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Culture - Musique

Beyrouth Livre(s) : un concert d’anthologie signé Bachar Mar-Khalifé

Trop souvent absent des scènes de son pays natal, l’artiste est venu renouer avec la terre de ses ancêtres pour trois concerts événements, dans le cadre du festival Beyrouth Livres.

Beyrouth Livre(s) : un concert d’anthologie signé Bachar Mar-Khalifé

Le trio Bachar Mar-Khalifé, Dogan Poyraz et Alexander Angelov sublimé par un public en transe. Photo T.R.

Le Libanais exilé à Paris depuis ses 6 ans, qui entretient une relation identitaire complexe avec son pays d’origine, avait déjà attendu longtemps, trop longtemps, diront certains, avant de donner son premier concert au pays du Cèdre. C’était en avril 2016, lors d’un événement organisé par Liban Jazz, où « l’artiste a(vait) hypnotisé un MusicHall conquis par sa poésie et subjugué par sa technique », comme l’écrivait Olivier Gasnier Duparc dans ces colonnes. Malgré le succès de sa venue, il aura fallu attendre quatre ans pour que Bachar Mar-Khalifé revienne, en mars 2020, dans le cadre du festival Beirut and Beyond. Ceux qui y étaient se souviendront qu’il était parvenu à « faire remonter cette fête qui sommeille, ce soleil si libanais, cette joie irrépressible chez un public conquis dès les premières notes et qui dansera tout le concert », témoignait cette fois-ci Emmanuel Khoury.

Le public libanais était donc ravi de retrouver Bachar Mar-Khalifé, non pas pour un, mais une série de trois concerts, dans le cadre du festival Beyrouth Livres. Le 27 octobre, il était à Beit el-Fann, un des centres culturels de Tripoli, où sa performance était associée à une lecture de la poétesse Ryōko Sekiguchi. Le lendemain, vendredi 28 octobre, il se produisait à Deir el-Qamar, au Mir Amin Palace, en compagnie du dessinateur Charles Berberian, où la musique et le dessin projeté offraient un dialogue entre les deux arts. L’artiste s’estime « chanceux d’avoir pu jouer dans ces lieux magnifiques, chargés d’histoire, qui ont permis ces rencontres artistiques uniques ». Et samedi 29 octobre, il livrait un concert inédit sur la Grande Scène du campus de l’Institut français à Beyrouth, dans le cadre de la tournée de son album On/Off.

« On/Off »

Français depuis trente ans, Bachar Mar-Khalifé n’a jamais oublié son pays natal, auquel il s’adresse et qui imprègne chaque ligne de son dernier album, sa création la plus habitée : On/Off, enregistré ici au Liban, sorti il y a deux ans.

En décembre 2019, dans un pays au bord du gouffre économique et du précipice moral, alors que le peuple libanais est encore dans la rue, l’artiste s’est retiré avec deux ingénieurs du son dans les montagnes de Jaj, à une cinquantaine de kilomètres de Beyrouth, dans la maison familiale : « Zakrini » (nom de l’une des chansons phares de l’album). L’équipe est confrontée aux contraintes du pays, à son ambiance d’effondrement, et enregistre l’album au rythme… de l’électricité, qui coupe régulièrement : On/Off. Cette dualité, omniprésente au Liban, depuis ses montagnes natales, glaciales et hostiles la nuit, ensoleillées et sereines le jour, jusque dans les rues de Beyrouth pendant la thaoura, tiraillées entre l’espoir et la colère, deviendra une source d’inspiration, la thématique de l’album, à la fois métaphore et allégorie de l’état du pays.

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Sur des paroles nostalgiques écrites en arabe et en français, porté par des sonorités qui lévitent entre l’électro-rock et le classique, sur une musique bercée de lyrisme oriental, Bachar Mar-Khalifé, en quête constante d’identité, chante son paradis perdu, l’exil, l’amour, l’espoir fragile…

Cet album, il vient enfin lui donner vie, sur la terre de ses origines, dans un concert venu à point pour un peuple libanais à qui un nouveau défi de résilience est imposé.

Off… on !

Sur la pelouse de l’Institut français du Liban, rue de Damas, on sent une attente, une excitation. Bachar est en retard, mais comment lui en vouloir… Pendant le test son, il y aura deux coupures de courant sur la Grande Scène, avant que les lumières ne s’éteignent à nouveau, volontairement cette fois. Après les applaudissements qui marquent l’entrée tant attendue du trio complété par le batteur Dogan Poyraz et le bassiste Alexander Angelov, la foule se tait rapidement quand Bachar Mar-Khalifé s’installe, et sans mots, commence à faire résonner son piano. Instantanément, il sublime la scène.

Lorsque commence à résonner sa voix, sa manière de chanter en arabe résonne comme des airs de prière, renforçant le côté sacré du concert. Il règne d’ailleurs sur la pelouse de l’Institut une atmosphère de recueillement… Sa musique est une véritable caresse auditive, une rêverie où le public est emporté par un piano céleste, des motifs électro énergiques que sa voix, d’une grâce, d’une puissance et d’une portée sans équivoque, complète. L’énergie incroyable du jeune batteur talentueux Dogan Poyraz, soutenue par les lignes de basse hypnotiques d’Alexander Angelov, porte l’ensemble, transporte la foule, partie dans un voyage que l’on aurait souhaité interminable…

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L’artiste franco-libanais est en communion avec le Liban, il communique avec son public retrouvé, trinque un peu de whisky avec lui lorsqu’il s’arrête à la fin d’un morceau pour reprendre son souffle ou faire des remarques qui feront rire l’assemblée. Le concert, tout comme l’album, se fera en clair-obscur, habité par les sonorités habituelles de l’artiste aux réminiscences orientales et aux influences électroniques, entre incantations en arabe et chansons en français. L’énergie du concert, à l’image de la dualité des chansons, des contrastes et des surprises du pays, oscille constamment entre nostalgie et euphorie.

Car lorsque les synthétiseurs résonnent, les corps de ceux qui avaient commencer à onduler au-devant de la scène se lèvent pour danser. Il ne faudra pas longtemps avant que tout le monde soit debout et se mette à danser, jusqu’à la dernière note. La foule, portée par la musique, l’amour et la danse, transcendée par l’énergie du trio, demandera un rappel qui sera presque immédiatement donné, et prolongera de quelques mélodies cet élan de liberté, ce sentiment d’unité, hors du temps, que l’on aurait voulu ne jamais voir s’arrêter.

Promesse tenue… Bachar Mar-Khalifé, homme libre qui à l’heure de mettre sous presse aura déjà quitté le Liban pour retourner en France sur sa tournée qui reprendra le 9 novembre au théâtre du Carré d’argent à Pont-Château, nous aura fait rêver, à nouveau fait danser, « réussi à faire remonter cette fête qui sommeille, ce soleil si libanais, cette joie irrépressible » lors d’un concert d’anthologie, qu’il quitte ému et acclamé par le public, en disant son amour pour Beyrouth, le Liban, et son père, Marcel Khalifé, venu pour l’événement.

Le Libanais exilé à Paris depuis ses 6 ans, qui entretient une relation identitaire complexe avec son pays d’origine, avait déjà attendu longtemps, trop longtemps, diront certains, avant de donner son premier concert au pays du Cèdre. C’était en avril 2016, lors d’un événement organisé par Liban Jazz, où « l’artiste a(vait) hypnotisé un MusicHall conquis par sa poésie et...

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