Les députés libanais ont échoué jeudi, à l'issue d'une cinquième réunion au Parlement, à élire un successeur au président Michel Aoun dont le mandat a expiré le 31 octobre. Ce nouvel échec est intervenu après que plusieurs parlementaires, notamment du Courant patriotique libre (CPL, aouniste) et du Hezbollah, se sont retirés de la séance à l'issue d'un premier tour de vote, ce qui a abouti à la perte du quorum. Un scénario qui se répète quasiment à chaque séance, traduisant l'impasse politique dans laquelle se trouve le pays, alors qu'aucun accord n'a encore été trouvé entre les partis sur le nom du prochain chef de l'Etat.
Le Liban est officiellement entré depuis le 1er novembre, dans une vacance totale de l'Exécutif, sans président et avec un gouvernement chargé d'expédier les affaires courantes depuis le 22 mai, à la suite des dernières législatives.
Selon le président du Parlement, Nabih Berry, le quorum de 86 députés sur 128 nécessaire a été assuré à l'ouverture de la séance mais a été perdu dès la fin du premier tour de vote.
Après l'ouverture de la séance à 11 h, un total de 108 députés ont voté au premier tour. 44 ont voté pour le parlementaire de Zghorta Michel Moawad qui avait obtenu 39 suffrages lors de la quatrième séance électorale ; 47 ont voté blanc ; 6 ont voté pour le professeur et universitaire respecté Issam Khalifé, un vote est allé à l'ex-ministre Ziad Baroud, un autre à Ziad Hayek, ancien secrétaire général du Haut Conseil pour la privatisation et les partenariats (HCPP), sept on voté "Le nouveau Liban", un "Pour le Liban", et un vote "Plan B" a été annulé.
Après la perte du quorum nécessaire, le vice-président du Parlement, Elias Bou Saab, citant Nabih Berry, a annoncé la tenue d'une nouvelle séance le 17 novembre.
"Défendre les droits des Libanais"
Le député Sami Gemayel (Parti Kataeb/Metn) a déclaré à l'issue de la séance que les articles 49 et 74 de la Constitution libanaise "ne précisent pas que le quorum doit être de deux tiers à l'issue du premier tour de scrutin." Il a ajouté que les députés ont le devoir de respecter et d'appliquer la loi et de rester au sein du Parlement pour élire un nouveau président. M. Gemayel a également exprimé son objection au cours de la session d'aujourd'hui, confrontant Nabih Berry sur la constitutionnalité de sa décision de reprendre les règles d'un vote au premier tour à chaque session électorale présidentielle après la session initiale.
Le député issu de la contestation populaire Melhem Khalaf a affirmé de son côté avoir appelé M. Berry à "garder la séance ouverte jusqu'à ce qu'un nouveau président soit élu". Il a également rappelé qu'un quorum de 86 députés est requis au premier tour et la majorité simple de 65 députés au deuxième pour élire un président.
Le député issu de la contestation populaire Ibrahim Mneimné a pour sa part déclaré qu'il y a eu "une obstruction qui nécessite une initiative", ajoutant que le processus a également "besoin d'un signal, en particulier de l'extérieur, pour que les choses avancent" - une référence apparente à la nécessité d'une intervention étrangère pour faire progresser l'élection présidentielle.
Les députés des Forces du changement se sont partagés entre le vote pour Michel Moawad et celui pour Issam Khalifé.
Prenant la parole après la séance, Issam Khalifé a affirmé avoir accepté de se porter candidat après que des députés issus de la contestation l'aient nommé, assurant qu'il œuvrera "pour défendre les droits des Libanais, l'indépendance et la souveraineté du pays et pour renforcer sa sécurité".
"Candidat sérieux"
Le député des Forces libanaises Georges Adwan a exprimé un sentiment d'espoir après que Michel Moawad ait reçu 44 voix lors de la session de jeudi, disant que le député de Zghorta aurait pu avoir cinq voix supplémentaires de la part des députés qui étaient absents pour des raisons personnelles. M. Adwan a souligné que Michel Moawad a le soutien total du bloc parlementaire des FL, assurant que jeudi prochain il recevra plus de voix "car certains députés nous ont assuré qu'ils voteront pour lui à la suite de certains appels que nous avons eus avec eux". Georges Adwan a ajouté que M. Moawad est "un candidat sérieux".
Il a également affirmé que le candidat a reçu des votes de députés de la contestation populaire et de certains députés sunnites.
Le député de Zghorta et candidat Michel Moawad a estimé que "d'une séance à l'autre, il est clair que le nombre de personnes qui votent pour (lui) augmente alors que toutes les autres propositions tombent", notant que "près de 50" députés le soutiennent. Il a aussi assuré qu'il tentera de "regrouper l'opposition dispersée".
Le député du Courant patriotique libre Alain Aoun a estimé pour sa part que "tant que certains partis ne vont pas changer de candidat", les séances parlementaires ne permettront pas d'élire un président. "Notre choix de voter blanc vise à paver la voie au dialogue et parvenir à un candidat" autour duquel il y a une entente, a-t-il rappelé, alors que le camp aouniste et son allié le Hezbollah, tout comme le mouvement Amal, continuent de voter blanc depuis la première séance.
Le Liban est entré en période d'élection présidentielle le 1er septembre dernier, mais le président du Parlement a attendu jusqu'au 29 septembre pour convoquer une première séance. Face à un camp soudé derrière le Hezbollah et qui vote jusqu'à présent blanc faute d'entente sur un candidat, l’opposition demeure noyée dans ses divergences, accentuées par le schisme au sein du bloc des députés issus de la contestation populaire.
Lors des tours suivants, le président peut être élu avec une majorité absolue de 65 voix. Mais jusque-là, la Chambre n'est toujours pas parvenue à effectuer un deuxième tour de vote, faute de quorum, les députés du camp du Hezbollah et ses alliés se retirant de la séance à l'issue des premiers tours. A chaque nouvelle séance, M. Berry considère qu'il s'agit à nouveau d'un premier tour, et que le nombre de voix requis est de 86 pour élire un président. Ce qui est toutefois contraire à la Constitution.
La communauté internationale appelle sans cesse le pays à mettre un terme au plus vite à cette vacance totale à l'Exécutif et à élire un nouveau chef de l'Etat, alors que le Liban, en grave crise depuis 2019, doit mener des réformes pour obtenir une assistance financière internationale cruciale.
commentaires (25)
On se demande à quel moment les libanais concernés par cette mascarade vont avoir un sursaut de conscience et de dignité en votant tous ensemble pour un président compétent et patriote pour sauver notre pays. Est ce un vœu pieux que de s’imaginer un groupement politique sans zaim ni intérêt autre que celui de leur pays prendre le dessus et enfin agir pour sauver ce qui reste? Ne sont ils pas tous avec leurs familles enfants et vieux dans le même bateau naufragé? Qu’attendent ils pour le sauver?
Sissi zayyat
12 h 13, le 11 novembre 2022