Rechercher
Rechercher

Politique - Éclairage

Le difficile chemin de Michel Moawad jusqu’à Baabda

Le député de Zghorta doit surmonter un obstacle de taille : le veto du Hezbollah.

Le difficile chemin de Michel Moawad jusqu’à Baabda

Michel Moawad (au centre) entouré des députés de plusieurs groupes de l’opposition lors de la séance du jeudi 20 octobre 2022. Photo Mohammad Yassine.

Michel Moawad sera-t-il le prochain président de la République ? C’est la question que se pose une grande partie des Libanais à seulement dix jours de la fin du mandat de Michel Aoun. Le député réformiste de Zghorta demeure jusqu’ici le seul candidat sérieux de l’opposition au pouvoir en place. Lors de la séance électorale de jeudi, il a d’ailleurs vu son score progresser, passant de 36 voix lors de la première séance, fin septembre, à 42 voix cette fois-ci. Au-delà de la symbolique, ce pas en avant rapproche le chef du mouvement de l’Indépendance de la barre des 65 voix nécessaires à son élection lors du second tour. Toutefois, le chemin de Baabda reste semé d’embûches. L’élection d’un président au Liban est en effet cette fois-ci comme souvent le produit d’un compromis élargi et conclu à l’avance entre les différents protagonistes. Faute de quoi, il suffit qu’un tiers des députés (43) provoque un défaut de quorum pour bloquer l’échéance.

Arithmétique complexe
Pour espérer accéder à la magistrature suprême, Michel Moawad doit donc d’abord fédérer le plus de députés possible autour de sa candidature pour récolter les 65 voix nécessaires à son élection au second tour (il en faut 86 pour être élu dès le premier tour). Pour le moment, les efforts de lobbying intenses du patron du mouvement de l’Indépendance lui ont permis de progresser de six voix, principalement parmi les anciens haririens. Ce chiffre peut même être revu à huit si l’on compte Chawki Daccache (Forces libanaises) et Ihab Matar (indépendant), qui se sont absentés de la séance, se trouvant à l’étranger, et qui avaient soutenu le député de Zghorta lors du premier vote.

Éclairage

« Président de compromis » : à chacun sa définition

Michel Moawad peut donc compter sur le soutien de 44 élus à l’hémicycle et doit encore en rallier 21. Il ne s’agit pas d’une mission impossible pour le candidat, surtout s’il parvient à convaincre les 17 députés ayant déposé un bulletin au nom du "nouveau Liban". Il s’agit principalement de la majorité des députés ex-haririens de la Modération nationale, ainsi que des élus de la contestation et de certains indépendants. Outre les parlementaires de la thaoura qui voient en Michel Moawad une figure traditionnelle du 14 Mars, une grande partie des élus du camp anti-Hezbollah disent refuser de le soutenir simplement parce qu’ils estiment qu’il n’a pas de chance d’être élu à la magistrature suprême. En effet, même s’il avait 65 votes ou plus à son compteur, M. Moawad devra encore braver un obstacle sérieux avant de pouvoir s’installer à Baabda : la question de l’entente, condition sine qua none imposée par le Hezbollah à l’élection d’un chef de l’État.

Lire aussi

Présidentielle : les trois leçons à tirer de l’acte III

La semaine dernière, lors de la deuxième séance électorale (reportée faute de quorum), le député du parti de Dieu Hassan Fadlallah avait coupé l’herbe sous le pied à Michel Moawad. "Une candidature de défi ne conduira qu’à plus de retard dans l’élection, et Michel Moawad en est une", avait-il tranché. Le député de Zghorta, vu comme une figure centrale du camp "souverainiste" opposé aux armes du Hezbollah, devient donc officiellement une option inadmissible pour le camp du 8 Mars. Le secrétaire général du parti de Dieu, Hassan Nasrallah, a, à plusieurs reprises, appelé à un compromis élargi autour d’une figure plus consensuelle. Faute de quoi, le Hezbollah et ses alliés n’hésiteront pas à avoir recours à l’arme (bien qu’anticonstitutionnelle) du défaut de quorum, comme ils l’ont déjà fait la semaine dernière... et plus de 40 fois entre 2014 et 2016 afin d’imposer la candidature de Michel Aoun. Cette arme, utilisée depuis 1982, complique l’arithmétique nécessaire à l’élection d’un président, puisqu’elle octroie à n’importe quel groupe de 43 députés un véritable droit de veto.

