche de l’ancien chef du gouvernement Saad Hariri Imad el-Khatib, a conclu un contrat de sous-traitance avec une société gérée par Khalil Zeidane pour un montant de 20 % de la valeur du contrat principal », avance-t-il. « D’une part, l’entreprise Haycon aurait ainsi encaissé 80 % de la valeur du projet sans fournir de rendement et, d’autre part, la société Zeidane n’aurait pas correctement exécuté les travaux, probablement parce qu’elle a considéré que la somme reçue ne suffisait pas à cette fin », estime l’avocat.

Imad el-Khatib balaie d’un revers de la main de telles accusations. « Khalil Zeidane, qui a contribué au projet, est un employé de notre société depuis une vingtaine d’années et non un sous-traitant », affirme-t-il. Il assure par ailleurs que les travaux ont été correctement accomplis, mais que le mauvais état des plantations est dû au fait qu’elles n’ont pas été entretenues en raison du non-renouvellement du contrat d’entreprise.

L’entrepreneur affirme en outre que sa société a été soumise à l’enquête du parquet financier, qui, selon lui, n’a pas engagé de poursuites à son encontre. « Nous avons présenté des documents de preuves et serons prêts à le refaire devant le premier juge d’instruction s’il nous convoque », assure-t-il.

En tout état de cause, Ali Abbas déplore « un vol de l’argent des contribuables ». Il invoque le code pénal, selon lequel « tout fonctionnaire qui accepte une rétribution ou un avantage pour lui-même lors de l’accomplissement de sa fonction est passible d’un emprisonnement et de pénalités ». « La loi condamne également le détournement de fonds que le fonctionnaire administre », indique-t-il, mentionnant par ailleurs que le code pénal édicte des peines similaires contre tout corrupteur ou complice de telles infractions. 

L’ancien mohafez de Beyrouth Ziad Chbib se trouve au centre d’une affaire de dilapidation de fonds publics dans le cadre d’un contrat de travaux agricoles dans des jardins municipaux et des terre-pleins centraux de la capitale. Dans les faits, M. Chbib est poursuivi depuis septembre par le procureur général financier Ali Ibrahim, qui a déféré son dossier au premier juge d’instruction...

commentaires (10)

ORCHESTRE OU PAS... LE VOL ET LA MAFIOSITE DE TOUS NOS ABRUTIS INCOMPETENTS SONT DEVENUS PARTIE INTEGRALE DU FOLKLORE NATIONAL LIBANAIS.

LA LIBRE EXPRESSION

14 h 26, le 27 novembre 2022

Tous les commentaires

Commentaires (10)

  • ORCHESTRE OU PAS... LE VOL ET LA MAFIOSITE DE TOUS NOS ABRUTIS INCOMPETENTS SONT DEVENUS PARTIE INTEGRALE DU FOLKLORE NATIONAL LIBANAIS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 26, le 27 novembre 2022

  • EXCELLENT EDITORIAL DE MONSIEUR ISSA GORAIEB.

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 20, le 27 novembre 2022

  • Ces gens sont de la pire espèce tous aussi dégoûtant les uns que les autres. hâte de qui ce trou a rats et partir vivre avec des gens qui ont des valeurs

    kassem chady

    21 h 27, le 26 novembre 2022

  • Mafia land !

    Wow

    20 h 13, le 26 novembre 2022

  • Malheureusement tous corrompus. Le Liban ne changera jamais. Même au palais de justice, un fonctionnaire m’a demandé ouvertement de l’argent pour faire avancer mon affaire. La corruption est dans les gênes des libanais. C’est triste mais c’est la VÉRITÉ

    Elias

    17 h 34, le 26 novembre 2022

  • Ziad Chbib c'est bien le mohafez de sinistre memoire qui a permis a Nabih Berri et ses associes de construire un immeuble "les pieds dans l'eau" a Ramlet el Beida ???? De plus, les travaux de construction de ce meme immeuble avaient bouche un egout principal et avaient transforme l'ouest de Beyrouth en cloaque insalubre ???? Malheureusement, les Libanais, et singulierement la justice de ce pays, ont la memoire courte. Tfeeeeh. Kellon ya3ne kellon.

    Michel Trad

    17 h 11, le 26 novembre 2022

  • Pourquoi croyez-vous qu’ils s’étripent pour occuper un poste censé être de responsabilité si ce n’est que pour se remplir les fouilles. On fera le ménage instantanément, le jour où tous les ministères et fonctions publiques seront étroitement contrôlées par des hommes honnêtes qui feront le nécessaire pour punir tout récalcitrant quelque soit sa fonction ou son grade. En attendant ce sont les voleurs qui se contrôlent entre eux et à qui volera le plus pour batte l’autre en matière de corruption et de trahison. Les autres pays ont compris que l’homme est corrompu par nature et s’il n’est pas contrôlé et limité dans ses actions il va aussi loin qu’il peut puisqu’il ne sera pas jugé ni même inquiété et ils ont été forcé d’être sévères et fermes dans leurs sanctions pour stopper toute corruption. Est ce qu’une action de ce genre verra la jour dans notre pays? En tout cas pas tant que les voleurs sont les gardiens du temple.

    Sissi zayyat

    13 h 49, le 26 novembre 2022

  • Cet observatoire populaire ou populiste n'a trouvé de mieux que d'accuser un ancien juge qui connaît bien sa mission. On aimerait voir ce soit disant observatoire élargir un peu son champ vers le conseil du Sud et d'autres caisses si nombreuses pour détailler les exactions pendant des dizaines d'années. Et Ali Brahim semble oublier qu'il doit s'occuper de la dilapidation de dizaines de milliards puisque c'est son travail en principe, mais, il s'en détourne.

    Esber

    11 h 57, le 26 novembre 2022

  • Ha ha ha ! Cela me rappelle un très beau poème de Georges Schéhadé : " Il y a des jardins qui n’ont plus de pays Et qui sont seuls avec l’eau Des colombes les traversent bleues et sans nid Mais la lune est un cristal de bonheur Et l’enfant se souvient d’un grand désordre clair"

    Chucri Abboud

    11 h 27, le 26 novembre 2022

  • Voilà un exemple type du fameux compromis présidentiel de 2016: Aoun à la présidence, Saad Hariri PM et l’on se partage le gâteau en laissant sur le carreau Berri, d’où sa grande colère et en bernant Geagea qui n’a même pas eu des miettes. Résultat, 40 milliards de dollars de dettes en 6 ans et la faillite de l’Etat dans tous ses services hormis les forces armées légales soutenues par l’Occident

    Lecteur excédé par la censure

    11 h 13, le 26 novembre 2022

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