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Société - Drames

L’armée avance dans l’enquête sur le naufrage de Tartous

Il semble que la plupart des Syriens qui prennent le bateau à partir des côtes libanaises ne sont pas des réfugiés, mais des citoyens fraîchement débarqués, tentés par une « facture » moins onéreuse qu’en Turquie.

L’armée avance dans l’enquête sur le naufrage de Tartous

Des sauveteurs à la recherche de survivants et de victimes au large de Tartous, le 22 septembre courant, après le terrible drame qui a fait une centaine de morts. Photo AFP

Les services de renseignements de l’armée ont mis la main sur B.D., organisateur présumé de la traversée qui a fait plus d’une centaine de morts, lors du naufrage jeudi, au large de Tartous, d’un bateau de migrants. Selon un communiqué de l’armée, l’homme a avoué son implication dans cette affaire, et confirmé être à la tête d’un réseau de passeurs d’immigrants illégaux à partir des côtes libanaises nord, allant de Arida (Akkar, à la frontière) à Minié. Une source de sécurité haut placée confirme à L’Orient-Le Jour que les forces de sécurité ont suivi B.D., surnommé Abou Ali Nadim, depuis le départ du bateau le 21 septembre dernier. Elle ajoute que sept autres personnes ont été arrêtées dans le cadre de cette même affaire. B.D., lui, était en cavale, et a été interpellé à Tripoli malgré toutes les précautions qu’il prend lors de ses déplacements. Il a des antécédents non seulement dans l’organisation de traversées illégales, mais dans le trafic de drogue également. Et c’est lui qui a préparé l’intégralité de la traversée, qui a fait une centaine de morts, dans tous ses détails logistiques, facturant 5 000 dollars par adulte et 2 000 par enfant. Selon cette même source, B.D. est surnommé «le zaïm des passeurs » dans son village natal de Bebnine au Akkar. Il aurait déjà amassé une fortune énorme de ce trafic d’êtres humains : pour la dernière traversée seulement, celle qui s’est terminée tragiquement à Tartous, il aurait empoché un demi-million de dollars.

Un flux qui fait hausser les prix

Un habitant de Bebnine, qui a requis l’anonymat, précise cependant que l’homme aux mains des autorités n’est pas le seul passeur de la région, d’autres individus du Akkar sont en contact avec des familles syriennes en vue de leur proposer des traversées vers l’Europe. Leur principal argument : passer par les côtes nord du Liban coûte considérablement moins cher et se révèle moins compliqué que de passer par la Turquie.

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À ce propos, la journaliste Jana el-Douhaybi, qui a suivi les réseaux et leur fonctionnement en Syrie, précise à L’OLJ que la plupart des Syriens qui prennent la mer à partir du Liban ne sont pas des réfugiés dans ce pays, mais des citoyens qui passent la frontière par les points de passage illégaux. Selon des témoins cités par la journaliste, les réfugiés ne constituent qu’environ 5 % des migrants illégaux. Or ce sont les Syriens fraîchement débarqués de leur pays, désireux d’en finir avec la dégradation économique qu’ils endurent chez eux, qui font vivre cette filière de passeurs. Et c’est en raison de ce flux incessant que les prix des places sur les bateaux ont tellement augmenté, atteignant les 5 à 7 000 dollars par personne, ce qui oblige certaines familles à s’acquitter de près de 40 000 dollars pour assurer la traversée vers l’Europe, après avoir vendu tous leurs avoirs, selon Douhaybi. En comparaison, le passage en Turquie et le prix des traversées à partir de ce pays coûtent beaucoup plus cher. La journaliste libanaise qualifie ce trafic de « crime organisé », qui bénéficie probablement de complicités au sein des forces de l’ordre syriennes.

Des trafiquants d’êtres humains, pas de simples passeurs

Certains soupçonnent également l’existence de complicités au sein de certaines forces de l’ordre libanaises. La source de sécurité interrogée dément formellement estimant qu’il s’agit de rumeurs que font circuler les passeurs eux-mêmes en vue d’extirper des sommes supplémentaires aux migrants, sous prétexte de devoir payer des pots-de-vin.

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Une autre question épineuse est celle de savoir pourquoi les passeurs arrêtés sont trop souvent relâchés au bout de quelques jours. Selon cette même source sécuritaire, c’est à la justice qu’incombe la tâche de garder les malfaiteurs sous les verrous et de les juger. Or les lenteurs judiciaires, tout comme la grève des juges qui dure depuis des semaines, compliquent cette tâche.

Zaher Matraji, un avocat qui suit de près ce dossier, nous affirme que des mesures beaucoup plus strictes doivent être prises en vue de mettre un terme à cette activité illicite. « Beaucoup de familles candidates à l’émigration en sont empêchées par l’armée, mais elles se tournent une nouvelle fois vers les passeurs dès que ceux-ci sont relâchés par les autorités », déplore-t-il.

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Selon l’avocat, le problème est dans la loi qui considère ces passeurs comme de simples facilitateurs et organisateurs de ces traversées illégales, alors qu’elle devrait les considérer comme des trafiquants d’êtres humains, et leur imposer des peines beaucoup plus lourdes.

Les services de renseignements de l’armée ont mis la main sur B.D., organisateur présumé de la traversée qui a fait plus d’une centaine de morts, lors du naufrage jeudi, au large de Tartous, d’un bateau de migrants. Selon un communiqué de l’armée, l’homme a avoué son implication dans cette affaire, et confirmé être à la tête d’un réseau de passeurs d’immigrants illégaux...

commentaires (1)

Mais c’est sûr que dans ce repère de criminels, de crapules, de corruption rampante et d’immoralité absolue qu’est devenu le pays, quelques passeurs par ci et par là, seront considérés comme de simples opérateurs de tours de voyage en bateau, un peu risqués, certes, mais quand on vit dans la loi de la jungle, on finit par trouver ça normal…La centaine de naufragés: Eh ben, c’est un vulgaire accident, la fatalité quoi…on oubliera tout cela dans quelques semaines, le passeur libéré reprendra du boulot et…jusqu’au prochain accident…Lorsqu’on pense à l’explosion monstrueuse du port de Beyrouth encore impunie à ce jour, ces naufrages vont demeurer des faits divers, rien de plus…et vogue la galère…

Saliba Nouhad

14 h 24, le 28 septembre 2022

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Commentaires (1)

  • Mais c’est sûr que dans ce repère de criminels, de crapules, de corruption rampante et d’immoralité absolue qu’est devenu le pays, quelques passeurs par ci et par là, seront considérés comme de simples opérateurs de tours de voyage en bateau, un peu risqués, certes, mais quand on vit dans la loi de la jungle, on finit par trouver ça normal…La centaine de naufragés: Eh ben, c’est un vulgaire accident, la fatalité quoi…on oubliera tout cela dans quelques semaines, le passeur libéré reprendra du boulot et…jusqu’au prochain accident…Lorsqu’on pense à l’explosion monstrueuse du port de Beyrouth encore impunie à ce jour, ces naufrages vont demeurer des faits divers, rien de plus…et vogue la galère…

    Saliba Nouhad

    14 h 24, le 28 septembre 2022

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