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Société - Double explosion au port

Débat houleux au sein du CSM sur la nomination d’un juge suppléant à Tarek Bitar

Si le pouvoir politique continue d’entraver les nominations qui réactiveraient l’enquête de Tarek Bitar, l’organe juridictionnel présidé par le juge Souheil Abboud pourrait recourir à une autre solution : réunir l’assemblée de la Cour de cassation avec les intérimaires.

Débat houleux au sein du CSM sur la nomination d’un juge suppléant à Tarek Bitar

Les familles des victimes de la double explosion au port de Beyrouth brandissant les portraits de leurs enfants devant la gigantesque scène de crime, le 4 novembre 2021. Ils refusent aujourd’hui la nomination d’un juge suppléant. Photo d’archives Mohammad Yassine

Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) n’est pas parvenu à s’entendre sur la désignation d’un magistrat afin de remplacer le juge d’instruction près la Cour de justice Tarek Bitar pour les questions liées aux détenus dans l’affaire de la double explosion au port de Beyrouth (4 août 2020). Lors de la réunion, qui s’est tenue mardi, un débat houleux de près de quatre heures a éclaté au sujet de la possibilité de nommer à ce poste intérimaire la première juge d’instruction du Liban-Nord Samaranda Nassar, réputée proche du camp aouniste. Cela a conduit le président du CSM Souheil Abboud à lever la séance et à la reporter à mardi prochain.

Sur proposition du ministre de la Justice Henri Khoury, le CSM avait approuvé le 6 septembre courant le principe de nomination d’un juge pour plancher sur les questions « urgentes », notamment celles des personnes incarcérées. La décision avait provoqué une levée de boucliers autant dans les rangs des familles des victimes que dans les milieux juridiques. Une source judiciaire affirme à L’Orient-Le Jour que le CSM avait assorti sa décision de la condition de « nommer un juge qui soit à égale distance de toutes les parties, notamment de celles qui sont concernées par l’enquête ». Or, toujours selon la source précitée, Samaranda Nassar, du fait de ses sympathies partisanes présumées, ne pourrait préserver sa neutralité face à la demande de remise en liberté du directeur des douanes Badri Daher, lui aussi proche du camp présidentiel et sous les verrous depuis août 2020.

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Selon nos informations, sept membres ont participé à la réunion : outre M. Abboud, il y avait les juges Afif Hakim, Dany Chebli, Mireille Haddad, Élias Richa, Habib Mezher et le chef du parquet de cassation Ghassan Oueidate. Ce dernier ne peut participer au vote, puisqu’il s’était récusé dès décembre 2020 en raison de son lien de parenté avec le député berryste Ghazi Zeaïter, mis en cause par le juge Bitar.

Khoury signera-t-il les nominations ?

La nomination d’un juge suppléant a été interprétée, par ses détracteurs, comme une tentative désignée pour évincer le juge en charge de l’enquête Tarek Bitar, dont le travail est court-circuité notamment par des recours pour « fautes lourdes » à son encontre, et dont usent et abusent des responsables mis en cause. Pourquoi, au lieu de nommer un juge suppléant, ne pas écarter les entraves à l’enquête de Bitar ? La réponse est à chercher encore une fois dans des manœuvres politiciennes visant à empêcher que les recours qui paralysent l’activité du juge ne soient tranchés.

En effet, l’assemblée plénière de la Cour de cassation, compétente pour statuer sur ces recours, ne peut siéger, faute de quorum, depuis le départ à la retraite de plusieurs de ses membres. Le CSM tente de nommer six présidents de chambre de Cour de cassation pour remplacer ceux partis à la retraite et compléter ainsi l’assemblée composée légalement de dix membres. Or, le projet de nominations nécessite un décret, bloqué depuis avril dernier par le ministre des Finances Youssef Khalil, proche du camp berryste. Lequel motive son refus de le signer par des considérations confessionnelles : tel que présenté par le CSM, et conformément à la pratique qui dure depuis l’accord de Taëf (1990), le projet de nominations prévoit que l’assemblée plénière soit composée de cinq membres musulmans et cinq chrétiens, auxquels s’ajoute le président du CSM, de confession chrétienne. Or, M. Khalil, et derrière lui le chef du Parlement Nabih Berry, veulent imposer un sixième président de chambre de cassation, de confession musulmane. Le ministre des Finances a donc renvoyé le projet au CSM en lui demandant de le réviser, mais l’organe juridictionnel insiste sur sa position. D’où le blocage.

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Une source proche du CSM indique qu’il y a près de deux semaines, celui-ci a réexpédié son projet sans le modifier au ministre de la Justice, dont la signature préalable à celle de son collègue des Finances est nécessaire. De son côté, M. Khoury a affirmé la semaine dernière à la presse qu’il attendait de recevoir le projet de nominations. Le signera-t-il, sachant qu’il l’avait fait aussitôt après l’avoir reçu du CSM la première fois et avant qu’il n’ait buté sur le refus de Youssef Khalil ?

