Rechercher
Rechercher

Société - Drame de l’émigration clandestine

« Ils poussent nos enfants vers une mort certaine »

Les familles de Tripoli restent choquées par la disparition de leurs proches dans le naufrage d’un bateau au large de Tartous, en Syrie. Le décompte des victimes passe à plus de 100.

« Ils poussent nos enfants vers une mort certaine »

La colère se mêle au chagrin pendant les funérailles de l’une des victimes à Tripoli, dont le corps a été rapatrié de Tartous, où a eu lieu le drame du naufrage de migrants. Fathi al-Masri/AFP

Dans sa maison plongée dans la pénombre en raison des coupures ininterrompues d’électricité, à Bab el-Ramel, l’un des quartiers les plus populaires de Tripoli, Oum Moustapha Mesto pleure la mort de son fils et de trois de ses petits-enfants. De toute cette famille qui avait tenté l’immigration illégale sur un bateau qui a fait naufrage jeudi au large de Tartous, en Syrie, seule la mère et l’un des enfants ont survécu. Entourée de femmes toutes de noir vêtues et en larmes, Oum Moustapha Mesto lève les bras au ciel, maudissant sans arrêt l’ensemble de la classe politique. « Ils nous poussent et poussent nos enfants vers une mort certaine ! »

Oum Moustapha Mesto n’arrive pas à croire que son fils, 35 ans à peine, est parti. Elle raconte que ce chauffeur de taxi était désespéré, n’arrivant plus à s’adapter aux grands changements. « Il a décidé de vendre tout ce qu’il avait pour rassembler les 15 000 dollars à payer aux trafiquants de vies humaines, afin de se trouver une place sur l’un des bateaux de la mort qui quittent Tripoli vers l’Europe, sanglote-t-elle. Il y voyait une planche de salut, une possibilité de nourrir et d’éduquer ses enfants. » La mère éplorée raconte avoir tenté de dissuader son fils, en vain, et n’avoir eu vent de son départ que quand lui est parvenue la terrible nouvelle de sa noyade. La tante de Moustapha renchérit : il a été victime d’un piège tendu par une mafia qui a exploité son désespoir.

Lire aussi

Ces Libanais prêts à tout pour fuir, quitte à en mourir

Le bilan du naufrage d’un bateau de migrants qui a coulé jeudi au large de la Syrie s’est alourdi à plus de 100 morts hier, selon un décompte du directeur du port syrien de Banias, Nawfak Ibrahim. Ce nouveau bilan a été annoncé après que six nouvelles dépouilles mortelles ont été retrouvées et transférées à l’hôpital al-Bassel de Tartous, selon notre correspondant Michel Hallak.

D’après des sources au sein de la Croix-Rouge, 17 personnes qui se trouvaient à bord de l’embarcation sont toujours portées disparues. Cependant, le secrétaire général du Haut Comité de secours libanais, Mohammad Kheir, a déclaré que le propriétaire du bateau n’a pas pu fournir le nombre exact des passagers embarqués, ce qui complique l’estimation du nombre de personnes disparues. Certaines estimations chiffrent aux alentours de 150 le nombre de personnes qui se trouvaient à bord de l’embarcation de fortune qui a sombré au large de Tartous, à quelque 50 kilomètres (30 miles) au nord de Tripoli.

Au moins 14 survivants sont en convalescence dans des hôpitaux en Syrie, tandis que six autres ont été libérés. Deux sont toujours aux soins intensifs à l’hôpital al-Bassel, a rapporté hier l’agence de presse officielle syrienne SANA. Les personnes à bord étaient pour la plupart des Libanais, des Syriens et des Palestiniens, et comprenaient des enfants et des personnes âgées, a indiqué l’ONU. Selon l’Unicef, dix enfants figurent parmi les naufragés.

Samedi, l’armée avait annoncé l’arrestation d’un homme accusé d’être impliqué dans les préparatifs de départ de l’embarcation de migrants.

« Nous ne l’avons pas cru »

Dans le quartier de Bab el-Tebbané, l’un des plus pauvres du Liban sans aucun doute, vit Wissam el-Tellaoui, l’un des rescapés du drame qui lui aura enlevé toute sa famille : sa femme et deux de ses enfants figurent parmi les disparus, deux autres de ses filles, May et Maya, ont péri dans le naufrage, et leurs corps ont été rapatriés au Liban et enterrés dans leur région natale du Akkar. Le père, lui, se trouve toujours à l’hôpital al-Bassel, à Tartous.

Dans le domicile du rescapé, tout lézardé, un bâtiment de fortune entouré d’autres bâtisses tout aussi vétustes, Abdallah, le frère de Wissam, pleure la mort de ses neveux. « Wissam travaille dans une entreprise de nettoyage, il a vu son salaire réduit à 25 dollars, déplore-t-il. Il nous a prévenus qu’il allait tenter l’immigration illégale avec sa famille, mais nous ne l’avons pas cru. Il n’arrivait plus à nourrir ses enfants, ni à leur assurer une éducation. »

Lire aussi

Les candidats à la migration à partir du Liban ont plus que doublé en 2022

Les nouvelles des naufrages de bateaux ne semblent pas dissuader d’autres habitants en détresse de suivre cette même voie. Rabih est un voisin de Wissam, il pense que tous les habitants de ces quartiers abandonnés à leur triste sort rêvent de prendre le bateau, malgré tous les dangers. « Les départs de Tripoli sont quasiment quotidiens, tous les jours je me réveille sur la nouvelle de la disparition de l’une ou l’autre de mes connaissances », dit-il. Selon lui, les jeunes entre 20 et 40 ans sont terrorisés à l’idée de servir de chair à canon dans de nouveaux rounds de violence dans la ville, en prévision des importantes échéances à venir, comme cela a souvent été le cas.

Pour l’avocat et activiste Mohammad Sablouh, la misère est la motivation principale de ces départs à haut risque. Les initiatives des organisations non gouvernementales ne suffisent plus, il faut une action de développement urgente et coordonnée de la part des organismes de l’État.

Dans sa maison plongée dans la pénombre en raison des coupures ininterrompues d’électricité, à Bab el-Ramel, l’un des quartiers les plus populaires de Tripoli, Oum Moustapha Mesto pleure la mort de son fils et de trois de ses petits-enfants. De toute cette famille qui avait tenté l’immigration illégale sur un bateau qui a fait naufrage jeudi au large de Tartous, en Syrie, seule la...

commentaires (2)

Avoir des enfants et pouvoir les nourrir est devenu un luxe de riches!

Politiquement incorrect(e)

12 h 52, le 29 septembre 2022

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Avoir des enfants et pouvoir les nourrir est devenu un luxe de riches!

    Politiquement incorrect(e)

    12 h 52, le 29 septembre 2022

  • M. El Tallouni veut une famille nombreuse (au moins 4 enfants) mais n’a pas les moyens de soutenir le train de vie de sa famille. Ce n’est pas à l’état ou à ses concitoyens responsables de payer pour son manque de responsabilité et de subventionner sa natalité .

    Mago1

    12 h 00, le 26 septembre 2022

Retour en haut