Sortir le Hezb de sa passivité
Le camp pro-Moawad n’ignore d’ailleurs pas ces difficultés. "L’élection de Michel Moawad n’est pas impossible, mais elle nécessite quand même un sacré alignement des astres", reconnaît un député de l’opposition. Et de poursuivre : "Nous allons continuer à pousser cette candidature jusqu’au bout : soit pour élire Michel Moawad soit pour pousser le camp pro-Hezbollah à négocier selon nos conditions." C’est ce qu’affirme également à L’Orient-Le Jour le député du Parti national libéral et membre du bloc des FL, Camille Chamoun. "Pour le moment, nous continuons à soutenir Michel Moawad. Si nous nous rendons compte qu’il n’a aucune chance d’être élu, nous pourrions opter pour une figure plus consensuelle, mais à une condition : qu’elle soit souverainiste", précise-t-il.

La logique du camp de l’opposition consiste donc à continuer la bataille aux côtés de Michel Moawad pour lui permettre d’accéder à Baabda. À défaut, ils seraient prêts à revoir leur position en choisissant un candidat plus acceptable aux yeux du Hezbollah. Celui-ci ne semble pas encore engagé dans la bataille, se contentant pour le moment de demander à ses élus et alliés de voter blanc. L’idée derrière les calculs du camp adverse serait d’amasser le plus de votes en faveur de Michel Moawad afin de faire sortir le parti jaune de cette passivité. Fort de cette dynamique, ce camp pourrait par la suite négocier avec le Hezbollah autour d’une candidature moins clivante. "On pourrait alors mettre en avant les noms de Salah Honein, Nehmat Frem ou même de Joseph Aoun (le commandant en chef de l’armée)", estime un député de l’opposition.

Michel Moawad sera-t-il le prochain président de la République ? C’est la question que se pose une grande partie des Libanais à seulement dix jours de la fin du mandat de Michel Aoun. Le député réformiste de Zghorta demeure jusqu’ici le seul candidat sérieux de l’opposition au pouvoir en place. Lors de la séance électorale de jeudi, il a d’ailleurs vu son score...

commentaires (10)

L’inventeur de 2/3 des députés au premier tour; je peux comprendre. Cependant il devra y a avoir un seul premier tour et non pas à chaque fois qu’ils se réunissent ils s’amusent à faire premier tour. Autrement c’est l’odyssey!

Georges S.

19 h 45, le 21 octobre 2022

Tous les commentaires

Commentaires (10)

  • L’inventeur de 2/3 des députés au premier tour; je peux comprendre. Cependant il devra y a avoir un seul premier tour et non pas à chaque fois qu’ils se réunissent ils s’amusent à faire premier tour. Autrement c’est l’odyssey!

    Georges S.

    19 h 45, le 21 octobre 2022

  • Pour que l'arithmétique soit exacte il faut inclure les variables non prises en compte telle que la trouille de certains députés face au 100000 porteurs de silencieux copains des 100000 fusées, ou telle que ces grosses têtes qui se voient bien plus importants que la Patrie ou aussi ces députés plus sensibles à l'importance de leurs poches qu'à l'importance du bien-être de leurs citoyens...