En tout état de cause, le CSM semble se diriger vers l’escalade. Selon une source informée, il exige une signature rapide du décret de nomination par les ministres de la Justice et des Finances afin que le projet parvienne au chef du gouvernement et au président de la République. À défaut de quoi, le CSM se dirige vers une autre solution : permettre à l’assemblée plénière de se réunir avec les présidents intérimaires de chambre de cassation qui remplacent les membres titulaires et ont les mêmes prérogatives. L’assemblée pourra alors trancher les recours judiciaires qui empêchent la poursuite de l’enquête.

Absence de quorum du CSM ?

En parallèle, des proches de victimes du 4 août, représentés par les avocats Chucri Haddad et Tammam Sahili, avaient adressé il y a quelques jours une lettre au CSM dans laquelle ils affirment que le principe même de la désignation d’un suppléant est illégal. Le code de procédure pénale édicte en effet la nomination d’un seul juge d’instruction près la Cour de justice.

Pour mémoire

Des familles des victimes portent plainte contre les ministres de la Justice et des Finances

Dans la même lettre, les avocats ajoutent à titre subsidiaire que le CSM ne peut tenir des réunions consacrées à la question de la double explosion au port de Beyrouth en présence des juges Ghassan Oueidate et Habib Mezher. Le premier parce qu’il a été récusé du dossier, le second parce qu’il fait l’objet d’un recours pour « fautes lourdes » présenté en janvier 2021 par des familles de victimes. Pour rappel, alors qu’il n’était pas habilité à le faire, M. Mezher avait notifié le juge Bitar d’une demande de dessaisissement présentée contre lui par l’ancien ministre Youssef Fenianos, mis en cause dans l’enquête. Les proches de victimes l’ont en outre accusé devant l’Inspection judiciaire et devant le CSM d’« entraver le cours de la justice ».

Interrogé par L’Orient-Le Jour, Chucri Haddad fait observer que dans ces circonstances, « le quorum de réunion (6) du CSM n’est pas assuré, puisque le nombre de magistrats pouvant participer aux séances est réduit à cinq ». « Toute séance ou décision liée à la question de l’enquête du port est donc nulle et inexistante », ajoute-t-il.

Le CSM mettra-t-il fin vendredi à la grève des juges du Liban ?

Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) doit tenir une assemblée générale vendredi prochain, à l’appel de son président Souheil Abboud, pour faire le point avec les juges en grève depuis la mi-août sur l’avancée des pourparlers avec les autorités, apprend-on d’une source judiciaire.

Le mouvement de protestation, qui a pour revendication un réajustement salarial pour cause de dépréciation record de la monnaie nationale, pourrait alors prendre fin. Et ce dans un contexte de profonde crise multidimensionnelle et de paralysie totale de l’activité judiciaire. Alors que la livre libanaise a atteint son niveau le plus bas face aux devises étrangères durant la semaine écoulée, 39 000 LL pour 1 dollar, les salaires des magistrats, eux, n’ont pas bougé. La rémunération mensuelle de bon nombre de juges ne vaut plus qu’une petite centaine de dollars.

Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) n’est pas parvenu à s’entendre sur la désignation d’un magistrat afin de remplacer le juge d’instruction près la Cour de justice Tarek Bitar pour les questions liées aux détenus dans l’affaire de la double explosion au port de Beyrouth (4 août 2020). Lors de la réunion, qui s’est tenue mardi, un débat houleux de près de quatre...

commentaires (1)

Y en a marre de lire proche de, et allié de. Malgré tout ce qui se passe les hommes à la tête de ces institutions ne sont pas capables de choisir des personnes compétentes et patriotiques et passer outre les considérations des politichiens qui les mènent par le voit du nez parce qu’ils les ont achetés. Où est donc la fibre patriotique qui anime tous les responsables politiques du monde sauf au Liban. Honte à vous, ressaisissez-vous et sauvez notre pays qui a le malheur de vous avoir comme citoyens sans âme ni conscience.

Sissi zayyat

12 h 19, le 22 septembre 2022

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Commentaires (1)

  • Y en a marre de lire proche de, et allié de. Malgré tout ce qui se passe les hommes à la tête de ces institutions ne sont pas capables de choisir des personnes compétentes et patriotiques et passer outre les considérations des politichiens qui les mènent par le voit du nez parce qu’ils les ont achetés. Où est donc la fibre patriotique qui anime tous les responsables politiques du monde sauf au Liban. Honte à vous, ressaisissez-vous et sauvez notre pays qui a le malheur de vous avoir comme citoyens sans âme ni conscience.

    Sissi zayyat

    12 h 19, le 22 septembre 2022

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