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Bassil ou le chaos

Michel Aoun a quitté Baabda comme il y est entré : en guerre contre le reste du monde et avec la certitude d’être (encore et toujours) « l’Élu ». Pas un mot de regrets, pas un début de mea-culpa, pas une once de remise en question dans son discours. Le président de la République a donné hier le sentiment de ne porter aucune responsabilité dans le bilan en tout point désastreux de son propre mandat. Le général n’est évidemment pas la cause de tous les maux du Liban. Il a raison de dénoncer, hier comme aujourd’hui, la façon dont les différents leaders politiques ont dépecé l’État au profit de leurs intérêts et de ceux de leurs clientèles. Il a raison de pointer du doigt leur allergie à tout embryon de réformes et la corruption endémique qui prévaut en leur sein. Il a raison de demander des comptes au gouverneur de la banque centrale, Riad Salamé, pour la politique monétaire qu’il a appliquée pendant trois décennies et pour les décisions qu’il a prises (avec à chaque fois le soutien d’une bonne partie de la classe politique) depuis l’effondrement de la livre en 2019. Mais contrairement à ce qu’il dit, ce n’est pas sa supposée volonté de changer le « système » qui fait aujourd’hui de Michel Aoun l’un des personnages les plus détestés de la République. C’est plutôt l’immense décalage entre ce qu’il est et ce qu’il prétend être. Sur bien des aspects, le fondateur du CPL a fait pire que ce qu’il reproche à ses adversaires, tout en continuant de se faire passer pour un saint. Il s’est comporté comme tous les autres zaïms, à la seule différence qu’il n’a jamais accepté de partager le pouvoir avec eux. Si Michel Aoun veut changer le « système », ce n’est pas pour le réformer mais pour en être le roi. C’est en cela qu’il est, fondamentalement et plus que tous les autres, une imposture. Le logiciel du général n’a pas changé de 1989 à aujourd’hui. Le chantage reste son arme favorite pour parvenir à ses fins. Ce sera « moi ou personne », a-t-il fait comprendre à l’époque. « Moi ou personne », a-t-il répété entre 2014 et 2016, paralysant les institutions pendant deux ans et demi pour revenir à Baabda. Les termes de l’équation ont désormais un peu évolué, le général ne pouvant plus prétendre à la magistrature suprême. Alors, cette fois-ci, ce sera « Bassil ou personne ».

Dans un entretien accordé à Reuters à 48 heures de la fin de son mandat, Michel Aoun agite le spectre d’un « chaos constitutionnel », avec la perspective d’une vacance présidentielle et d’un gouvernement démissionnaire. Surtout, il lance cette petite phrase tout sauf anodine : « une fois qu’il (Gebran Bassil) sera élu (président), les sanctions disparaîtront. » De cette sortie, l’on peut tirer deux constats inquiétants. Le premier, et on le savait déjà, c’est que Michel Aoun et Gebran Bassil considèrent que le jeu diplomatique fonctionne de la même façon que la politique libanaise, et que tout peut y être marchandé. Dans leur logique, le Trésor américain devrait lever les sanctions contre le chef du CPL pour le remercier de son implication dans la signature de l’accord sur la frontière maritime avec Israël. « Nous ne sommes pas aussi cheap », a déjà répondu l’ambassadrice américaine, Dorothy Shea. Si les États sont avant tout des monstres froids qui s’adaptent en fonction de leurs intérêts, un tel revirement serait des plus surprenants, tant il participerait à décrédibiliser le Trésor et la politique de l’administration Biden au Liban.

Le second, et le plus inquiétant, c’est que le tandem le plus soudé de la République n’a pas renoncé à ce que la présidentielle demeure une affaire familiale. Contesté au sein de son propre parti, isolé sur la scène politique locale, sanctionné par la première puissance mondiale, Gebran Bassil croit encore en ses chances d’être prochainement président. Qu’il ait raison ou non – on penche nettement pour la seconde option – est presque secondaire. S’il pense que le gendre a la moindre possibilité d’accéder à la magistrature suprême, le duo fera absolument tout ce qui est en son pouvoir – y compris du chantage à son seul allié, le Hezbollah – pour y parvenir. Quitte à ce que personne d’autre ne puisse s’asseoir sur le siège présidentiel pendant des mois, voire des années. L’obsession mégalomaniaque de Michel Aoun a déjà coûté très cher au Liban. Mais voilà qu’il doit désormais payer le prix de celle de son gendre.

Michel Aoun a quitté Baabda comme il y est entré : en guerre contre le reste du monde et avec la certitude d’être (encore et toujours) « l’Élu ». Pas un mot de regrets, pas un début de mea-culpa, pas une once de remise en question dans son discours. Le président de la République a donné hier le sentiment de ne porter aucune responsabilité dans le bilan en tout point...

commentaires (16)

Comme l'a très bien dit une ministre europeenne qui connait trés bien le Liban quote: Ce pays est entravé par une corruption de haut niveau à tous les étages ,,,, Le système sectaire allié à d'anciens chefs de guerre a pris l'Etat en otage ,,,unquote Et le pauvre peuple suit ....

