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Nos Lecteurs ont la Parole

L’indépendance, la dépendance, la malveillance, l’inconscience et moi !

Il paraît que nous sommes un peuple résilient. Personnellement, je dirais que nous sommes un peuple impulsif, instinctif et inconscient. S’il est vrai que nous avons le tour pour braver les difficultés, nous baignons dans un aveuglement qui fausse les données et l’approche des dangers.

Il paraît aussi que nous sommes un peuple fêtard et bon viveur. Nous nous donnons avec grande joie à des festivités, tous genres confondus, pour autant que l’on festoie : fête de ceci, fête de cela, cérémonie par-ci, cérémonie par-là, grand dîner de gala pour telle ou telle cause, congé d’un jour, congé de deux jours, fait-on le pont ou ne le fait-on pas.

Dans cette envolée et cette course folle aux solennités, je comprends donc que le 22 novembre 2022 est une journée décrétée officiellement chômée au Liban pour honorer et commémorer l’indépendance. Des manifestations et des déclarations prendront certainement place, comme à chaque année, pour souligner sciemment, délibérément, volontairement, intentionnellement et publiquement notre indépendance.

Quelque chose m’aurait-il échappé…

Car il est curieux que de causer de souveraineté lorsque nos institutions sont affaiblies dans leur intégrité : corruption, décadence, déchéance de l’autorité font tache d’encre qui ne finit pas de couler.

Bizarre que de converser de notre souveraineté lorsque nous sommes baignés d’impuissance, de faiblesse, de défaillance. Et de malveillance. Comment discuter d’autonomie lorsque nous sommes ligotés par des contraintes, des oppressions et des entraves qui nous enchaînent et qui nous anéantissent ?

Étrange que de parler d’indépendance, lorsque nous en sommes privés : liberté d’expression, d’association, de religion, de croyance, liberté tout court, sont des notions ignorées chez nous et qui de toute manière, même si elles existaient, demeureraient inapplicables, malgré les plaidoiries des plus éminents défenseurs. Inexistantes, malgré cet acharnement à discuter de multiconfessionnalisme tout en affichant fièrement des signes ostentatoires, non pas pour affirmer ou confirmer notre liberté de religion, mais pour brimer la liberté de religion de l’autre, la casser, jusqu’à l’anéantir, pour gagner de la place.

Inapproprié de converser d’indépendance, malgré toutes les expressions que nous hurlons, les déclarations que nous vociférons et les discours que nous acclamons, non pas pour exprimer nos idées mais pour parler plus fort, faire taire les autres, les étouffer, pour les abolir. Incongru, malgré les rassemblements qui se créent, non pas pour nous unir, mais pour souligner nos différences, notre éloignement, notre rupture.

Insolite que de parler d’indépendance lorsque nous en sommes totalement dépossédés, dépouillés du libre exercice de nos droits les plus élémentaires, le droit à la vie dans la sécurité, la dignité et le respect, le droit d’accès aux services les plus communs et les plus élémentaires, le droit à des informations claires, franches, et transparentes sur l’état de notre pays. Droit d’avoir accès aux services publics sans panne et sans rupture, avoir droit à l’éducation, à un enseignement impartial et intègre, droit à être traité également devant les tribunaux, avoir droit d’obtenir des soins médicaux, dans l’égalité et l’équité, droit à des régimes sociaux dans la conformité et la légalité, et j’en passe car la liste est longue…

Dans tous les dictionnaires et toutes les langues, l’indépendance est définie comme étant un ensemble de conditions pour un pays, une nation, un État, où des citoyens libres exercent les principes d’autogouvernance. Pour parler donc d’indépendance, il faudrait une nation, un pays, un État. Penseriez-vous en toute âme et conscience que nous répondons à la définition… Où en sommes-nous de la désignation géographique de notre pays qui devrait être limitée par des frontières reconnues et approuvées ? Que sommes-nous devenus en tant que peuple, déchiré par tant de crises, étouffé par des réfugiés venus de toutes parts sans règlement et sans loi ? Où est notre État ? Nos institutions politiques et judiciaires baignent dans l’inertie totale et se trouvent plongées dans un sommeil prolongé… Où en sommes-nous, en toute conscience, de ces concepts étrangers à notre quotidien : souveraineté, autorité, pouvoir et puissance? Où en sommes-nous de ces notions d’autogouvernance ? Notre conduite personnelle quotidienne est sujette aux aléas qui nous entourent, nos valeurs sont en voie de disparition, étranglées par les difficultés qui nous abattent, nos corporations sont pour la plupart du temps en grève, l’exercice de nos libertés est menacé, voire brimé, les parties politiques prêtent allégeance tantôt à droite, tantôt à gauche, au gré des vents qui soufflent, notre autonomie est en crise, notre avenir est incertain, notre pays se vide.

