En visite à Beyrouth dans le cadre d’une tournée régionale, le vice-président de la Banque mondiale pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, Ferid Belhaj, a rendu visite hier à plusieurs hauts responsables libanais, dont le Premier ministre désigné Nagib Mikati, le président de la Chambre Nabih Berry, ou encore le ministre sortant des Finances Youssef Khalil.
Le cadre de la BM doit se rendre au palais présidentiel de Baabda aujourd’hui à la tête de la même délégation, comprenant notamment de Jean-Christophe Carret, directeur des opérations pour le département Moyen-Orient.
Selon les différents comptes rendus publiés à l’issue de ces rendez-vous, Ferid Belhaj a succinctement abordé deux dossiers critiques dans le contexte de crise que connaît le pays depuis l’été 2019 : celui des aides sociales destinées aux Libanais les plus précaires financées par l’organisation internationale et celui de l’électricité publique au Liban, structurellement incapable de financer son carburant et de fournir suffisamment de courant.
Protection sociale
S’agissant du volet social, il a indiqué que la BM était « prête à fournir un financement important au peuple libanais », évoquant une enveloppe allant de 300 à 500 millions de dollars. Toujours selon Farid Belhaj, cette somme pourrait être allouée au financement d’un dispositif de « couverture sociale » destinée à contrebalancer une pauvreté croissante, mais aussi « d’importants projets » liés à la « sécurité alimentaire » et à « l’agriculture durable ».
Ni lui ni le service de presse de la BM que nous avons contacté n’ont communiqué de détails sur ce sujet. L’organisation finance déjà depuis l’hiver dernier – soit avec un an de retard sur le calendrier initialement anticipé – le projet de protection sociale en réponse à une crise d’urgence (ESSN), via un prêt de 246 millions de dollars. Le programme s’étend sur 3 ans et cible environ 150 000 ménages dans un pays où le taux de pauvreté dépasse les 80 % selon l’Escwa. La BM a également assuré un prêt de 150 millions de dollars récemment approuvé par le Parlement, pour subventionner les importations de blé dans le pays, dont la monnaie s’est brutalement dépréciée en trois ans.
Électricité
Ferid Belhaj a été un peu plus exhaustif sur le second dossier. Interrogé lors d’un point de presse au Grand Sérail sur l’avancée du processus de mise en œuvre de l’initiative américaine pour augmenter temporairement les capacités du fournisseur public Électricité du Liban (EDL), le cadre a indirectement laissé entendre que l’organisation n’en assurerait pas le financement tant qu’un paquet de réformes décisives ne seraient pas lancées. « Il y a des réformes importantes que l’État libanais doit entreprendre (…) de manière à nous permettre de commencer à envisager d’aller de l’avant », a notamment déclaré Ferid Belhaj. « Nous sommes prêts à soutenir le Liban, mais ces réformes sont encore loin d’être mises en œuvre aujourd’hui », a-t-il ajouté, citant la hausse des tarifs figés depuis 1994, la mise en place d’une autorité de régulation indépendante ainsi que la complétion d’un audit des comptes d’EDL.
Annoncée en août 2021, l’initiative américaine prévoit d’acheminer via la Syrie du courant produit en Jordanie et du gaz égyptien pour permettre à EDL, dont la production est quasi inexistante depuis plusieurs mois, d’assurer quelques heures de courant de plus par jour. Les États-Unis se sont ainsi engagés à aménager ponctuellement le régime de sanctions adoptées par leur administration à l’encontre du régime syrien et des entités qui font affaires avec lui (via la loi César) pour rendre cette opération possible. Une promesse qui ne prendra effet qu’une fois que toutes les étapes préliminaires seront franchies, dont la validation par la BM d’un prêt d’environ 300 millions de dollars.
Évolution de la communication
Or cette dernière n’a toujours pas donné son accord et les déclarations de Ferid Belhaj marquent une nouvelle évolution de la communication officielle autour de ce dossier.
« Au début, il a été demandé au Liban d’adopter un plan de réforme de l’électricité, ce qui a été fait au printemps dernier. Les trois réformes évoquées par Ferid Belhaj y sont inscrites. Ensuite, la BM a demandé une étude de “faisabilité politique”, une demande assez étrange qui n’a pas été suivie d’effet », se remémore l’expert en politiques énergétiques de l’Institut Issam Farès Marc Ayoub. « Après les élections législatives de mai dernier, quand le gouvernement a démissionné et s’est retrouvé chargé des affaires courantes, la BM s’est mise à insister sur la nécessité pour le Liban d’augmenter les tarifs de l’électricité et de former l’autorité de régulation indépendante, avant tout feu vert de sa part pour débloquer les montants nécessaires à la mise en œuvre de l’initiative américaine », poursuit-il. Une série de conditions auxquelles s’ajoute donc, selon Ferid Belhaj, la finalisation d’un audit des comptes d’EDL. Or les autorités ont déjà confié ce chantier au printemps dernier au cabinet Abousleiman and Co suite à un appel d’offres lancé en décembre 2021. Basée à Beyrouth, la société doit se focaliser sur les années 2020, 2021 et 2022. Mais les travaux n’ont toujours pas commencé, assure le directeur général de la société, Antoun Abousleiman. « Nous avons remporté l’appel d’offres, mais nous attendons que le Parlement valide le contrat du prêt qui doit financer le projet », a-t-il précisé à L’Orient-Le Jour. « Or, il n’y a pas eu d’annonce concernant un autre prêt relatif au secteur de l’électricité que celui de 300 millions de dollars que la BM doit approuver », s’interroge Marc Ayoub.
Pas de nouvelles pour le fuel
Ni EDL ni le ministère de l’Énergie et de l’Eau n’ont répondu à nos sollicitations pour tenter d’y voir plus clair. À noter enfin que si les autorités ont déjà entamé le processus réglementaire de validation de la hausse des tarifs (initiée par le conseil d’administration d’EDL, qui doit ensuite être signée par le ministre de l’Énergie et celui des Finances, avant d’obtenir l’accord du Conseil des ministres ou, à défaut, l’aval d’un décret itinérant), la troisième réforme évoquée par Farid Belhaj, à savoir la formation d’une autorité indépendante de régulation du secteur de l’électricité, ne semble pas non plus sur les bons rails. Marc Ayoub fait remarquer que l’augmentation des tarifs préparée par les autorités est différente de celle qui figure dans le plan adopté au printemps.
Il n’y a enfin toujours aucune nouvelle concernant les deux autres pistes évoquées par les autorités pour approvisionner les centrales d’EDL en carburant, à savoir le mécanisme d’échange de carburant irakien dans le cadre d’un accord initié en 2021 et prolongé cette année, ou celui de livraison de fuel iranien (lui aussi via un mécanisme d’échange).
Traduction littérale de la déclaration de Ferid: "les gars, ce n'est pas un jardin d'enfants, vous aviez bien compris nos demandes... come on"... mais le dévoilement de la vraie pensée de Ferid est: "bande de mafiosis, on n'est pas là pour financer vos activités illégales et destructives pour votre pays..."...
13 h 32, le 26 octobre 2022