Azar Tony

09 h 43, le 03 novembre 2022

Tous les commentaires

Commentaires (16)

  • Comme l'a très bien dit une ministre europeenne qui connait trés bien le Liban quote: Ce pays est entravé par une corruption de haut niveau à tous les étages ,,,, Le système sectaire allié à d'anciens chefs de guerre a pris l'Etat en otage ,,,unquote Et le pauvre peuple suit ....

    Azar Tony

    09 h 43, le 03 novembre 2022

  • This article reflects my thoughts exactly. The FPM is the biggest fraud foisted upon the Lebanese population, Christians in particular. The leaders are cult figures, con artists, self-serving demagogues, faux populists, who swept into power by promising a progressive agenda of hope, change, secularism, fighting corruption, and reforms. After capturing 70% of the Christian vote and a large majority in Parliament, with a sizable number of ministers, and the Presidency, they did not implement any of their promised reforms while claiming to be outsiders, using the slogan "they didn't let us", and became another sectarian Party. Most luminaries have left the Party and what remains are mostly people on their payroll, or benefit from them, and supporters who remain hostages of the cult that the Party has become. The agreement they've struck with Hezbollah to reach the highest echelons of power, further proves that they're not in the business of serving the public, and acting in the best interests of their voter base and the Lebanese population at large. Their leader has come under sanctions for corruption, and still believes he's entitled to become President. The Party is another symbol of nepotism, a family firm aimed at hanging on to power, at all costs. The FPM popularity has peaked as they're unable to attract new talent and generate new ideas. Such Parties are destined to wither and perish.

    Mireille Kang

    22 h 58, le 31 octobre 2022

  • Bassil Président? Bassil Président, qui va le recevoir à l'étranger? Russie, Hongrie, Yémen, Syrie, Iran et la Corée du Nord Tous des pays ultra démocratiques. Dans SES RÊVES!

    Marwan Takchi

    21 h 08, le 31 octobre 2022

  • Très bon article. Mais il semble que tous vos lecteurs assidus n’aient pas capté.

    Citoyen Lambda

    19 h 09, le 31 octobre 2022

  • Excellent article et je suis d'accord sur tout, SAUF la consclusion. Bassil et le CPL finiront comme les nazillons du PSNS. des supporters fanatisés mais de plus en plus en rare jusqu'a disparaitre du parlement. Nous ne soufrirons pas plus que la vue desagreable de leur logo orangé de temps en temps. Sans plus. Leur pouvoir de nuisance est tres largement erodé

    Lebinlon

    13 h 41, le 31 octobre 2022

  • Cette diatribe mal à propos n’est que le reflet de la politique de votre honorable journal

    Hitti arlette

    11 h 27, le 31 octobre 2022

  • Bassil ou le chaos écrivez-vous? Parce que le pays n’est pas devenu le chaos même depuis que cette bande d’incapables et de vendus ont pris le pouvoir sans avoir les rênes? Les libanais vivent depuis des années dans l’enfer et on vient les menacer de chaos? Chercher l’erreur.

    Sissi zayyat

    11 h 08, le 31 octobre 2022

  • Justifier ou expliquer quoi ? Qu’il a été, durant tout son mandat, la cible des micmacs du baltajé et du camp chrétien adverse, qui tous les deux auraient souhaité qu’il n’y ait pas de gaz et de pétrole dans nos eaux territoriales.

    Hitti arlette

    10 h 37, le 31 octobre 2022

  • CE SERAIT LA REPETITION ET LE DEMENTELEMENT DU PAYS ET PROBABLEMENT UNE GUERRE CIVILE TANT IL EST HAI PAR LA MAJORITE ECRASANTE DES CITOYENS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 16, le 31 octobre 2022

  • Un vrai cauchemar !

    Brunet Odile

    09 h 50, le 31 octobre 2022

  • Bon débarras Bye el Kell

    Naji KM

    09 h 44, le 31 octobre 2022

  • Apres moi, le deluge

    Zampano

    07 h 59, le 31 octobre 2022

  • Les Aounistes n'ont plus de cartes a jouer contrairement a ce qu'ils pretendent.

    Ma Realite

    07 h 58, le 31 octobre 2022

  • Bassil KO !

    PROFIL BAS

    07 h 49, le 31 octobre 2022

  • Le premier séjour de Aoun à Baabda, avec sa guerre dite "de libération" suivie de celle "d'élimination", nous avait fait craindre le pire, lors de son retour au palais présidentiel. Et pourtant, je pense que personne ne pouvait imaginer l'enfer où le pats allait plonger sous son règne. Bien sûr, il n'est pas seul coupable, mais, en tant que chef, il reste totalement responsable. S'il n'est pas coupable de la chute du Liban dans le gouffre, il l'est de n'avoir rien fait pour l'enrayer. (Notamment, en refusant la formation dun gouvernement de salut public, et également une enquête internationale sur l'explosion du port). Il semble ne se complaire que dans le chaos: les puissances de l'enfer ont encore de beaux jours au Liban!

    Yves Prevost

    07 h 37, le 31 octobre 2022

  • Exceptionnel! La triste vérité…

    Akote De Laplak

    00 h 34, le 31 octobre 2022

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