À une semaine de la fin du sexennat de Michel Aoun, le vide total – inédit – au niveau de l’exécutif, doublé de craintes quant à un chaos constitutionnel et sécuritaire, s’approche à grands pas. D’autant que la formation d’un nouveau gouvernement semble toujours bloquée par le bras de fer opposant le Premier ministre désigné, Nagib Mikati, au gendre du chef de l’État Gebran Bassil. Un duel tellement corsé que même le Hezbollah semble en avoir assez, au point de décider de freiner ses efforts de médiation visant à accélérer le processus. Le gouvernement risque donc de ne pas voir le jour avant le 31 octobre. Mais au Liban, pays de toutes les surprises, la mise en place d’un cabinet de dernière minute n’est pas à exclure. C’est ce qui fait dire à une personnalité haut placée impliquée dans les tractations que le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, l’homme des missions difficiles qui fait la navette entre MM. Mikati et Bassil, n’a pas encore perdu espoir. Hier, il s’est concerté avec le président Aoun. « Il poursuivra ses efforts jusqu’au 31 octobre, dit-elle à L’Orient-Le Jour. La priorité sera ensuite accordée à l’élection d’un nouveau président. » Elle reconnaît toutefois qu’« on est encore loin de voir le futur cabinet mis sur pied ».
Une affirmation qui contredit les pronostics faisant état d’un forcing du Hezbollah, allié du camp aouniste mais qui veut éviter un scénario de vide aux deux niveaux de l’exécutif, pour rapprocher les points de vue. Sauf que pour les deux principaux concernés, à savoir Gebran Bassil et Nagib Mikati, l’heure n’est pas (encore) aux concessions. Le chef du CPL veut se garantir un rôle décisif en période de vacance présidentielle. Il veut donc avoir son mot à dire dans l’action et la composition d’un cabinet qui sera amené à gérer le pays jusqu’à l’élection du futur président. En face, se dresse un Nagib Mikati qui détient les cartes de la formation de la future équipe et de l’expédition des affaires courantes à travers le cabinet sortant. Conscient de cette position de force, le Premier ministre désigné ne compte pas se plier aux desiderata du gendre de Michel Aoun. « Le processus de formation du cabinet fait du surplace parce que certains acteurs imposent des conditions inacceptables au Premier ministre », affirme à L’OLJ Ali Darwiche, ancien député de Tripoli, proche de Nagib Mikati. Selon lui, le Premier ministre « est clair dans sa volonté de préserver les équilibres politiques au sein de l’équipe sortante. Il opte donc pour un remaniement restreint, dans une volonté de mettre sur pied son équipe dans les plus brefs délais ».
Et la confiance ?
M. Darwiche critique dans ce cadre la démarche de Gebran Bassil. Ce dernier a exigé, dans un premier temps, le changement de six ministres chrétiens gravitant dans son orbite, dont ceux des Affaires étrangères, du Tourisme et d’État pour le Développement administratif. « Nagib Mikati a accepté de remplacer trois de ces ministres chrétiens, ainsi que leurs collègues de l’Économie, Amine Salam (sunnite), des Déplacés, Issam Charafeddine (druze), et des Finances, Youssef Khalil (chiite) », raconte un haut responsable du Hezbollah sous couvert d’anonymat. Sauf que Nagib Mikati a par la suite demandé que le remaniement inclue le ministre de l’Énergie, Walid Fayad (grec-orthodoxe). « Une éventualité que le leader du CPL rejette catégoriquement. Gebran Bassil veut également nommer les trois futurs ministres chrétiens (après avoir accepté de revoir ses ambitions de changer les six à la baisse) et ne communiquer ces noms qu'au moment de l'annonce de la nouvelle équipe depuis Baabda, ce que Nagib Mikati refuse », poursuit ce responsable. « C’est à ce stade que nous avons décidé de freiner notre médiation. Et depuis deux jours, les contacts sont gelés », reconnaît-il.
De source proche de la présidence, on apprend cependant qu’un projet de solution consisterait à ce que Michel Aoun et Nagib Mikati se réunissent pour régler la question du choix des noms des ministres chrétiens. « Au-delà des conditions imposées de part et d’autre, le principal obstacle réside dans le fait que Gebran Bassil refuse que le bloc du Liban fort accorde sa confiance à la future équipe ministérielle », confie une personnalité informée des tractations. Une position qui priverait Nagib Mikati d’un important soutien chrétien, comme ce fut le cas lors de sa désignation pour former le gouvernement. Il avait alors été reconduit à son poste grâce à l’appui du tandem chiite, et en dépit du double veto chrétien du CPL et des Forces libanaises de Samir Geagea. « Nous nous prononcerons au sujet de la confiance après la naissance du cabinet », se contente de commenter César Abi Khalil, député CPL de Aley.
Mais selon les informations de notre chroniqueur politique Mounir Rabih, il serait question, dans les coulisses, d’un scénario selon lequel seuls quelques députés aounistes (notamment ceux qui sont présentés comme hostiles à Gebran Bassil) accorderaient leur confiance à la nouvelle équipe ministérielle. Il s’agirait alors d’une réédition du scénario de la reconduction du président de la Chambre, Nabih Berry, qui a pu récolter quelques voix dans les rangs de ses adversaires aounistes. Mais on n’en est pas encore là. Il faut d’abord que le gouvernement soit mis sur pied. Aux yeux de plusieurs observateurs, Gebran Bassil finira par lâcher du lest sous la pression du Hezbollah. D’ailleurs il est dans l’intérêt du tandem Aoun-Bassil de ne pas voir son plus grand adversaire, Nabih Berry, prendre le pays en main, en l’absence d’un président et d’un cabinet de pleins pouvoirs.
commentaires (6)
Dis, notre Super-Gendre-National...toute cette énergie que tu déploies, ces derniers jours pour affirmer, exiger, refuser...pourquoi ne l'as-tu pas utilisée quand tu étais "ministre de l'énergie...!!!..." pour tenir tes promesses ? Parmi celles-ci: nous fournir l'électricité 24/24 h...??? En définitive, c'est tout ce dont tu es vraiment capable = parler...te vanter...accuser "les autres" pour tenter ainsi de te justifier... - Irène Saïd
Irene Said
10 h 18, le 25 octobre 2022