« Cette fois-ci, la réunion a duré une demi-heure et non quelques minutes. Lorsque je serai rentré de voyage, je me réunirai à nouveau avec le président Aoun. Et je ne quitterai pas le palais avant d’avoir formé un gouvernement, même si je devrais dormir à Baabda. » C’est un Nagib Mikati beaucoup plus conciliant et particulièrement déterminé à accomplir sa mission sans plus tarder qui s’est exprimé hier depuis le palais présidentiel.
Une attitude pour le moins surprenante, d’autant plus que l’entretien entre les deux présidents est intervenu alors que leurs relations sont au plus bas. Le camp du président ne cesse d’accuser le Premier ministre désigné de blocage à dessein, insistant sur le fait qu’un cabinet sortant ne peut pas exercer les prérogatives du chef de l’État après la fin du mandat. Pour sa part, le Premier ministre désigné, soutenu notamment par le président du Parlement Nabih Berry, faisait montre d’intransigeance face aux conditions aounistes pour faciliter la mise en place de son équipe. La fin de la récréation a-t-elle donc sonné ?
« Nous espérons que l’optimisme affiché par M. Mikati cette fois-ci soit beaucoup plus qu’une simple impression », commente pour L’Orient-Le Jour un proche de la présidence. « Si les discussions d’hier ont porté sur le déplacement du Premier ministre sortant à Londres (pour les funérailles d’Elizabeth II prévues lundi) et à New York (pour participer à l’Assemblée générale des Nations unies), la prochaine réunion portera exclusivement sur le processus gouvernemental. Car il semble que le Premier ministre désigné a pris conscience de la nécessité de former un gouvernement de pleins pouvoirs dans les plus brefs délais », ajoute-t-il.
Forcing de la France et du Hezbollah
Comment expliquer cette soudaine « prise de conscience » alors qu’il y a quelques jours, Nagib Mikati clamait haut et fort qu’en cas de vacance à la magistrature suprême, le cabinet sortant exerce, de par la Constitution, les prérogatives du chef de l’État ? « La nouvelle attitude de Nagib Mikati serait le fruit de contacts récemment menés par les Français, son principal soutien international, et le Hezbollah, qui a largement contribué à sa reconduction au Sérail », affirme une source qui suit de près la question gouvernementale. Ces affirmations se recoupent avec des informations obtenues par L’Orient-Le Jour selon lesquelles le Hezbollah, qui craint une dégradation de la situation sécuritaire dans le pays en cas de vacance totale au niveau de l’exécutif, aurait mis tout son poids dans la balance pour accélérer la formation du cabinet. Ce sont surtout les menaces voilées lancées par son allié qui l’auraient poussé à passer à la vitesse supérieure. En début de semaine, Michel Aoun menaçait de ne quitter Baabda que si la situation était « normale », sans expliquer ce qu’il voulait dire par cela.
« Nous voulons voir le gouvernement formé rapidement. Mais nous ne pouvons que présenter des conseils aux protagonistes concernés », se contente de dire un responsable au sein du parti chiite. « Nous sommes pour toute option à même de remplir cet objectif », ajoute-t-il. Il commentait des informations selon lesquelles le Hezbollah aurait pu convaincre Michel Aoun de renoncer à l’idée d’incorporer six ministres politiques à l’équipe sortante. Plus tôt dans la journée, le secrétaire général adjoint du Hezbollah, le cheikh Naïm Kassem, s’était prononcé sur l’affaire. « Il est possible de garder les mêmes ministres et responsables ou d’apporter de légères modifications (à la composition de l’équipe sortante) afin de permettre la mise en place d’un cabinet », a-t-il déclaré devant des cadres de son parti. Et le dignitaire de rappeler que la genèse d’un gouvernement « faciliterait l’élection d’un président (…) ». « Il ne faut pas s’accrocher à des conditions car l’intérêt du pays réside dans la formation d’un gouvernement et l’élection d’un nouveau chef de l’État », a encore dit le cheikh Kassem, dans un message implicite au camp présidentiel.
Malgré ces pressions, il serait prématuré de célébrer d’ores et déjà la fin de cette crise. « Tout dépendra des contacts que le Premier ministre désigné mènera avec le président à son retour », confie un proche de Baabda.
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QUI NE CONNAIT PAS LES DEUX PYGMEES PEUT REVER DE GOUVERNEMENT ET DE PRESIDENTIELLE.
LA LIBRE EXPRESSION
12 h 58, le 16 septembre 2022