Nous sommes tombés hélas dans l’incapacité d’exercer toutes les fonctions du pouvoir, sans l’intervention d’une autorité étrangère qu’on ne peut même pas gérer ou modifier, aussi fort soit notre optimisme. Notre accès à l’autonomie, que l’on soit des groupes religieux, des partis politiques, des syndicats, des corporations, des organisations sociales, des unités universitaires, est des plus limité. Où en sommes-nous de la démocratie et de la formule d’Abraham Lincoln qui écrivait que la démocratie est « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple » ?

Où en sommes-nous de la souveraineté qui est notre droit absolu d’exercer notre autorité politique et de l’acclamer? Où en sommes-nous de l’indépendance ?

Je suis une personne normalement constituée et, en tant que personne normalement constituée, je décline les festivités de la fête de l’Indépendance du Liban, par respect à mon intelligence et mon honnêteté.

Je suis en deuil, l’indépendance, par un trop plein de dépendance, de malveillance et d’inconscience, nous l’avons hélas enterrée.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique Courrier n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, L’Orient-Le Jour offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires ni injurieux ni racistes.

Il paraît que nous sommes un peuple résilient. Personnellement, je dirais que nous sommes un peuple impulsif, instinctif et inconscient. S’il est vrai que nous avons le tour pour braver les difficultés, nous baignons dans un aveuglement qui fausse les données et l’approche des dangers. Il paraît aussi que nous sommes un peuple fêtard et bon viveur. Nous nous donnons avec grande joie à...

commentaires (2)

Cher Chico, C'est l'excès d'entourloupes, de mauvais camouflages, de mensonges et de diplomatie à la noix qui nous ont mené à une situation si caduque ! On dirait que le libanais a honte d'appartenir à son pays, un état nation, indépendant. Le Liban ne peut vivre en état sectaire, mais doit être et continuer à être un état de rencontre, un état multiconfessionnel, et rester "un message" comme l'a qualifié le Pape Jean-Paul II. Refuser cet état de fait est un service que nous rendons et un plaisir que nous faisons et à Israël ! Le rattachement des Chrétiens à l'Occident et des Musulmans aux pays Arabes, n'est qu'un réflexe d'infériorité des deux camps qui n'ont pas confiance en eux-mêmes, pas confiance en leur pays, et qui recherchent des appuis extérieurs pour se protéger. Georges Naccache l'avait bien dit : "Deux négations, ne font pas une Nation", de même que deux boiteux ne font pas un coureur de fond.

Checri Fady

11 h 11, le 23 novembre 2022

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Commentaires (2)

  • Cher Chico, C'est l'excès d'entourloupes, de mauvais camouflages, de mensonges et de diplomatie à la noix qui nous ont mené à une situation si caduque ! On dirait que le libanais a honte d'appartenir à son pays, un état nation, indépendant. Le Liban ne peut vivre en état sectaire, mais doit être et continuer à être un état de rencontre, un état multiconfessionnel, et rester "un message" comme l'a qualifié le Pape Jean-Paul II. Refuser cet état de fait est un service que nous rendons et un plaisir que nous faisons et à Israël ! Le rattachement des Chrétiens à l'Occident et des Musulmans aux pays Arabes, n'est qu'un réflexe d'infériorité des deux camps qui n'ont pas confiance en eux-mêmes, pas confiance en leur pays, et qui recherchent des appuis extérieurs pour se protéger. Georges Naccache l'avait bien dit : "Deux négations, ne font pas une Nation", de même que deux boiteux ne font pas un coureur de fond.

    Checri Fady

    11 h 11, le 23 novembre 2022

  • Lorsque , en tant qu'ambassadeur du Liban , je devais de par ma fonction officielle, organiser des receptions à l'occasion du 22 Novembre , j'étais toujours réticent de mentionner , sur les cartons d'invitation que je faisais distribuer , que la réception était à l'occasion de la fête de "l'indépendance" du pays ,afin d'éviter des répliques similaires à cet article de Carole Chelhot ! J'utilisais plutôt les mots : "JOUR NATIONAL DU LIBAN" , ce qui n'était qu,'une géniale petite entourloupette qui évitait toute discussion de ce genre . J'avais aussi, à maintes reprises mais en vain, suggéré à l'administration de préparer un projet d'amendement en ce sens qui serait adopté officiellement par les représentants du peuple , quitte, si besoin est, de changer la date de ce "Jour National"

    Chucri Abboud

    09 h 13, le 23 novembre 2022

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