
Anthony Trad. Photo Camille Ronsin
Lorsqu’il parle de son pays, Anthony Trad, 20 ans, ne cache pas l’amour inconditionnel qu’il éprouve pour lui. « Comme la plupart des jeunes Libanais, j’ai un rapport ambivalent avec le Liban… Il y a, d’un côté, un pays qui s’enfonce de plus en plus dans ses crises, et de l’autre côté, il y a ce peuple, courageux, résilient qui résiste en dépit de tout. » Pourtant, Anthony ne cache pas ses désillusions. « Il y a eu un énorme espoir chez les jeunes qui aspiraient à un changement radical, puis une profonde colère face à l’ampleur de la corruption trop ancrée dans le gouvernement. » Le jeune homme qui poursuit ses études en France confie : « Lors de mon séjour au Liban l’été passé, j’ai vu la misère et le désespoir dans le regard des gens. J’ai ressenti les souffrances du pays, mais j’ai vu également ces jeunes qui continuaient d’étudier, d’entreprendre et de faire la fête, malgré tout. Et là, j’ai ressenti la fierté de ces Libanais et surtout leur immense désir de faire quelque chose pour leur pays, et cela m’a redonné beaucoup d’espoir. Je sais que je ne serai jamais heureux si je ne fais pas quelque chose pour aider mon pays à se relever, en attendant le jour où je reviendrai y vivre pour toujours. »
Aya Abdallah. Photo Gene Han
Aya Abdallah, elle, vient de terminer son master en architecture à la Columbia University à New York. Partagée, elle aussi, entre la déception et l’espoir, elle raconte : « Je pensais que nous pouvions, nous les jeunes, changer les choses. J’étais persuadée qu’un changement aurait lieu. » La jeune architecte, qui a écrit avec deux copines, un livre, Testify4Beirut, publié en 2021 pour garder vivante la mémoire « de toutes ces souffrances vécues par les Libanais » après la double explosion du 4 août 2020, confie que les dernières élections ont brisé ses illusions. « J’ai réalisé qu’en tant qu’individu je ne peux plus rien changer. Et cela a créé en moi un terrible sentiment de découragement », confie-t-elle. Mais lorsqu’elle « a vu les jeunes qui continuent malgré tout de travailler et de créer des projets urbains pour améliorer les conditions du peuple et du pays », cela lui « a redonné un peu d’espoir ».
Élie Alwan. Photo Jean Habchi
Cet attachement au pays est partagé par de nombreux jeunes qui, malgré la gravité et la multiplicité des crises que le pays traverse, demeurent convaincus qu’ils peuvent encore changer les choses. Mary Fersan, étudiante en journalisme à l’Université libanaise déclare avec conviction : « Le Liban a plus que jamais besoin de nous. Et si malgré tout ce que nous, en tant que Libanais, avons enduré, nous avons pu nous relever, rien ne pourra nous arrêter. » « Ma déception a été terrible après la révolution… », souligne-t-elle. Paradoxalement, elle qui n’aspirait qu’à quitter le pays pour poursuivre ses études à l’extérieur confie que c’est après le drame du 4 août 2020, et face à la mobilisation massive de la jeunesse pour venir au secours de la population dans les quartiers dévastés par la double explosion, qu’elle a retrouvé de nouveau ces élans patriotiques, « un sentiment encore plus fort qu’avant. Et surtout une immense fierté envers tous ces jeunes qui se sont démenés » pour venir en aide aux autres.
Mary Fersan. Photo Nadia Damouni
Ce sont les jeunes qui opéreront le changement
Salim Bitar, étudiant en première année de commerce à l’Université La Sagesse, croit lui aussi fermement que ce sont les jeunes qui opéreront un changement dans le pays. « Nous sommes une génération passionnée et nous avons nos propres convictions qui diffèrent de celles de nos parents. Nous ne voulons pas porter les armes pour faire valoir nos droits, mais plutôt faire entendre nos voix, à travers l’élection de personnes qui ont la même vision que nous. Cela se fera petit à petit parce qu’il faut beaucoup de temps pour changer les mentalités », affirme-t-il confiant. Quant à Serena Haddad, étudiante en journalisme, elle croit, elle aussi, aux rôles des jeunes « qui aspirent aujourd’hui à un État de droit où la gouvernance revient à celui qui le mérite, pas à celui qui possède les armes. « Nous sommes une génération d’ouverture et de dialogue », souligne-t-elle fermement. « Notre seule arme, c’est notre éducation qui est hélas en danger. Mais si nous partons tous, le pays, à qui le laisserons-nous ? À ceux qui l’ont détruit ? »
Joe Kazan. Photo Khalil Kazan
Beaucoup de jeunes confient avoir perdu tout espoir dans un changement proche. Jorge Ghorra, qui poursuit des études en économie et finances à l’Université catholique de Lille, est l’un d’eux. Le jeune homme confie ne pas envisager revenir avant quelque temps au Liban, « car il n’y a pas d’avenir pour les jeunes aujourd’hui ». Cela ne veut pas dire abandonner le pays, « s’il faut aider le Liban à se relever, c’est économiquement qu’il faut le faire, en investissant ou en ouvrant une entreprise ou un restaurant, c’est le seul moyen de reconstruire le pays et de rebâtir le Liban qu’ils sont en train de détruire », estime-t-il.
Serena Haddad. Photo Serena Haddad
« Depuis que je suis petit, j’entends mes parents dire : demain les choses iront mieux… », lance quant à lui Élie Alwan, étudiant en dernière année de génie informatique à l’Université libanaise. « Nous avons beaucoup essayé : le soulèvement d’octobre, la mobilisation des jeunes… À quoi cela a-t-il servi ? Et si le 4 août n’a pas changé les choses et remué les esprits, qu’est-ce qui va le faire ? Je n’ai aucun espoir dans ce pays. »
Jorge Ghorra. Photo Nour Yassine
Joe Kazan, étudiant en commerce à l’Université libanaise, partage cet avis. Indiquant que le silence et la résignation des Libanais lui ont laissé un goût amer de déception, il s’indigne : « Si après le 4 août 2020, le peuple ne s’est pas soulevé contre le gouvernement, qu’est-ce qui le fera bouger ? » « Je veux croire que le peuple se soulèvera pour reprendre le pays en main, nuance-t-il toutefois. Et même si aujourd’hui j’ai la possibilité de quitter le pays, je ne le ferai pas. Je suis trop attaché à ma terre pour la laisser aux mains de ces criminels. »
Je suis un peu déçu que vos examples sont a majoritaires chrétiens. Je vis aux États Unis donc il n’y a pas de tabou ou un « filter ». We call them as we see them. Et ce n ‘est pas que je suis pour ou contre telle ou telle communauté mais nous aurons besoin de tous pour réformer notre Liban.
00 h 04, le 25 novembre 2022