    Wlek Sanferlou

    17 h 17, le 21 octobre 2022

  • AUJOURD,HUI AVEC LE MINI ETAT DEVENU ETAT PETROLIER REVENT CEUX QUI CROIENT IMPOSER UN PRESIDENT SANS L,ACCORD OU PLUTOT L,APPARTENANCE AU CAMP DES BARBUS. - IL RESTE UNE POSSIBILITE, UN ACCORD USA-PARIS-ARABIE SAOUDITE. L,IRAN N,OSERA RIEN ENTREPRENDRE. IL FAUT BRISER LE MAL ET COUPER TOUTES LES TETES DE L,HYDRE AUJOURD,HUI ET NON DEMAIN.

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 06, le 21 octobre 2022

  • Il ne le sera jamais malgré les bombances auxquelles il convie les diplomates et surtout les américains d’entre eux. Concernant l’avancée enregistrée hier au cours de la séance électorale, elle reste maigre et ne le mènera pas très loin . Au prochain candidat M. Hijazi

    Hitti arlette

    13 h 27, le 21 octobre 2022

  • Les 17 voix pour « un Liban nouveau » ne font en réalité que contribuer à maintenir le Liban archaique d’aujourd’hui et empecher tout renouveau. Quant aux elections présidentielles c’est une mascarade , ces regles de quorum et 2/3 empeche toute election d’un président qui va changer les choses . Le president consensuel fruit d’accords faits avec toutes les parties n’est en fait qu’un fantoche qui sera à Baabda que pour le folklore.

    JPF

    00 h 04, le 21 octobre 2022

  • "… pour récolter les 65 voix nécessaires à son élection au second tour (il en faut 86 pour être élu dès le premier tour) …" - Question: le premier tours ça dure combien de tours? Aujourd’hui ce n’était pas déjà le troisième tour? J’ai raté quelque chose?

    Gros Gnon

    20 h 34, le 20 octobre 2022

  • C'est quoi cette mascarade de "consensuel" ??? Que tous aillent voter. Celui ou celle qui aura la majorité sera élue. Et basta. Pour la classe au pouvoir actuellement , le candidat de défi est celui qui ose parler de la souverainté totale de l'état. Celui qui osera ( ou tentera) de fermer les frontières de contrebande. Celui qui osera contester toute opération militaire ou toute déclaration crétine comme celle du soi disant ministre de l'inculture. Bref, un président consusuel pour ces gens, c'est celle/ celui qui se fera marcher dessus et regardera ailleurs comme l'a toujours fait l'actuel locataire de Baabda. Bref, cette aberration de consensuel n'existe QUE depuis que la moumanaa occupe le liban et gère la vie des libanais. De sorte à pouvoir garder la main sur le pays. Un président consensuel sera celui qui n'osera pas dire ouvrir la bouche.

    LE FRANCOPHONE

    19 h 41, le 20 octobre 2022

  • Très belle analyses, mais en deux mots, se que le groupement parlementaire du 8 Mars pratique c'est du "chantage politique". Qui se fout de la constitution et de la démocratie.

    Sarkis Dina

    19 h 38, le 20 octobre 2022

  • 17 voies pour "Liban nouveau ", et un vote annulé. Si ces députés n'avaient pas fait les imbéciles, Loawad pouvait obtenir 60 voix. 119 députés ont pris part à l'élection. La majorité absolue requise était donc exactement de 60. Nous aurions aujourd'hui un presid6 et, ce qui est plus import, un président n'ayant pas conclu de pacte avec le (parti du) diable.

    Yves Prevost

    18 h 51, le 20 octobre 2022

  • Présenté par Geagea, on lui a calqué l'image du défi tellement voulu par le chef des FL vis-à-vis du parti adverse. Il a échappé à Samir que cette affaire du quorum à 86 députés, est en réalité un défi contre la démocratie. Moawad pourrait sûrement devenir président si l'on se conforme à la démocratie du 51% des députés présents. Mais qui a inventé cette difficile équation du quorum des 2/3? Oui, on parle de la démocratie consensus à la libanaise.

    Esber

    17 h 58, le 20 octobre 2022

Retour en haut