Nouveaux développements dans la polémique qui oppose des familles de victimes de la double explosion du 4 août 2020 au ministre sortant de la Justice Henri Khoury : une plainte a été déposée contre lui et contre son homologue aux Finances Youssef Khalil, a annoncé lundi l'avocat Choukri Haddad. Dans une longue interview à al-Hurra, M. Khoury a par ailleurs défendu la proposition qu'il a soumise au Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) ayant abouti à une décision prise mardi dernier : celle de nommer un juge suppléant dans le dossier de l'enquête sur les explosions au port, confiée au juge d'instruction Tarek Bitar.
Depuis l'annonce de la décision du CSM, des membres de familles de victimes ont multiplié les mobilisations aussi bien contre le ministre de la Justice que contre Souheil Abboud, président du CSM. Dans un communiqué écrit au vitriol et publié dimanche, les familles des victimes ont répondu à des accusations du ministre Khoury les taxant d'être "à la solde des ambassades".
Abus d'influence, manquement aux obligations
L'Agence nationale d'information (Ani, officielle) rapporte lundi que l'avocat Choukri Haddad "a annoncé avoir déposé deux plaintes contre les ministres sortants de la Justice et des Finances Henri Khoury et Youssef Khalil, en tant qu'avocat de certains proches des victimes de la tragédie du 4 août, avec constitution de partie civile". Les plaintes ont été déposées auprès du premier juge d'instruction de Beyrouth Charbel Abou Samra, en vertu des articles 376 et 377 du Code pénal libanais et au nom de plusieurs motifs, notamment l'abus d'influence et le manquement aux obligations.
L'avocat précise que "les deux plaintes viennent en réaction au refus du ministre des Finances de signer les nominations judiciaires sans aucune base juridique, ainsi que l'exploitation de cette affaire par le ministre de la Justice et la proposition de solutions non-conformes à la loi, dans l'intérêt de parties mises en cause dans le dossier de l'explosion du port de Beyrouth". Les détracteurs de M. Khoury et du CSM voient en effet leur décision comme une énième ingérence politique dans ce dossier, celle-ci ayant été prise après une réunion entre les membres du CSM et des députés du Courant patriotique libre (CPL, aouniste), dont est proche l'un des détenus, l'ex-directeur général des douanes, Badri Daher.
Quant à Youssef Khalil, c'est le fait qu'il n'ait toujours pas signé un décret permettant de nommer plusieurs membres de l'Assemblée générale de la Cour de cassation qui est mis en cause. Cette juridiction, la plus haute de l'ordre judiciaire, est chargée notamment d'examiner tous les recours lancés contre le magistrat Bitar par les responsables politiques, qui empêchent l'enquête de suivre son cours.
"C'est moi que l'on vise"
Dans une longue interview à la chaîne locale al-Hurra, le ministre Khoury s'est défendu sur plusieurs points. Il a d'abord rappelé que la décision concernant la nomination d'un juge suppléant "a été prise à deux avec le CSM et n'est pas individuelle. Si c'est moi qui détruit l'enquête, pourquoi le CSM ne la détruirait-il pas avec moi ?", a-t-il questionné. "Cette campagne menée contre moi sans cibler le CSM montre que c'est moi que l'on vise", a-t-il lancé.
Concernant le rôle du magistrat Tarek Bitar, Henri Khoury a affirmé que "tout juge contre qui des recours sont déposés doit être immédiatement remplacé, et cette opération est supposée être rapide". S'il a pris la décision de nommer un juge d'instruction suppléant, c'est "pour ouvrir une brèche dans ce dossier. Il est possible que cela conduise à une reprise en main totale du dossier par Tarek Bitar", a-t-il plaidé. "Dès qu'il aura la main sur le dossier, l'autre juge sera retiré. Si le CSM n'avait pas été d'accord avec moi sur cette décision, je ne l'aurais pas prise", a-t-il poursuivi.
Le ministre sortant de la Justice persiste et signe : "J'attends l'approbation du CSM et la forme qu'elle prendra, puis je nommerai un juge délégué", a-t-il promis, affirmant ne pas avoir été notifié par le CSM d'un quelconque rétropédalage sur sa décision. "Je le dis : le juge Bitar restera, il restera !", a-t-il néanmoins martelé lors de son entretien télévisé.
M. Khoury s'est enfin exprimé sur les proches des victimes de la double explosion : "Je n'ai aucun différend avec eux et je ne les ai jamais accusés de collusion avec les ambassades. Je n'ai jamais prononcé ces paroles", a-t-il soutenu. "Ce sont eux qui ont ouvert le feu contre moi et qui ont prononcé des paroles sans précédent", a-t-il poursuivi.
Les familles auraient dû porter plainte dès les premières heures contre tous les traîtres qui ont permis qu’un désastre de ce genre ait lieu. Il n’est pas trop tard mais il faut persévérer et aller au delà de la justice locale qui est vendue et inexistante. Il faut remuer ciel et terre auprès des instances internationales pour que tous ces vendus soient traduits devant la justice et paient leur participation à ce massacre prémédité ou même par négligence.
18 h 20, le 13 septembre 2022